Jacob et Esaü ou Israël et Rome dans le Talmud et le Midrash - article ; n°4 ; vol.201, pg 369-392
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1984 - Volume 201 - Numéro 4 - Pages 369-392
Cet article part d'un paradoxe exégètique. Alors que les Juifs s'opposent à la puissance romaine, apparaît (probablement dans l'école d'Aqiba, vers + 132) l'idée qu'Israël et Rome sont frères car ils sont issus de Jacob et d'Esaü. Telle est l'origine du surnom le plus courant de Rome (Esaü-Edom), laquelle est appelée aussi dans les sources rabbiniques « l'empire scélérat ». L'exégèse des chapitres XXV-XXVII de la Genèse subit le contrecoup de l'identification d'Esaü avec Rome. L'infériorité morale du fils aîné d'Isaac est fortement accentuée et les vices qu'on lui prête sont ceux que l'on reproche traditionnellement à Rome. C'est cependant lui qui détient la puissance matérielle en ce monde : entouré de ses chefs (comme en Gen. XXXVI), il règne par l'épée, ce qui pose le douloureux problème de la rétribution. Le fondement de l'identification d'Esaü-Edom avec Rome n'est pas à chercher selon nous dans une quelconque relation avec Hérode, Iduméen ami de Rome, comme on l'a souvent écrit, mais dans les nombreuses prophéties dirigées contre Edom qui assurent Israël d'une revanche en lui promettant que si Esaü possède ce monde, lui, aura le monde futur.
Jacob and Esau or Israel and Rome in the Talmud and the Midrash
This article takes as its starting-point an exegetical paradox. At a time when the Jews resisted Roman power, appears the idea that Israel and Rome are brothers because both offspring of Jacob and Esau (probably from Akiba's School, c. + 132). This is the origin of the most common appellation attributed to Rome (Esau-Edom), also qualified as the « wicked kingdom » in rabbinic texts. The identification of Esau with Rome had repercussions on the exegetical study of chapters XXV-XXVII of Genesis. The moral inferiority of Isaac's elder son was largely emphasized and the vices of which he was accused were those commonly attributed to Rome. However, it was he who possessed material power in this world : surrounded by his chiefs, he ruled « by the sword » which posed the awkward problem of retribution. In my opinion, the basis for the identification of Esau-Edom with Rome is not linked to some relation with Herod, the Idumean friend of Rome, as has often been stated, but to the numerous prophesies made against Edom which gave Israel its revenge by promising that if Esau owned this world, they would own the next.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mireille Hadas-Lebel
Jacob et Esaü ou Israël et Rome dans le Talmud et le Midrash
In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°4, 1984. pp. 369-392.
Citer ce document / Cite this document :
Hadas-Lebel Mireille. Jacob et Esaü ou Israël et Rome dans le Talmud et le Midrash. In: Revue de l'histoire des religions, tome
201 n°4, 1984. pp. 369-392.
doi : 10.3406/rhr.1984.4240
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1984_num_201_4_4240Résumé
Cet article part d'un paradoxe exégètique. Alors que les Juifs s'opposent à la puissance romaine,
apparaît (probablement dans l'école d'Aqiba, vers + 132) l'idée qu'Israël et Rome sont frères car ils sont
issus de Jacob et d'Esaü. Telle est l'origine du surnom le plus courant de Rome (Esaü-Edom), laquelle
est appelée aussi dans les sources rabbiniques « l'empire scélérat ». L'exégèse des chapitres XXV-
XXVII de la Genèse subit le contrecoup de l'identification d'Esaü avec Rome. L'infériorité morale du fils
aîné d'Isaac est fortement accentuée et les vices qu'on lui prête sont ceux que l'on reproche
traditionnellement à Rome. C'est cependant lui qui détient la puissance matérielle en ce monde :
entouré de ses chefs (comme en Gen. XXXVI), il règne par l'épée, ce qui pose le douloureux problème
de la rétribution. Le fondement de l'identification d'Esaü-Edom avec Rome n'est pas à chercher selon
nous dans une quelconque relation avec Hérode, Iduméen ami de Rome, comme on l'a souvent écrit,
mais dans les nombreuses prophéties dirigées contre Edom qui assurent Israël d'une revanche en lui
promettant que si Esaü possède ce monde, lui, aura le monde futur.
Abstract
Jacob and Esau or Israel and Rome in the Talmud and the Midrash
This article takes as its starting-point an exegetical paradox. At a time when the Jews resisted Roman
power, appears the idea that Israel and Rome are brothers because both offspring of Jacob and Esau
(probably from Akiba's School, c. + 132). This is the origin of the most common appellation attributed to
Rome (Esau-Edom), also qualified as the « wicked kingdom » in rabbinic texts. The identification of
Esau with Rome had repercussions on the exegetical study of chapters XXV-XXVII of Genesis. The
moral inferiority of Isaac's elder son was largely emphasized and the vices of which he was accused
were those commonly attributed to Rome. However, it was he who possessed material power in this
world : surrounded by his chiefs, he ruled « by the sword » which posed the awkward problem of
retribution. In my opinion, the basis for the identification of Esau-Edom with Rome is not linked to some
relation with Herod, the Idumean friend of Rome, as has often been stated, but to the numerous
prophesies made against Edom which gave Israel its revenge by promising that if Esau owned this
world, they would own the next.JACOB ET ESAU
OU ISRAEL ET ROME
DANS LE TALMUD
ET LE MTORASH*
Cet article part d'Un paradoxe exégètique. Alors que les Juifs s'op
posent à la puissance romaine, apparaît (probablement dans l'école
d'Aqiba, vers + 132) Vidée qu'Israël et Rome sont frères car ils sont
issus de Jacob et d'Esaù. Telle est l'origine du surnom le plus courant de
Rome (Esaù-Edom), laquelle est appelée aussi dans les sources rabbi-
niques « l'empire scélérat ». L'exégèse des chapitres XXV-XXVII de
la Genèse subit le contrecoup de l'identification d'Esaù avec Rome.
