L Occident at-il encore un avenir ?
331 pages
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L'Occident at-il encore un avenir ?

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Jean-Louis Michel L’Occident a-t-il encore un avenir ? Petits blancs, vous finirez tous mangés © 2009 © Jean-Louis Michel 2009 L’OCCIDENT A-T-IL ENCORE UN AVENIR ? Petits blancs, vous finirez tous mangés Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. Arnold Toynbee Les siècles de domination occidentale sur la planète y ont causé pas mal de dégâts, accumulant des frustrations, des attentes et des espérances ambiguës. Que le ressentiment des peuples du tiers-monde à l’égard de l’Occident soit fondé ou non, qu’il repose sur des raisons proclamées quoique peu convaincantes ou sur des raisons réelles non avouées, il est entretenu par le calcul politique de leurs dirigeants et par la maladresse avec laquelle l’Occident intervient dans les affaires de l’Afrique et du Proche- Orient. Ce ressentiment ne débouche pas sur une hostilité générale au niveau individuel ; il est cependant assez partagé pour déterminer les attitudes collectives dans bien des nations du « Sud » ainsi que dans les communautés qui les prolongent sur votre territoire. Il est surtout en train de nourrir une dynamique allant bien au-delà de la revendication, sans doute légitime, d’un rééquilibrage de l’ordre du monde : elle fait entrevoir la perspective de son 1renversement . Le rapport actuel des forces économiques et militaires peut faire croire que l’avenir de l’Occident est à l’abri d’un tel risque. Cette impression est trompeuse. L’avantage est sans doute encore pour quelque temps du côté de l’Occident pour ce qui est des éléments matériels du rapport de forces. Mais ces derniers ne suffisent pas à déterminer l’avenir. Au plan moral, le rapport de forces s’est déjà inversé. L’inversion se manifeste sur trois plans. Le « Sud » a désormais assimilé la rhétorique du mea-culpisme dont il joue avec habileté pour attirer les opinions publiques du « Nord » à sympathiser avec sa cause. Les occidentaux ont, de leur côté, collectivement perdu l’estime - 1 - L’OCCIDENT A-T-IL ENCORE UN AVENIR ? d’eux-mêmes sur laquelle ils fondaient leur assurance. Enfin, le sujet occidental, policé par les efforts d’une civilisation qui s’était donné pour dessein l’adoucissement des mœurs, amolli par les effets d’une prospérité dont il a confusément honte, en a oublié le sens et l’instinct de la lutte pour la vie ; en face, les masses du tiers-monde, endurcies par les épreuves et les frustrations, ont gardé, et même aiguisé, leur combativité. Dans les situations de compétition impitoyable qui se profilent à l’horizon de la prochaine génération du fait de l’épuisement des ressources et de la saturation de l’espace, ce dernier facteur peut, à lui seul, faire toute la différence. Peut-être aurait-il pu en être autrement si l’Occident ne s’était employé avec autant de persévérance à faciliter la tâche à ses adversaires, d’abord en ne cessant de se déchirer depuis un siècle, ensuite en se prenant d’une telle haine pour lui-même qu’il en vient à se prêter avec complaisance aux manœuvres dirigées contre lui. On peut se dire à l’inverse que, par une sorte de justice immanente – ou une ironie de l’histoire, si on préfère le voir comme cela –, les dominations s’effondrent toujours par l’effet même de ce qui a auparavant fait leur force. Ce sont les luttes concurrentielles entre les nations de l’Europe qui les ont jetées à l’assaut du reste du monde à partir des Temps modernes. Lorsque ces luttes ont dégénéré, elles l’ont abattue. Ce sont les contradictions inhérentes au système de valeurs édifié dans le sillage du réveil humaniste, à la fin du Moyen-Âge, qui ont fondé le dynamisme singulier des occidentaux, à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective. C’est le stress généré par leurs contradictions qui les fait aujourd’hui se retourner contre eux-mêmes. Longtemps, l’Occident s’est complu à penser sa singularité comme une supériorité. En un sens, il n’avait pas tort. Il y a eu en effet une période de quatre siècles pendant laquelle l’Occident a été en situation historique de supériorité par rapport au reste du monde. Elle est précisément datée puisqu’on peut l’encadrer par les deux dates symboliques du 12 octobre 1492, jour où Christophe Colomb met le pied sur le sol du Nouveau Monde, et du 2 août 1914, jour où se met en marche le processus d’autodestruction de la civilisation occidentale. Cette supériorité était d’ordre purement pratique. Elle ne tenait pas à une quelconque supériorité intrinsèque du « matériel humain » occidental, mais à la force d’organisation sociale que lui ont conférée les traits spécifiques de la culture construite par les Temps modernes et qui paraît aujourd’hui à bout de souffle. La question qui se pose désormais est de savoir si la singularité qui a déterminé la puissance de l’Occident pourra survivre à la perte de sa supériorité. Elle est d’autant plus cruciale pour nous que le reste du monde, qui a d’autant mieux fait - 2 - LE BOULEVARD DU CREPUSCULE l’amalgame