Le dauphin dans la religion grecque - article ; n°1 ; vol.201, pg 3-24
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Revue de l'histoire des religions - Année 1984 - Volume 201 - Numéro 1 - Pages 3-24
Manifestation de la mer en tant que puissance fécondante, le dauphin revêt aussi la face sombre de l'entité féminine qu'il incarne. Ainsi lié à la Grande-Mère marine, il reparaît dans le cortège d'Artémis non moins que dans celui d'Aphrodite. Postérieurement à cet archétype matriarcal, le mammifère marin, ne perdant rien de sa sacralité, se voit associé aux dieux-parèdres Apollon et Dionysos. Dans le sillage du premier, nous retrouvons la série bien connue « Delphes-dauphin-matrice », enrichie de connotations thalassales et d'une homophonie méconnue (δελφίς = « de Delphes » au féminin et « dauphin » au masculin). Pour le second, un texte oublié d'Ovide (Métam., III, 679-686) nous rappelle que la métamorphose en dauphin, au même titre que l'aspect tauromorphe, fait partie intégrante de sa persona divine.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 152
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Somville
Le dauphin dans la religion grecque
In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°1, 1984. pp. 3-24.
Résumé
Manifestation de la mer en tant que puissance fécondante, le dauphin revêt aussi la face sombre de l'entité féminine qu'il incarne.
Ainsi lié à la Grande-Mère marine, il reparaît dans le cortège d'Artémis non moins que dans celui d'Aphrodite. Postérieurement à
cet archétype matriarcal, le mammifère marin, ne perdant rien de sa sacralité, se voit associé aux dieux-parèdres Apollon et
Dionysos. Dans le sillage du premier, nous retrouvons la série bien connue « Delphes-dauphin-matrice », enrichie de
connotations thalassales et d'une homophonie méconnue (δελφίς = « de Delphes » au féminin et « dauphin » au masculin). Pour
le second, un texte oublié d'Ovide ("Métam"., III, 679-686) nous rappelle que la métamorphose en dauphin, au même titre que
l'aspect tauromorphe, fait partie intégrante de sa persona divine.
Citer ce document / Cite this document :
Somville Pierre. Le dauphin dans la religion grecque. In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°1, 1984. pp. 3-24.
doi : 10.3406/rhr.1984.4361
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1984_num_201_1_4361LE DAUPHIN DANS LA RELIGION GRECQUE
Manifestation de la mer en tant que puissance fécondante,
le dauphin revêt aussi la face sombre de Ventilé féminine qu'il
incarne. Ainsi lié à la Grande-Mère marine, il reparaît dans
le cortège d'Arlémis non moins que dans celui d'Aphrodite.
Postérieurement à cet archétype matriarcal, le mammifère marin,
ne perdant rien de sa sacralité, se voit associé aux dieux-parèdres
Apollon et Dionysos. Dans le sillage du premier, nous retrou
vons la série bien connue « Delphes-dauphin-matrice », enrichie
de connotations thalassales et d'une homophonie méconnue
(SsXcpiç = « de Delphes » au féminin et « dauphin » au masculin).
Pour le second, un texte oublié d'Ovide fMétam., ///, 679-686)
nous rappelle que la métamorphose en dauphin, au même titre
que l'aspect iauromorphe, fait partie intégrante de sa persona
divine.
A la mémoire de Marie Delcourt
ot àv... SeXçïvà » Tiva èXTdÇovxaç
... à moins que répondant à nos espoirs
un dauphin nous emporte...
(Plat., Rép., V, 453 d 10.)
Un livre récent consacré au thème de la sirène1 vient de
nous livrer en sa première partie un chapitre de mythologie
marine chez les Grecs. Nettement mieux charpenté que la
I. S. Consoli, La candeur d'un monstre, Paris, Centurion, 1980.
Revue de l'Histoire des Religions, cci-1/1984 4 Pierre Somville
suite de l'ouvrage, ce survol bien informé n'en est pas moins
expéditif à l'extrême. De plus, il omet le dauphin, dont le
rôle symbolique nous paraît de premier plan.
Certes, on peut dire que le « dossier » concernant cet animal
marin a été soigneusement établi par Biedermann, Usener et
surtout Stebbins2. Cependant, de pareilles études négligent
d'interroger le sens des réalités évoquées : elles collectionnent
les faits (textes et images) et omettent ou refusent toute
forme d'interprétation. Loin de nier leur importance, et nous
appuyant au contraire sur le socle qu'elles constituent,
tenterons de prélever quelques exemples sélectifs et repré
sentatifs du rôle religieux du dauphin, tâchant ainsi d'en
scruter le sens symbolique plutôt que d'en ramener à la sur
face l'un ou l'autre avatar.
