F. Frontisi-Ducroux, J.-P. Vernant. Dans l oeil du miroir  ; n°3 ; vol.216, pg 367-370
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Revue de l'histoire des religions - Année 1999 - Volume 216 - Numéro 3 - Pages 367-370
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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 24
Langue Français

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Hélène Puiseux
F. Frontisi-Ducroux, J.-P. Vernant. Dans l'oeil du miroir
In: Revue de l'histoire des religions, tome 216 n°3, 1999. pp. 367-370.
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Puiseux Hélène. F. Frontisi-Ducroux, J.-P. Vernant. Dans l'oeil du miroir. In: Revue de l'histoire des religions, tome 216 n°3,
1999. pp. 367-370.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1999_num_216_3_1095COMPTES RENDUS
Françoise FRONTISI-DUCROUX, Jean-Pierre VERNANT, Dans l'œil du
miroir, Paris, Éditions Odile Jacob, 1997, 22 cm, 298 p., ill.,
145 F.
Cet ouvrage est conçu comme un triptyque. Un grand panneau
central est constitué par l'analyse de Françoise Frontisi-Ducroux
sur le monde qui s'est créé autour du miroir dans la Grèce ancienne,
un où le miroir est un objet réservé strictement aux femmes,
banni pour les hommes, un monde où cependant les sources ne nous
permettent d'entrer que par des représentations et des textes dont
des hommes sont les auteurs. Ce grand ensemble est encadré de
deux panneaux plus courts, composés par Jean-Pierre Vernant,
autour de la personne même d'Ulysse au terme de son long voyage :
son image, son identité et par là même son identification, toutes
brouillées par le temps et les dieux, doivent se recomposer par à-
coups dans les yeux des autres avant d'être authentifiées par Péné
lope elle-même. La composition quasi picturale de l'ouvrage, le titre
Dans l'œil du miroir et jusqu'à la dédicace (Pour Claude et Claude),
avertissent le lecteur: entre les deux volets externes qui parlent de
l'identité et du couple à travers le couple mythique Ulysse/Pénélope,
nous sommes invités à circuler dans un monde cadré, limité mais à
double fond, miroitant et décalé tout à la fois par rapport à notre
propre monde, dans lequel Françoise Frontisi-Ducroux va nous
faire progresser. Nous allons retrouver des objets (le miroir), des
attitudes (la séduction), des mythes (les différentes versions du Narc
isse), des notions (la connaissance de soi, le désir) : Françoise
Frontisi-Ducroux montre au fil des chapitres que cet ensemble n'est
qu'illusoirement familier ; les usages qui en sont faits, les comporte
ments sociaux qui en découlent, les désirs qui s'y dissimulent ou s'y
exposent sont historiquement et socialement différents.
Un avant-propos remarquable de clarté et de concision est un
viatique utile pour cet ouvrage qui embarque le lecteur pour une
Revue de l'histoire des religions, 216 - 3/1999 368 COMPTES RENDUS
chronologie longue - du « monde d'Ulysse » (p. 10) traité par Jean-
Pierre Vernant, au « monde du miroir » de Françoise Frontisi-
Ducroux, dont l'analyse s'épanouit depuis l'Athènes classique jus
qu'aux versions les plus récentes - grecques ou latines - du mythe
de Narcisse des premiers siècles de notre ère.
Les volets latéraux donnent au lecteur le bonheur de retrouver
l'écriture de Jean-Pierre Vernant. Un vrai plaisir littéraire s'allie à la
beauté et à la chaleur de l'analyse. Le premier, Ulysse en personne
(p. 11-50), trace les aventures du regard du roi d'Ithaque dans les
étapes de son voyage : en rendant compte de l'importance du regard
d'Ulysse pour se garder des différents enchantements et dangers ren
contrés, malgré des hésitations, des brouillages, des aveuglements ou
des invisibilités passagères et les errances qui en découlent, Jean-
Pierre Vernant peint littéralement des scènes d'extérieur magnifi
ques, des paysages, épais, profonds, inquiétants, peuplés à leur tour
de regards invisibles ou visibles sous l'œil étonné du voyageur. On
assiste à la reconquête et à la reconnaissance des regards dans son
île retrouvée, qui se font progressivement, de proche en proche,
Nausicaa, le chien Argos, la nourrice, etc., et l'on voit le travail se
faisant dans les deux sens - reconnaître, être reconnu, pour être. A
la fin du premier volet, Ulysse existe partiellement, mais il doit
encore convaincre les regards et l'esprit de son père et de sa femme,
piliers de son identité d'homme.