entre la singularité et la supériorité occidentales qu’il a souffert tout autant de l’une que de l’autre, a décidé de régler ses vieux comptes avec la supériorité passée de l’Occident en s’employant à faire disparaître ce qui reste de sa singularité. On ne peut pas, en tout cas, faire reproche aux peuples du « Sud » d’éprouver du ressentiment et encore moins de chercher à exploiter la situation à leur avantage. Si l’Occident a adopté un cours suicidaire, il le doit aux développements de sa propre logique interne et les peuples du tiers- monde n’y sont pour rien. Les « blancs » n’ont à s’en prendre qu’à eux- mêmes s’ils ont décidé de baisser les bras et ont renoncé à lutter contre le cours du destin comme leurs ancêtres avaient su le faire à des moments clefs de l’histoire de leur civilisation. Et s’ils se laissent manipuler, personne ne les y oblige. Le problème, c’est qu’ils y ont pris goût. Ils s’en délectent, même, dirait-on. Puisque vous aimez cela, ne boudons pas notre plaisir et voyons vers quel destin joyeux cela vous entraîne. - 3 - I La maison divisée contre elle-même Le monde occidental a fait le jeu de ses adversaires en se déchirant entre ses composantes. Ce n’est pas nouveau. C’était déjà une cause majeure de l’échec des Croisades, les Francs n’ayant jamais pu s’entendre avec les Byzantins pour faire front commun. Neuf cents ans plus tard, il n’a toujours pas compris, même pas le professeur Huntington, qui continue à présenter les civilisations « orthodoxe » et « occidentale » comme étrangères l’une à l’autre. Il est vrai que, à partir de l’ère des Découvertes, ce sont précisément les rivalités entre nations européennes qui ont stimulé leurs ardeurs conquérantes mais c’est précisément ce facteur de dynamisme qui a précipité leur décadence. Tout au long du vingtième siècle, en effet, les occidentaux n’ont pas cessé de jouer contre leur propre camp. Ils ne pouvaient sans doute pas en avoir une juste conscience. La vision du monde qui a prévalu jusqu’à la fin de la guerre froide, et que beaucoup partagent encore, les empêchait de percevoir ce qu’ils avaient en commun pour ne faire ressortir que ce qui les divisait : les idéologies, les ambitions rivales. Rien qui pût leur donner le sentiment qu’ils formaient un camp face au reste du monde. Dans leur esprit, le reste du monde n’était qu’une périphérie indifférenciée, ou plutôt une périphérie qui structurée que par les prolongements des lignes de fracture internes à la sphère occidentale. Cela les a empêchés de se rendre compte que, du reste du monde, pouvaient émerger des rivaux, tandis que leur complexe de supériorité les a entraînés dans la plus grave erreur de jugement qui se puisse commettre : celle de sous-estimer ses adversaires. De la sorte, au lieu de développer la solidarité entre ses composantes pour assurer leur avenir collectif, l’Occident a laissé libre cours à leurs querelles, ouvrant ainsi un boulevard à ceux qui attendent leur salut de son déclin. - 5 - Cent ans de grand jeu L’ambiguïté d’une politique américaine qui a longtemps fait preuve de complaisance vis à vis des mouvements islamiques radicaux n’a pas peu contribué à accroître la vulnérabilité de l’Occident au cours des deux dernières décennies. Les plus redoutables de ces mouvements avaient fait leurs premières armes contre les ennemis des États-Unis, avec l’appui de ceux-ci, avant de se retourner contre leurs protecteurs. Peur-on se dire : « bien fait pour eux, ils ont joué avec le feu, ils ont mérité ce qui leur arrive » ? Sans doute, mais on aurait tort de s’en réjouir. Pour comprendre par quel enchaînement on en est arrivé là, il ne faut pas limiter la perspective à la période récente. C’est en remontant aux origines du « grand jeu », bien avant 1914, que les choses s’éclairent. Aux frontières des Indes L’expression de « grand jeu » a été forgée par Rudyard Kipling, dans 2son roman Kim, publié en 1901 . Pour ceux à qui les studios Walt Disney ont réussi à faire oublier que Le livre de la jungle avait un auteur, il suffira de rappeler que Kipling, né et élevé en Inde, a si bien exprimé la dynamique conquérante de l’Angleterre victorienne que son nom est devenu le symbole de l’Empire britannique à son apogée. Bien qu’ayant été distinguée par un prix Nobel en 1907, son œuvre n’a certes pas les qualités politiquement correctes qui pourraient en faire conseiller la lecture aux esprits bien- pensants d’aujourd’hui. Le « grand jeu », c’est la rivalité qui oppose les Anglais et les Russes pour l’hégémonie sur ce qu’on appelait alors la « haute Asie », c’est-à-dire la vaste zone montagneuse qui sépare l’Inde et la Chine des plaines d’Asie Centrale. L’ambition des tzars est de prolonger leurs conquêtes des régions situées à l’est de la Caspienne pour atteindre les rives de l’océan Indien : la fameuse obsession séculaire de l’accès aux « mers chaudes » qu’il est plus juste de formuler comme l’obsession d’accéder aux mers « ouvertes ». De son côté, Whitehall a le souci constant d’établir un glacis de protection sur les marches occidentales de l’emp
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