L'infériorité morale du fils aîné d1 Isaac est fortement accentuée et les
vices qu'on lui prête sont ceux que Von reproche traditionnellement à
Rome. C'est cependant lui qui détient la puissance matérielle en ce
monde : entouré de ses chefs (comme en Gen. XXXVI), il règne par
l'épée, ce qui pose le douloureux problème de la rétribution.
Le fondement de l'identification d'Esaù-Edom avec Rome n'est pas
à chercher selon nous dans une quelconque relation avec Hérode, Idu-
méen ami de Rome, comme on l'a souvent écrit, mais dans les nombreuses
prophéties dirigées contre Edom qui assurent Israël d'une revanche en
lui promettant que si Esaù possède ce monde, lui, aura le monde futur.
Jacob and Esau or Israël and Rome in the Talmud and the Midrash
This article takes as its starting-point an exegetical paradox. At a
time when the Jews resisted Roman power, appears the idea that Israel
and Rome are brothers because both offspring of Jacob and Esati (pro-
* Liste des abréviations utilisées. AJ : Antiquités juives de Flavius Josèphe. —
AZ : Traité Aboda Zara du Talmud. — R. : Placé après un nom de livre biblique,
renvoie au Midrash Rabba sur ce livre (Nous avons renoncé généralement ici
à donner une référence aux éditions hébraïques. Les références données ren
voient à la traduction anglaise de l'édition Soncino). — REJ : Revue des Etudes
juives. — TJ : Talmud de Jérusalem.
Revue de l'Histoire des Religions, cci-4/1984 rhr — 14 370 Mireille Hadas-Lebel
bably from Akiba's School, c. + 132). This is the origin of the most
common appellation attributed to Rome (Esau-Edom), also qualified as
the « wicked kingdom » in rabbinic texts. The identification of Esau with
Rome had repercussions on the exegetical study of chapters XXV-XXVII
of Genesis. The moral inferiority of Isaac's elder son was largely emphas
ized and the vices of which he was accused were those commonly attributed
to Rome. However, it was he who possessed material power in this
world : surrounded by his chiefs, he ruled « by the sword » which posed
the awkward problem of retribution.
In my opinion, the basis for the ihentification of Esau-Edom with
Rome is not linked to some relation with Herod, the Idumean friend
of Rome, as has often been stated, but to the numerous prophesies made
against Edom which gave Israel its revenge by promising that if Esau
owned this world, they would own the next.
C'est à partir du second siècle que commence à être attestée
dans la tradition rabbinique une idée destinée à une grande
fortune dans le Midrash : celle qu'Israël et Rome sont unis
par les mêmes liens de fraternité que Jacob et Esau. Ainsi
les personnages bibliques préfigurent les deux peuples frères
et néanmoins ennemis, ennemis et néanmoins frères. Les rap
ports ambigus ou hostiles qu'ils entretiennent dans le récit
de la Genèse fourniront au Midrash, notamment à Genèse
Rabba sur Gen. XXV-XXVII, une typologie des deux peuples
et de leurs relations passées, présentes et futures.
LE THÈME DE LA FRATERNITÉ
A travers le chapitre X de la Genèse, Israël revendique
une fraternité en Noé avec tous les peuples de la terre. Il se
considère en effet comme un descendant de Sem et considère
notamment les Grecs comme des descendants de Javan, fils
de son frère cadet Japhet. Les Romains tard venus sont, selon
une tradition attestée dans le livre de Daniel1 et dans cer
tains écrits de Qumran2, des Kittim, c'est-à-dire des fils de
1. Dan. XI, 30, où les « vaisseaux des Kittim » sont ceux des Romains qui
obligèrent Antiochus IV à se retirer d'Egypte en — 168.
2. Notamment les commentaires sur Habacuc (1 Qp Hab.) col. II 12,
III 4, IV 10-12, IV 2-12, VI 3-5. Jacob et Esaù 371
Javan. Dans les deux cas, Grecs et Romains, il s'agit donc
d'une parenté lointaine et non privilégiée.
Au livre I des Macchabées, chapitre 12, on relève du
côté juif une volonté marquée de se rapprocher d'un peuple
grec, les Spartiates. Le grand prêtre Jonathan s'adresse à
eux comme à des « frères » (XII, 8 et 11) et, si ce titre peut
avec raison être interprété simplement au sens d'alliés, la
copie citée d'une lettre d'Areios, roi des Spartiates, au grand-
prêtre Onias suppose plus que cela. Areios écrit en effet selon
ce document : « II a été trouvé dans un écrit concernant les
Spartiates et les Juifs qu'ils sont frères et qu'ils sont de la
race d'Abraham. Maintenant que nous avons appris cela, vous
agirez bien en nous écrivant pour nous dire si vous allez
bien. » Le fondement mythique de cette parenté est mal
élucidé, il s'agit plutôt selon les commentateurs modernes
d'une « fiction diplomatique »3. Toujours est-il que, cette fois,
la fraternité revendiquée est plus proche ;

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