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Cours de Formation Monastique – Dom Maur Esteva (2006) Sixième cours de Formation Monastique : Collège International Saint Bernard Août-septembre 2006 Allocutions de Dom Maur Esteva, Abbé Général de l’Ordre Cistercien 1 - HOMELIE D’OUVERTURE 2 - DISCOURS D’OUVERTURE 3 - DISCOURS DE CONCLUSION Abbaye cistercienne Sainte Marie de Boulaur 1 Cours de Formation Monastique – Dom Maur Esteva (2006) 1 - HOMELIE D’OUVERTURE Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux (Sermon sur la montagne. Mt. 5) Frères et sœurs, L’évangile que nous venons d’entendre, d’où est extrait le verset qui le précède entre ses deux alléluia, nous met, comme la foule qui écoutait le sermon sur la montagne, devant le programme de vie que comporte la suite du Christ et nous pousse à lui demander comme Jean et André : Maître, où demeures-tu ?[1] La foule comme les deux premiers disciples figurent sur le retable de cette église. Nous sommes les continuateurs de ces gens-là, errants comme des brebis sans berger[2], qui voulaient écouter le Seigneur parce que lui seul a les paroles de la vie éternelle[3]. La première démarche pour le suivre est celle d’être dans la foule qui l’écoute et puis vient ensuite celle d’essayer de voir si nous entendons son appel. Ce que voit la foule : effectivement, dans la scène reproduite il y a le Christ assis au flanc de la montagne, il y a la multitude du peuple, les disciples ...

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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   Sixième cours de Formation Monastique : Collège International Saint Bernard Août-septembre 2006 Allocutions de Dom Maur Esteva, Abbé Général de l’Ordre Cistercien  
          
       1  - HOMELIE  D OUVERTURE      2 -DISCOURS D OUVERTURE      3  -DISCOURS DE CONCLUSION   
Abbaye cistercienne Sainte Marie de Boulaur
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   1  - HOMELIE  D O
VURETURE  
Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux
(Sermon sur la montagne. Mt. 5)  
Frères et sœurs,  
L’évangile que nous venons d’entendre, d’où est extrait le verset qui le précède entre ses deux alléluia, nous met, comme la foule qui écoutait le sermon sur la montagne, devant le programme de vie que comporte la suite du Christ et nous pousse à lui demander comme Jean et André : Maître, où demeures-tu ?[1]  
La foule comme les deux premiers disciples figurent sur le retable de cette église. Nous sommes les continuateurs de ces gens-là, errants comme des brebis sans berger[2], qui voulaient écouter le Seigneur parce que lui seul a les paroles de la vie éternelle[3]. La première démarche pour le s uivre est celle d’être dans la foule qui l’écoute et puis vient ensuite celle d’essayer de voir si nous entendons son appel.  
Ce que voit la foule : effectivement, dans la scène reproduite il y a le Christ assis au flanc de la montagne, il y a la multitude du peuple, les disciples lesquels, il y a encore peu de temps, faisaient partie eux aussi de la multitude du peuple et étaient comme tout le monde jusqu’{ ce que survienne l’appel de Jésus et ils ont tout quitté pour le suivre.  
Depuis ce moment ils appartiennent intégralement à Jésus ! Maintenant ils marchent avec lui, vivent avec lui, le suivent partout où il va. Il leur est arrivé quelque chose que les autres n’ont pas expérimenté. Ce que le peuple a devant les yeux est quelque chose d’inquiétant et déra ngeant.
Ce que voient les disciples : ils voient la foule dont ils sortent, les  brebis perdues de la maison d’Israël [4]. C’est la communauté que Dieu a appelée. C’est l’Eglise du peuple . Lorsque l’appel du Christ les a choisis pour sortir de ce peuple, ils ont fait une chose évidente et nécessaire pour les brebis perdues de la maison d’Israël, c’est { dire, ils ont obéi { la voix du Bon Pasteur, parce qu’ils la connaissaient. C’est pourq uoi, précisément en raison du chemin qu’ils ont emprunté, ils font partie de ce peuple, et vivront avec ce peuple, ils sont un « avec lui » et « pour lui », ils iront { sa rencontre pour prêcher l’appel de Jésus à la gloire de vivre à sa suite. Mais, quel sera l’issue ?  
Ce que voit Jésus : ses disciples qui se sont réunis autour de lui, de façon visible, sortant du peuple. Il les a appelés un à un ! Ils ont renoncé à tout à cause de cet appel. Maintenant ils vivent dans le renoncement et l’indigence, ils so nt les plus pauvres et les plus vulnérables parmi les vulnérables, les plus affamés des affamés. Ils n’ont que lui.  
