Hagiographie et politique, de Sulpice Sévère à Venance Fortunat - article ; n°168 ; vol.62, pg 113-140
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1976 - Volume 62 - Numéro 168 - Pages 113-140
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Fontaine
Hagiographie et politique, de Sulpice Sévère à Venance
Fortunat
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 62. N°168, 1976. pp. 113-140.
Citer ce document / Cite this document :
Fontaine Jacques. Hagiographie et politique, de Sulpice Sévère à Venance Fortunat. In: Revue d'histoire de l'Église de France.
Tome 62. N°168, 1976. pp. 113-140.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1976_num_62_168_1569HAGIOGRAPHIE ET POLITIQUE,
DE SULPICE SÉVÈRE À VENANCE FORTUNAT
La christianisation de la Gaule n'est pas seulement un phénomène
historique qui s'inscrit dans l'espace de ses différentes provinces, et
qui nous est matériellement saisissable dans le développement des
Églises et leur hiérarchie. C'est aussi un processus intérieur qui s'exprime
dans la conversion, plus ou moins profonde, des individus et des groupes
sociaux, telle que nous en saisissons le reflet à travers les constantes
et l'évolution de certains genres littéraires. Parmi eux, l'hagiographie
occupe une place de choix ; elle le doit à la fois à ses caractères spéci
fiques et à l'abondance croissante des oeuvres qui relèvent de ce genre
au cours de la période que nous considérons.
Ce développement est à la mesure même de celui du culte des saints.
Ces médiateurs privilégiés s'interposent avec d'autant plus d'insi
stance entre le Dieu chrétien et ses fidèles, que leurs Vies sont proposées
de plus en plus largement, à partir de la fin du vie siècle (où l'on va
voir que se situe le cœur de notre enquête), à la lecture publique ou
privée, liturgique ou profane, individuelle ou collective. C'est pour
quoi, pour ne pas outrepasser indûment nos limites d'historien de la
littérature, c'est à ce genre précis, considéré sous l'angle particulier
de la tradition littéraire martinienne, que nous consacrerons la pré
sente recherche.
Cette recherche se proposera de mettre en valeur, sous un angle
qui nous semble encore insuffisamment considéré, l'influence exercée,
sur l'idéologie politique et religieuse de la Gaule mérovingienne, par
une biographie hagiographique que nous avons la chance de posséder
en trois « épreuves » successives, respectivement échelonnées sur deux
siècles : l'ensemble de la Vie, des lettres et des Dialogues rédigés en
prose par Sulpice Sévère à la fin du ive siècle, et leur transposition
successive en hexamètres dactyliques par Paulin de Périgueux dans
la seconde partie du ve siècle, et par Venance Fortunat dans le dernier
quart du vie siècle. Les contemporains de et de Grégoire
de Tours reconnaissaient quasi unanimement en saint Martin le modèle
par excellence de la sainteté chrétienne. Ses moindres reliques étaient
partout vénérées, sa puissance surnaturelle (uirtus Martini) invoquée
et redoutée comme la forme la plus efficace de Yauxilium Dei, ses trois
biographies, — et surtout le dossier du futur « Martinellus » légué par
Sulpice — largement diffusées par voie écrite, orale ou même visuelle. 114 JACQUES FONTAINE
Dépassant les barrières sans doute de plus en plus hautes de l'écrit,
on peut bien dire que les petits « médaillons » commodes de la bio
graphie martinienne - — tous les épisodes significatifs de ces gesta Mart
ini — ont bénéficié alors d'une diffusion audio-visuelle exceptionnelle, en
particulier pour les innombrables pèlerins du sanctuaire de Tours, depuis
les rois jusqu'aux derniers de leurs sujets. C'est, si l'on ose dire, de cette
véritable intoxication spirituelle de la Gaule mérovingienne, par ce
que l'on pourrait appeler la propagande martinienne, qu'il nous faut
partir comme d'une sorte de toile de fond sur laquelle nous aurons à
détacher les diverses étapes de notre enquête.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, en effet, cette enquête
n'a point descendu le fil des temps, et remonté simultanément, dans
l'espace, vers Faire géographique de notre colloque, en partant du