Abruptement, on quitte les rivages d'Ithaque pour le périple du
panneau central, sous le signe du titre du premier chapitre « Miroir,
petit miroir... », la méchante reine de Blanche-Neige ici convoquée
pour ouvrir le gros dossier intitulé : L'œil et le miroir. Les quatre
premiers chapitres (p. 51-133) analysent avec beaucoup de finesse
des images et des textes qui présentent d'abord comme une série de
scènes d'intérieur, les miroirs eux-mêmes, puis leur équivalent dans
le monde féminin, la quenouille, ainsi que les liens du miroir et des
tissus avec la séduction qui est demandée aux femmes par les hom
mes (« Les tissus du désir », p. 100). Dans ce « monde des femmes »,
que nul document ne présente sans avoir été créé et imaginé par les
Athéniens (Sparte offre en revanche des inversions troublantes dans
les rites de mariage), les hommes, privés de l'objet-miroir, ont accès
à ses dérivés et à ses métaphores qui sont présentés dans le cha
pitre IV ( « Figures » ) : les pouvoirs du vin, le temps, l'histoire,
l'amour et l'amitié, les enfants, les femmes, sont autant de « révéla
teurs » où les hommes trouvent de quoi laisser leurs empreintes ou
prendre des modèles et se donner ainsi à voir. De ces quatre pre
miers chapitres, F. F.-D. établit de manière convaincante que « le
monde du miroir» est un monde clos, réflexif, alors que les
« miroirs » des hommes, essentiellement les yeux de l'autre, homme
et citoyen, est un monde ouvert, un monde avec du recul, où
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l'homme se constitue sujet dans un échange entre égaux. Les fem
mes étant réduites à être objet par un objet.
Le cinquième chapitre rappelle utilement les théories scientif
iques de la vue. Selon la théorie atomiste, la vue est un sens passif
(comme l'audition) recevant les fragments des fines particules qui se
détachent de l'objet regardé, et l'œil ne reçoit que des images. Pour
Empédocle, Platon, les Stoïciens, la vue est un sens actif, le rayon
visuel surgissant et venant frapper l'objet. Cette alternative entre
objets réels et simulacres, Françoise Frontisi-Ducroux la met en
rapport avec « l'ambivalence qui caractérise la façon dont les images
du miroir sont envisagées : sans que les Grecs y voient une contra
diction, c'est tantôt la réalité même qui se trouve dans le miroir,
tantôt une pure apparence, illusoire et trompeuse » (p. 146).
Les six chapitres suivants parcourent et construisent l'ambi
valence du miroir, doté de différents pouvoirs, qui peuvent être en
rapport direct avec le monde féminin (chap. VI, « Aristote et les
règles »), mais surtout présenté comme « Un objet paradoxal » (c'est
le titre du chap. VII). Dans ce déploiement des capacités opposées
(soi-même et l'autre, semblable et différent, vrai et faux, actif et pass
if, ombre et lumière, etc.) Françoise Frontisi-Ducroux use du
miroir comme d'un éventail dont elle présente l'ensemble des bran
ches, qui vont lui permettre de passer « au-delà du miroir », de se
lier avec l'invisible, d'analyser ses capacités divinatoires (chap. IX),
pour nous conduire enfin au bord de l'eau, auprès du héros attendu,
Narcisse. Elle rappelle les différentes versions du mythe (« Narcisse
et ses doubles », chap. X), et se rapproche par endroits de la belle
analyse que Pierre Hadot avait faite, à propos du renversement
qu'opère la version plotinienne par rapport à celle d'Ovide («Le
mythe de Narcisse et son interprétation par Plotin », in La Nouvelle
Revue de psychanalyse, Gallimard, n° 13, 1976, p. 81-108). Françoise
Frontisi-Ducroux, davantage sensible au statut de l'image et à son
évolution, signale et étudie à son tour les glissements progressifs des
versions (k noyade de Narcisse passant d'un châtiment voulu de
son refus d'avoir joué le miroir de ses amants dédaignés, ou d'un
châtiment inséparable de son enfermement sur lui-même). Elle joint
à l'étude du mythe celle de ce genre littéraire particulier, Yekphrasis,
description de peintures plus ou moins fictives : l'analyse qu'elle
donne de ces singuliers miroirs du mythe de Narcisse (par Philo
strate et par Callistrate) est

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