Jésus s’adresse { ses disciples (Lc 6,20), { ceux qui sont déj{ soumis au pouvoir de son appel. Cela les a rendu pauvres, vulnérables, affamés. Il les appelle heureux, non à cause de leur misère ou de leur renoncement. La misère et le renoncement ne constituent pas en eux-mêmes un motif de félicité. Seuls l’appel et la promesse, qui sont la raison pour laquelle ils vivent dans la misère, en voulant suivre Jésus, [qui est source de salut pour ceux qui l’imitent, le suivent ((Heb 5,9)] constituent un motif raisonnable. La Abbaye cistercienne Sainte Marie de Boulaur 2  
Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   constatation que dans certaines béatitudes il s’agit de la misère et dans d’autres du renoncement conscient ou de vertus parti culières des disciples n’a aucune importance. La misère objective et le renoncement personnel ont leur motivation commune dans l’appel et la promesse du Christ. Ni l’un ni l’autre n’ont de valeur ou ne peuvent prétendre à un droit en eux-mêmes.
En effet, e n l’ayant Lui, ils n’ont rien dans le monde, absolument rien, mais ils ont tout auprès de Dieu. C’est une petite communauté qu’ils ont rencontrée, et elle est grande celle que Lui cherche quand il regarde la foule. Disciples et foule vont de pair, les disciples seront ses messagers, et ils rencontreront ici et là des auditeurs et des croyants. Cependant, parmi eux, il y aura également une inimitié jusqu’{ la fin. La colère contre Dieu et contre sa parole retombera sur eux et avec lui les disciples seront aussi rejetés. Maintenant la croix apparaît. Le Christ, les disciples, la foule : voici déjà complet le cadre de la passion de Jésus et de sa communauté.
Chacun de vous, en période de formation initiale ou permanente, a l’occasion de faire la lecture du chem in qu’il a suivi jusqu’{ présent. Premièrement, nous nous situons dans la multitude des auditeurs. Nous sommes nés dans un certain contexte culturel où nous avons été baptisés, puis nous avons reçu une catéchèse adaptée { l’âge de la première communion, et généralement cela s’est arrêté l{. Actuellement, il y a une catéchèse pour la confirmation, de même aussi pour les adultes, même si je ne sais pas si nous l’avons tous reçue ; mais allons plus loin et demandons-nous : quel impact produit en moi le sermon sur la montagne dans ma condition de profès ou d’adulte et même ‘super -adulte’ ?
Le Programme de formation dans l’Ordre Cistercien,  au numéro 23, nous dit que, dans les matières enseignées au noviciat, il faudrait commencer par l’ Introduction au Mystère du Christ[5].  
Déjà à partir de 1970 dans quelques noviciats on a utilisé l’Introduction au Christianisme, de J. Ratzinger[6] comme une nouvelle lecture du Credo pour s’en pénétrer. De nos jours, il faudrait commencer par le Catéchisme de l’Eglise Catholique[7] et ensuite continuer fidèlement avec le programme établi par l’Ordre pour la formation initiale et pour les profès temporaires. Nous savons que la profession simple ne peut pas durer moins de trois ans ni plus de neuf ans. Nous essayons, avec les matières du Cours de Formation Monastique, de faire que le terme du Triennat soit comme la fin du catéchuménat avant d’émettre la profession solennelle, qui fera officiellement de vous des chercheurs de Dieu permanents, toujours débutants en la matière[8].
Je ferai une citation d’un penseur et théologien qui a marqué la spiritualité et la réflexion théologique de la seconde moitié du XX ème siècle : Je crois savoir que je serais vraiment clair et sincère, au moins intérieurement, si je commençais à mettre en pratique sérieusement le sermon sur la montagne… finalement il y a des choses pour lesquelles cela vaut la peine de s’engager. Et il me semble que la paix et la justice sociale, ou { proprement parler le Christ sont quelque chose de ce genre[9]. Dans cette même lettre adressée à son frère en 1936 il disait : Pour la première fois j’ai pris la Bible…, j’avais souvent prêché … j’avais vu beaucoup de choses de l’Eglise, j’avais parlé et prêché l{ -dessus –et je n’étais pas  encore devenu chrétien mais plutôt un maître de moi-même complètement sauvage et
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   indomptable . La Bible m’a libéré de tout cela, en particulier le Sermon sur la Montagne[10]  Il confessait cela après avoir écrit Sanctorum Communio , Akt und Sein, Sequela avoir passé son examen de théologie et avec huit ans d’expérience de pasteur et de professeur de théologie.