Primuliacum de Sulpice à l'âge théodosien, pour aboutir de justesse
à la basilique de Tours au temps de l'historien des Francs. Elle a pour
origine la surprise, que nous avons ressentie après bien d'autres, devant
la différence sensible de contenu et d'orientation qui existe entre les
deux Vies de sainte Radegonde : la première Vita sanctae Radegundis
que Venance Fortunat rédige peu après la mort de la reine en l'an
587 ; et la seconde — le « livre II » des manuscrits — , que la moniale
Baudonivie écrit une bonne vingtaine d'années plus tard, probable
ment entre les années 609 et 614 *. L'idée la plus communément — et
commodément — reçue était que cette seconde Vita serait à consi
dérer comme un simple complément de la première : donc une sorte
d'appendice ou d'addition, rassemblant des confidences de la reine aux
quelles Fortunat n'aurait point eu accès 2. Mais dès 1953, certaines
1. Je m'en tiens, pour la première, à la datation admise, sans plus de précision,
depuis son éditeur Bruno Kruseh, dans la préface de son édition classique des
MGH, SRM, § V du prooemium. Pour l'œuvre de Baudonivie, la fourchette chro
nologique 609-614 est proposée avec une certaine vraisemblance par L. Coudanne,
« Baudonivie moniale de Sainte-Croix et biographe de sainte Radegonde », dans
Études mérovingiennes, Poitiers, 1953, p. 45 sq. On sait que, dans sa classique
histoire de la littérature latine médiévale, Max Manitius ne donne aucune indi
cation sur ce dernier problème : il ne s'intéresse à Baudonivie que pour en tirer
une conclusion hasardeuse sur la date de la première biographie ; de la phrase de
la préface de celle-ci « non ea quae uir apostolicus Fortunatus episcopus de beatae
uita composuit iteramus », il déduit en effet que Fortunat était évêque quand Bau
donivie écrivait ; ce qui est à la fois discutable dans l'interprétation, et peu clair
du point de vue chronologique. La phrase de Baudonivie ne permet guère, en effet,
de conclure si Fortunat était encore vivant, ou non, lors de la rédaction de cette
préface ; et d'autre part, aucun texte ne nous permet de dater précisément l'acces
sion de Fortunat à l'épiscopat.
2. Selon R. Aigrain, L 'hagiographie..., Bloud et Gay, 1953, p. 161, « Baudonivie
entreprit... de compléter cette narration insuffisante en consignant, un peu après
600, des souvenirs précieux où affluent plus d'une fois des confidences de la reine-
moniale sur sa vie intime » ; plus loin, p. 302, ibid., il parle de « si étranges lacunes
que les moniales de Sainte-Croix demandèrent à l'une d'elles de les combler ».
Dans le sillage de cette idée reçue, Fr. Prinz, Fruhes Mônchtum im Frankenreich,
Mûnchen-Wien, 1965, p. 485, parle simplement d'un « complément contemporain ».
Comme dans Manitius, la seconde Vita est inutilisée dans la dissertation de M. L. Port-
mann, Die Darstellung der Frau in der Geschichtschreibung des friihen Mittelalters,
Diss. Basel, 1958, bien que mentionnée dans sa bibliographie. HAGIOGRAPHIE ET POLITIQUE 115
formules du chanoine Aigrain laissaient entendre qu'il conviendrait de
ne point s'en tenir à cette vue trop simple. Les deux Vitae, écrivait-il,
- — sans mesurer peut-être toutes les implications de sa comparaison — ,
« ne sont pas entre elles moins différentes que la Vie de Néron
dans Suétone et les chapitres qui la racontent dans les Annales de
Tacite » 3. Cette même année 1953, le non moins regretté chanoine
Delaruelle donnait, aux Journées mérovingiennes de Poitiers, son inter
prétation de la différence, poussée jusqu'à une antithèse violente entre
deux types de sainteté : face à la moniale célébrée par Fortunat, Bau
donivie aurait voulu montrer une Radegonde « soucieuse jusque dans
le cloître des grands événements du regnum Francorum », et usant
de son pouvoir royal pour y intervenir 4. Cette interprétation n'a pas
été du goût de toute le monde, et singulièrement de Fr. Graus, qui
l'a sévèrement critiquée en 1965. A cette différence « trop tranchée »
entre les deux livres, Graus substituait une inflexion : Fortunat aur

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