1. La Grande-Mère
La réalité marine, pour les habitants de l'ancienne Crète,
ne pouvait apparaître que comme un « Englobant ». Karl
Jaspers ne faisait ainsi que redécouvrir dans son appréhens
ion du sacré cette antique dialectique de l'insularité et de
l'infini, marin en l'occurrence... La mer, porteuse de vie et
nourricière, a dû figurer pour les peuples de pêcheurs et de
navigateurs que furent les premiers occupants de l'Archipel
et du continent grec (une presqu'île !) l'une des images pr
imordiales autour desquelles s'organiseront les croyances et
les rites. Aussi forte sans doute que sera celle de la Terre-
Mère, dont la longévité tiendra au fait que les « continentaux »
pourront l'adopter sans mal et y incarner la même constante
2. Biedermann, Der Delphin in der Bildenden Phantasie der Griechen und
Rômer, 1882 ; H. Usener, Die Sintfluthsagen, Bonn, 1899 ; E. B. Stebbins,
The Dolphin in the literature and art of Grèce and Rome, Menasha (Wisconsin),
1929. V. aussi L. Bodson, 'IEPA ZQIA, Contribution à l'étude de la place de
l'animal dans la religion grecque ancienne, Bruxelles, 1978 : « Les poissons
et la faune marine », p. 45-57 («Le dauphin », p. 53-57) et pour une plus
grande extension du thème, F. I. Dôlger, 1X0 YÈ, Der heilige Fisch in den
antiken Religionen und im Christenlum, Munster, 1922. Sur un point plus précis,
on consultera enfin la monographie de L. Lacroix, La faune marine dans la
décoration des plats à poisson (Etude sur la céramique grecque d'Italie méridio
nale), Verviers, 1937. dauphin dans la religion grecque 5 Le
anthropologique de la dualité attrayante-fascinante de qui
donne la vie et la reprend, incarne et désincarné, fait croître
et se corrompre, alternativement3.
Il est vrai que les Grecs n'ont gardé, de tous les noms
de la mer, aucune étymologie indo-européenne. La nôtre
est celte et italique, la leur pré-achéenne. Ce n'est pas un
hasard. Mais que conclure de ce silence, sinon que la mer
hellénique des origines devait être omniprésente, jusque dans
les mots et les plus élémentaires réalités mentales de ces
cultures-là ? La fameuse thalassocratie cré toise fut d'abord
le « règne absolu de la mer » sur la vie et les images des hommes.
Les croyances et le sacré y sont d'abord marins ; l'eau
est d'ailleurs originelle même en dehors des îles, puisque dès
avant la naissance l'embryon flotte... A cette préséance uni
verselle, il échoira aux Cretois et aux Grecs de l'Archipel de
donner d'abord une forme mythique et culturelle ; la tech
nique et le commerce suivront.
Tenons-nous-en aux croyances et à cette poésie intuitive
des perceptions naturelles, si chère à Jean-Baptiste Vico ; il
nous apparaîtra que dans l'enceinte de cet horizon marin
— riche de toutes les promesses de la nourriture et de la
vie, et non moins funeste fauteur de naufrages — , un être se
détache sur le ciel, luisant, fuselé, comme vernis dans un
fracas d'écume : le dauphin. Il participe de l'un et l'autre
mondes, des ténèbres abyssales et du soleil, de l'eau et de
l'air, il va et vient, nage et vole. Il semble sourdre de la
mer comme la plante sort de terre, comme jaillit l'épi. Il
est, de plus, familier aux humains. Tous les marins le savent.
Il nous est également très proche. Les anciens Grecs, curieux
des choses de nature, devaient aussi le savoir depuis longtemps.
Aristote le redira, en clair4. C'est qu'il met vivants ses petits
3. L'archétype maternel, exclusivement tellurique, que nous ont révélé
les Dietrich, Przyluski et Pestalozza devrait donc être complété par cette
importante composante marine. La mer méditerranéenne est loin d'être
« inféconde »...
4. Notamment dans Hist. An., VI, 12, 566 a-b. Voir aussi Pline l'Ancien,
HN, IX, 7-10, ainsi qu'Oppien, Hal., V, 415 et s. 6 Pierre Somville
au monde, qu'il les allaite et fait preuve d'un instinct parental
étonnant. Quelle autre merveille évoquer pour justifier qu'il
soit la manifestation sacrée d'un Etre suprême perçu sous
ses espèces marines ?
Epiphanie de la mer, le dauphin est aussi l'animal maternel
par excellence : comment s'étonner qu'il incarne dès lors,
comme une parfaite signature, l'image mythique des eaux-
mères ? Son nom même l'indique : 8sX<p6ç signifiant la matrice,
il est, comme dit superbement Kerényi, « l' animal-utérus de
la mer »5. Le dictionnaire étymologique de Boisacq ajoute
le sanskrit gdrbhah signifiant à la fois, par hypallage, utérus
et fœtus. Il y associe une série de mots désignant des objets
de forme arrondie et élancée, dont le galb

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