Le sermon sur la montagne est le chemin à suivre avant de penser à émettre la profession solennelle au monastère ; il faut apprendre à identifier évangile et vie et savoir que l’acte religieux ne fait pas le chrétien, mais plutôt la participation { la douleur de Dieu dans la vie du monde. Mais nous savons que conjointement { l’oubli de Dieu, il existe comme un’ boom’ du religieux. Je ne veux pas discréditer tout ce qu’il y a dans cette tendance. Il peut y avoir aussi la joie sincère de la découverte [du récent converti] . Mais dans ce contexte, la religion devient presque un produit de consommation. On choisit ce qui plaît, et certains savent aussi en tirer un profit. Mais la religion recherchée comme une sorte de ‘bricolage’, en fin de compte ne nous aide pas . Elle est commode, mais dans les moments de crise, elle nous abandonne à nous-mêmes. Aidez les hommes à découvrir la véritable étoile qui nous indique la route : Jésus-Christ [11]pour lequel il vaut la peine de s’engager. On peut avoir appris { se comporter très bien « monastiquement » et ne pas être arrivé { découvrir l’étoile véritable : Jésus-Christ.
Effectivement en Lui nous trouvons le modèle pour participer à la souffrance de Dieu dans la vie du monde. Dieu en Christ s’est fait un «  avec l’homme » et dans son être « pour les hommes »[12] nous avons l’exemple { suivre qui peut se résumer en :   solidarité avec les pauvres en esprit, avec les humbles, avec ceux qui pleurent, qui ont faim et soif de justice, avec les miséricordieux, les cœurs purs, les pacifiques, les persécutés pour la justice[13].
Méditons uniquement la première des béatitudes :
Heureux les pauvres de cœur : le royaume de Dieu est à eux. Les disciples vivent dans des pénuries de tout genre. Ils sont simplement « pauvres »[14]. Aucune sécurité, aucune possession { revendiquer, pas une parcelle de terre qu’ils puissent appeler patrie, aucune communauté terrestre dont faire partie intégralement. Et encore, pas même de force spirituelle, d’expérience personnelle ou de connaissance { laquelle se référer, avec laquelle se réconforter. Pour son amour ils ont perdu tout cela. En se mettant à sa suite, ils se sont même perdus eux-mêmes et par conséquent tout ce qui pouvait encore les enrichir. Eh bien, dans leur pauvreté, ils sont si privés de recours, ils sont si insensés, qu’ils ne peuvent avoir d’espoir qu’en Celui qui les a appelés. En effet, Jésus connaît aussi les autres, les représentants et les prédicateurs de la religion du peuple, ces puissants et notables qui bien ancrés à leur terre, sont indissolublement enracinés dans la tradition populaire nationale, dans l’esprit du temps, la piété populaire (les pharisiens, les religieux). Mais ce n’est pas { eux, mais seulement { ses disciples qu’il dit : Heureux, vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous. Le royaume de Dieu se révèle à eux, qui vivent simplement dans le renoncement, dans les privations par amour de Jésus. Dans la pauvreté, eux sont les héritiers du royaume de Dieu. Leur trésor est caché profondément, ils l’ont auprès de la croix. Le royaume de Dieu leur est promis dans une splendeur visible et, dès maintenant, il leur est donné dans la pauvreté totale de la croix.
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   Personne n’aime davantage les hommes que les disciples de Jésus, plus encore, c’est précisément la raison pour laquelle ils sont en dehors et prennent sur eux la passion, la croix. La communauté des disciples ne se pose pas au-dessus de la passion, comme si elle n‘avait rien { voir avec elle, au contraire elle la porte sur elle : Et il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher { ma suite, qu’il renonce { lui -même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive »[15].  C’est précisément en cela que se manifeste son lien avec les hommes qu’il a { ses côtés. En même temps cela signifie aussi que la communauté ne cherche pas la passion par sa propre volonté, et pas davantage qu’elle s’y soustrait par un mépris arbitraire du monde, mais elle prend sur elle ce qui lui a été assigné et qui retombe sur elle par amour du Christ, en Le suivant. Finalement, les disciples ne s’attristent pas, ils ne sont pas détruits ni aigris par la passion, par la croix, jusqu’au point de tomber. Ils la supportent avec la force de Celui qui les porte eux-mêmes. Les disciples prennent sur eux la passion, la croix, qui leur est assignée seulement en vertu de Celui qui sur la croix prend sur lui toute passion, toute souffrance de la nature humaine. En étant ceux qui prennent sur eux la passion, leur croix personnelle, ils sont en communion avec le crucifié. C’est sa consolation, ou pour mieux dire, il est lui leur consolateur [16]. La communauté de ceux qui sont étrangers est consolée par le fait d’avoir trouvé le lieu – la croix  où l’attend, d’une manière obscure, le consolateur d’Israël. Elle trouve ainsi d’une façon inatt endue sa vraie patrie, à côté du Seigneur crucifié, ici et dans l’éternité.  
La rédemption demande un rédempteur. Les Pères ont reconnu l’expression de ce besoin dans la parabole de la brebis perdue. Cette brebis égarée est pour eux l’image de l’homme qui ne parvient plus par ses propres moyens à retrouver le chemin vers Dieu. Le berger qui porte la brebis pour la ramener à la maison est pour eux le Logos, le Verbe éternel, le Sens éternel de l’univers qui repose dans le Fils de Dieu, lequel se met lui -même en chemin à notre rencontre. Prenant la brebis sur ses épaules, c’est -à-dire adoptant la nature humaine, l’Homme -Dieu ramène la créature à la maison du Père. Le reditus est à nouveau possible, le chemin du retour à Dieu est retrouvé. Le sacrifice, il est vrai, adopte maintenant la forme de la croix du Christ, de l’amour s’offrant dans la mort. Un amour qui, tout { l’inverse d’une destruction, est une recréation, un retour de la Création à elle-même. [17] et c’est en raison de cela que la croix personnelle peut être appelée croix aimée [18] .  
L’image de la miséricorde, personnifiée dans la parabole du Bon Pasteur qui se revêt de la nature humaine, figurée dans la brebis prisonnière dans les ronces et qu’il prend sur ses épaules, nous la trouvons aussi, d’une autre manière  : dans la prière d’ouverture du vendredi de la cinquième semaine de Carême avec les paroles suivantes : Pardonne, Seigneur, les torts de ton peuple ; puisque notre faiblesse [notre passion dominante] nous a rendus captifs [dans les ronces] du péché, que ta tendresse nous en délivre. [19]. La tendresse du Christ, c’est celle de Celui pour lequel il vaut la peine de s’engager [20] et à l’amour duquel rien ne doit être préféré [21].  
Ainsi soit-il.
  [1] Jn 1, 38. [2] 1 R 22, 17 [3] Jn 6, 68
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   [4] Mt 10, 6 [5] Chapitre Général O. Cist. 2000, dans Pour mieux connaître l’Ordre Cistercien,  Rome 2001. [6] J Ratzinger, Introduction au Christianisme.  [7] Edité en de nombreuses langues, l’un et l’autre sont utiles pour une réflexion sur la foi comme point de départ, étant donné que pour commencer le noviciat (voir, par exemple dans les Constitutions de la Congrégation de Castille, art 40 § 1) on part de la supposition que la foi catholique  est connue :  Avant d'être admis, tous les candidats au noviciat doivent présenter un certificat de baptême, de confirmation ainsi que d'état libre,  (ce qui ne signifie pas seulement être veuf, parce que l’on peut être veuf avec charge de famille), pour pouvoir être un avec la communauté et pour la communauté. [8] RB 73, 1-3. [9] Renate Wind, Dietrich Bonhoeffer, PIEME 1995, p. 53. [10] Idem p. 51. [11] Benoît XVI, homélie sur l’esplanade de Marienfeld (Cologne), en la Journée Mondiale de la Jeunesse, 2005. Partie dans laquelle il parle du ‘boom’ du religieux, qui ne doit pas être un empêchement pour connaître Jésus-Christ, mais le contraire. [12] J. Ratzinger, Introduction au Christianisme, p. 206. [13] Le Sermon sur la Montagne, qui devrait être notre première catéchèse { l’entrée au noviciat. Fides ex auditu, écouter la prédication et ensuite vient la question : Maître, où demeures-tu ? [14] Lc. 6,20. [15] Lc 9,23. [16] Lc 2,25. [17] J. Ratzinger, L’esprit de la liturgie,  Editions Ad Solem, 2001, p. 29. [18] Comme on le chante dans l’antienne précédant le cantique de Zacharie dans l’Office de Saint André : Je te salue, ô Croix bien-aimée, accueille-moi, j’ai été disciple de celui qui a été cloué sur toi, le Christ, mon Maître. Nous devons prendre notre croix dans un sens moral, c’est { dire, cette passion dominante que seul connaît celui qui la porte sur son dos durant toute la vie et qui le transforme en une brebis prisonnière dans les ronces et c’est avec elle qu’il doit réaliser sa transformation en Christ.  [19] Collecte de la Messe et de la Liturgie des Heures, fondement de la Spiritualité Liturgique. [20] D. BONHOEFFER, texte cité en p. 3 note 9. [21] RB. 4,21 et 73,11.   2  -DISCOURS D OUVERTURE   1. Sequela Christi.  Le substantif suite , comme je l’ai lu dans une encyclopédie, signifie  une série de choses ou de personnes qui suivent une personne ou une chose[2], mais cela veut dire aussi conséquence , c’est { dire ce qui s’ensuit de quelque chose. Pour rendre expressive la
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   série de choses qui suit autre chose, nous pouvons peut-être nous servir de l’image des wagons d’un train qui courent, l’un derrière l’autre, traînés par la force motrice d’une même locomotive.
Si nous parlons de sequela Christi, nous pouvons signifier l’ensemble des personnes, le cortège, la suite, la mul titude qui suivait le Christ, mais aussi la conséquence qu’entraîne ce fait d’aller avec lui. Pour beaucoup des premiers adeptes, la conséquence ou l’effet de faire partie de la multitude a été le martyre, mais avant, la conséquence a été d’œuvrer en accor d avec le Sermon sur la Montagne, c’est { dire, d’être la continuation de l’action du Christ réalisée par les chrétiens, d’incarner le Royaume de Dieu qu’a été le Christ lui -même.
L’enchantement, la fascination que ce qu’il avait dit et fait exerçait sur l es individus, ( Maître, où demeures-tu ? ) et sur la multitude, comportait comme effet de tout quitter pour aller { sa suite et de l’imiter en vivant en accord avec le message reçu de lui.  
Le discours inaugural de l’année académique devant les élèves d’une faculté, consiste, généralement, en un cours académique donné par une personne compétente, sur un thème concret, selon l’université fréquentée.  
Dans un Collège comme le nôtre et avec un cours programmé pour des personnes qui, par profession, sont élèves de l’ École du service du Seigneur[3], dans laquelle nous sommes tous toujours des commençants[4] , qui ne devons rien préférer { l’am our du Christ[5], le titre choisi pour vous souhaiter la bienvenue, sans être compétent en la matière, ne doit pas surprendre.
Comme phrase d’introduction je me permets de répéter un passage de  l’homélie de ce jour :
Je crois savoir que je serais vraiment clair et sincère, au moins intérieurement, si je commençais { mettre en pratique sérieusement le sermon sur la montagne… finalement il y a des choses pour lesquelles cela vaut la peine se s’eng ager. Et il me semble que la paix et la justice sociale, ou à proprement parler le Christ sont quelque chose de ce type[6].  
2. Le Sermon sur la Montagne  
Dans le Sermon sur la Montagne, en effet, nous lisons : heureux les artisans de paix et aussi l’exigence de l’amour des ennemis [7]. La mesure dans laquelle ces paroles arrivent à vous impressionner se verra { l’orientation que prendra votre vie, { l’intérieur comme { l’extérieur de votre monastère.  Le règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible. On ne dira pas : « le voilà, il est ici ! » ou bien : « il est là ! » En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous[8]. Le Règne de Dieu est Jésus-même. Il y en a qui traduise est in vobis par « est { l’intérieur de vous  », ce qui, d’une certaine manière, est valide si nous l’appliquons { la continuation de l’ action du Christ par les chrétiens.
Lorsque nous voyons surgir des conflits, parce que dans une institution publique, comme par exemple dans un collège électoral, il y a la présence de symboles religieux, ou que dans la société dite post-chrétienne et post-religieuse il est nécessaire d’étudier l’histoire de l’art avec la Bible { côté du manuel pour comprendre les scènes qui y sont
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   représentées, il est difficile d’admettre l’évidence de deux mille ans de culture chrétienne. Nous devons admettre que l’époque  de changement dans laquelle nous vivons est une période marquée par une termino logie chrétienne toujours utilisée dans les discours politiques avec une autre application, mais qui manifeste combien nous sommes profondément débiteurs du passé chrétien.
Pe ndant ces dernières années, j’ai pris conscience, j’ai compris toujours davantage { quel point le christianisme est de ce monde. Le chrétien n’est pas  un homo religiosus, mais tout simplement un homme, comme Jésus était un homme…J’ai cru pouvoir apprendre à croire tout en essayant de mener une vie sainte en quelque sorte…J’ai compris plus tard et je continue d’apprendre que c’est en vivant pleinement la vie terrestre qu’on parvient { croire[9].  
3. Le Christ modèle de l’homme  
Une fois admis que notre modèle d’homme est Jésus Christ, alors le changement de notre ligne de conduite, par le fait de découvrir que le chrétien n’est pas un homme religieux et que notre chemin de foi consiste à suivre les pas du Christ, nous fera arriver à la conclusion que notre société n’a pas cessé d’être chrétienne par le fait qu’elle est non « religieuse » et peut-être faut-il que l’initiation au christianisme se fasse non pas sous la forme d’un culte mais plutôt d’ un comportement inspiré par le Sermon sur la Montagne. Il est surprenant de constater que, même parmi les personnes non « religieuses », on trouve dans leur conduite des reflets chrétiens à la fois évidents et profonds, dont il faut prendre conscience. Il faut christianiser et non seulement ‘cultualiser’, mais aussi mettre en évidence les valeurs chrétiennes existant dans ce qu’on appelle « la société sécularisée ».
Pour renforcer ce que je dis, il convient de recourir au Magistère de Pierre qui lors de la Journée Mondiale de la Jeunesse, célébrée à Cologne en août 2005 a dit :
Qui a découvert le Christ se doit de conduire les autres vers Lui. On ne peut garder pour soi une grande joie. Il faut la transmettre. Dans de vastes parties du monde, il existe aujourd’hui un étrange oubli de Dieu. Il semble que rien ne change même s’il n’est pas l{. Mais, en même temps, il existe aussi un sentiment de frustration, d’insatisfaction de tout et de tous. On ne peut alors que s’exclamer  : Il n’est pas possible que ce  soit cela la vie ! Non vraiment. Et alors conjointement { l’oubli de Dieu il existe comme un’ boom’ du religieux. Je ne veux pas discréditer tout ce qu’il y a dans cette tendance. Il peut y avoir aussi la joie sincère de la découverte. Mais dans ce contexte, la religion devient presque un produit de consommation. On choisit ce qui plaît, et certains savent aussi en tirer un profit. Mais la religion recherchée comme une sorte de ‘bricolage’, en fin de compte ne nous aide pas. Elle est commode, mais dans les moments de crise, elle nous abandonne à nous-mêmes. Aidez les hommes à découvrir la véritable étoile qui nous indique la route : Jésus Christ[10] !  
4. Cours de croissance chrétienne  
Les Cou rs de Formation Monastique sont comme mon acte d’amour intensif, accéléré et réparateur des années de retard auxquelles j’ai été affronté dans ma propre croissance humaine, chrétienne et monastique, et dans celle de ceux que j’ai eu la charge de faire gran dir, ce que je n’ai pas accompli en raison de mon aveuglement. Cette pensée me
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   pousse et encourage vos abbés et abbesses à vous offrir ce temps de grâce, pour que vous en profitiez, durant ces jours de trêve, à la lumière de cette vie[11] et que vous transmettriez aux autres ce que vous aurez reçu. J’essaie d’arriver { ce que votre croissance chrétienne soit plus courte que la nôtre.
Le Cours que nous commençons aujourd’hui a intentionnelleme nt, comme les précédents, un programme de matières qui peuvent tous nous aider, vous et moi, à faire un pas de plus sur notre chemin pour progresser dans la foi et la transformation permanente en Christ. C’est ce  processu vero conversationis et fidei,  dilatato corde, inenarrabili dilectionis dulcedine curritur via mandatorum Dei dont parle saint Benoît[12] , c’est { dire, qu’en progressant dans la vie monastique et dans la foi, le cœur se dilat e, et l’on court dans la voie des commandements de Dieu avec la douceur ineffable de la charité.
Cette progression provoquera peut-être en nous, encore « religieux » et « monastiques », des surprises, entraînera des difficultés de compréhension de ce que nous aurons écouté, changera des schémas, fera trembler les fondations qui soutiennent jusqu’{ maintenant notre édifice, mais nous ne pouvons renoncer à poursuivre notre chemin au rythme des contextes de l’histoire. Laisser le « boom » religieux pour avoir une vraie rencontre avec Jésus-Christ, comme l’a dit le Saint Père { Cologne, et encore d’une manière plus convaincante lorsqu’il traite du thème de la religion dans ce autre livre écrit récemment : Actuellement il n’y a plus aucune valeur capable de soutenir l’homme, il n’y a plus de normes inviolables. Ce qui compte est uniquement le moi et l’instant présent. Les religions traditionnelles ne sont que des façades de convenance, sans intériorité ; ce qui reste est seulement un cynisme très cruel[13].  
5. Le christianisme non religieux  
C’est pour cela que dans cette marche { tâtons, je fais fréquemment référence au Magistère Pontifical pour trouver lumière et sécurité dans notre obscurité, mais nous avons trouvé aussi des voix critiques et fiables qui pourront traiter les thèmes du Christianisme non religieux, de La vie communautaire selon Dietrich Bonhoeffer, de la Tradition, inclus dans le programme de cette année. Je pense ainsi être conséquent avec ce que je vous ai dit dans le cours précédent, en terminant le discours inaugural, et comme dans un testament { l’heure de mon départ ce que :
Il vous revient de vivre, chers frères et sœurs, une période beaucoup plus difficile parce que, sans qu'il y ait eu une révolution sanglante, les effets de l'évolution sociale sur la vie de l'Eglise sont plus subtilement destructeurs que ceux produits par les courants idéologiques du XVIII ème siècle. Je veux parler de la sécularisation, qui est la perte ou la diminution éprouvée par les religions traditionnelles (christianisme, islam, bouddhisme, judaïsme, etc.) dans la société moderne, et qu'on appelle aussi déchristianisation, laïcisation, paganisation, etc., dont la théorisation est appelée laïcisme et qui se confond souvent avec l'athéisme. Sur le plan historique, cela représente la cession à l'état d'activités et de services qui étaient traditionnellement exercés par une église ou une religion, ce qui en soit n'est pas condamnable. Le mot sécularisation, dans ce cas, a servi à former différents fronts politiques ou idéologiques face aux prétentions ecclésiastiques. Pour une part, l'histoire du pouvoir politique montre une différenciation toujours plus accusée entre le pouvoir civil et
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   le pouvoir ecclésiastique, jusqu'à la séparation de l'Eglise et de l'Etat. En ce qui concerne la science, au moins dans le cadre de l'Eglise catholique, le processus d'autonomie commencé à partir de la condamnation de Galilée n'est pas encore achevé: en plein XXe siècle, l'évolutionnisme a été déclaré anathème d'après la Genèse, et Pie XII a condamné le polygénisme (Humani Generis 1950) . La lutte pour la sécularisation de l'instruction, encore dominée par l'Eglise en différents pays, a pris une importance spéciale à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. Dans le domaine de la morale (dernier bastion de l'autorité de l'Eglise), la seule intention de sécularisation a été mise en question: l'encyclique Humanae vitae de 1968 a été une des dernières condamnations portées par l'autonomie de la morale, pour ne pas entrer dans d’autres aspects de polémique plus récente, comme le fait que La Real Academia de Langue Espagnole accepte de donner le nom de mariage aux unions gay. La théorie de cette sécularisation de la morale a été appelée sécularisme. Il y a eu aussi une révolution interne à l'Eglise. Pour toutes ces raisons, votre temps est, malheureusement pour vous, une époque d'autodestruction commencée dans une société sécularisée, post-religieuse et post-chrétienne, comme on en est arrivé à la définir, et il vous revient d'y vivre. Cependant, la vie monastique a là l'occasion de recommencer à être témoin de l'incarnation du Règne de Dieu, c'est-à-dire de tout ce qui est juste, solidaire, droit, altruiste, honnête: en un mot, de proclamer par son existence même le message évangélique des béatitudes et des oeuvres de miséricorde, sous la conduite d'une Règle quinze fois centenaire qui a rythmé la vie des monastères nés en même temps que cette Europe dont les racines, qu'elle veuille ou non admettre de l'écrire dans sa Constitution, sont chrétiennes, et que les moines ont fixées par la présence de leurs monastères comme centres de la christianisation et de la colonisation des terres, centres qu'ils sont toujours, transmettant des valeurs impérissables: Christ, crainte de Dieu, service, patience. Ce sont les thèmes principaux du prologue de la Règle de saint Benoît qui, avec les béatitudes, les oeuvres de miséricorde et les manifestations de l'humilité appelés degrés, nous conduisent aux plus hautes cimes sur lesquelles le plus grand de ces degrés est d'accueillir la miséricorde de Dieu, une fois abandonné tout idéal de « perfection » pour achever notre chemin, laisser accomplie notre oeuvre de chercheurs de Dieu tout en admettant que nous ne sommes que de pauvres pécheurs qui accueillons sa miséricorde afin qu'il achève en nous son oeuvre: nous pardonner et nous accueillir comme le père a accueilli le fils prodigue.  
Le moines qui suivent la Règle de Saint Benoît, apprennent, dans leur manière de vivre sous la conduite de l’évangile [14] , que ce n’est pas l’acte religieux ce qui fait le chrétien mais leur capacité dans la participation à la souffrance de Dieu dans le mo nde, c’est { dire, en voyant le Seigneur présent dans ceux qui souffrent, même si c’est parce qu’ils sont prisonniers d’une passion mal maîtrisée qui les tient prisonniers comme la brebis dans les ronces[15].
Par fidélité à ce que je vous ai dit, et en ce qui me concerne, par la claire volonté de Dieu manifestée dans une nouvelle élection faite par le Chapitre Général, de continuer comme votre co-serviteur et votre collègue, mes collaborateurs et moi-même avons trouvé des professeurs qui pourront vous indiquer le chemin à suivre en cette époque incertaine : passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal ; près de moi : ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent[16], car nous avons besoin de ceux qui seront comme le bâton et la houlette nous servant d’appui, mais toujours fidèles au Magistère de l’Eglise, ce qui n’empêche pas d’être audacieux dans la lecture des sign es des temps historiques, qui aujourd’hui présentent de grandes interrogations.  
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Cours de Formation Monastique Dom Maur Esteva (2006)   6. Travailler pour vous  
Il est certain que je vous ai dit aussi : Aujourd'hui, pour ce dernier discours d'ouverture, je m'adresse à vous en faisant mémoire de l'origine de ces cours que nous avons commencé, qui fut comme un appel au secours de la part de ceux qui sont entrés au monastère au temps où le Chapitre Général de l'Ordre débattait de la définition de son identité. L'Ordre n'avait pas encore fait la Déclaration sur les principaux éléments de la vie cistercienne aujourd'hui et ne possédait pas encore les Constitutions de l'Ordre Cistercien, et cette génération désirait donner quelque chose de meilleur à celle qui lui succéderait. En effet, c'est seulement après 1969 que ces documents ont pu configurer chacun des monastères et des Congrégations qui les ont reçus avec bonne volonté ; c'est seulement alors que s'est achevée la restauration de l'Ordre après la destruction occasionnée par la suppression de Cîteaux en 1789, c'est-à-dire exactement 220 ans après cet événement historique qui entraîna 91 ans d'interruption des Chapitres Généraux ordinaires, lieu de la continuité et de la communion.
Malheureusement, l'illusion de reconstruire l'Ordre tel qu'il était avant la Révolution française conduisit à restaurer un genre de vie rythmé par le Rituel de 1689, projet que, heureusement, le Concile Vatican II fit échouer[17].
7. Chercher la clairvoyance et la sincérité  
La lente progression de ma sequela Christi n’est pas en harmonie avec ma croissance « monastique », qui pourrait avoir donné l’impression d’être météorique, sans être telle { l’intérieur.  
En effet, onze ans après ma profession simple, j’ai été élu comme  abbé, à peine âgé de trente-sept ans. Quinze ans se sont écoulés et j’ai été élu Abbé Général, et je n’ai pas accepté l’élection conformément au désir de la communauté de Poblet de me retenir comme abbé. Après vingt cinq ans de charge abbatiale dans ce mo nastère, j’ai été { nouveau élu Abbé Général et réélu l’année dernière, mais sincèrement je dois admettre aussi que je commence à savoir que je serais vraiment clair et sincère, au moins intérieurement, si je commençais à mettre en pratique sérieusement le sermon sur la montagne… finalement il y a des choses pour lesquelles cela vaut la   peine se s’engager. Et, il me semble que la paix et la justice sociale, ou à proprement parler le Christ sont quelque chose de ce genre[18]. De là est venu que, en pensant à mon option pour les jeunes, la décision suivante a surgi en moi :
8. L’objectif  à atteindre : être pour les autres  
Il faut trouver le chemin d’humanisation auquel conduit le projet de nous  faire plus humains avec le Dieu qui s’est révélé en Jésus. Le chrétien n’est pas un homme religieux, mais un homme, simplement, simplement comme l’était Jésus. Bien qu’il fasse chaque matin son signe de croix, Bonhoeffer, qui cette année tiendra une place marquante dans le cours, confessait sa peur et sa méfiance devant la « religiosité ». Jésus n’appelle pas { une nouvelle religion, mais { la vie. Dieu, paradoxalement, ne s’est pas révélé en un homme religieux, mais au moyen d’un homme, et comme homme, no n en un prêtre, mais simplement en un homme, non dans le sacré, mais simplement dans la vie humaine. Si Dieu a assumé pleinement l’humanité dans le Fils, il est bon pour l’homme d’être
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