Le temps et l histoire. Entretien avec Jean Chesneaux - article ; n°1 ; vol.29, pg 123-140
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Genèses - Année 1997 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 123-140
■ Alban Bensa, Gérard Noiriel: Le temps de l'histoire. Entretien avec Jean Chesneaux Dans cet entretien entre Jean Chesneaux, Alban Bensa et Gérard Noiriel sont retracées quelques-unes des grandes orientations de l'œuvre de ce professeur émérite à l'université Paris-VII, historien spécialiste de l'Extrême-Orient et du Pacifique, et penseur critique de la modernité. La discussion accorde une place centrale aux conceptions du temps et de l'histoire développées par Jean Chesneaux dans son dernier ouvrage Habiter le temps.
Historical Time. An Interview with Jean Chesneaux. In this interview with Jean Chesneaux, Alban Bensa and Gérard Noiriel have captured some of the major orientations found in the work of the Professor Emeritus at the University of Paris 7, an historian specialised in the Far East and the Pacific, and critic of modernity. The discussion focuses on the conceptions of time and history developed by Jean Chesneaux in his latest work Habiter le temps (Living in Time).
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alban Bensa
Gérard Noiriel
Jean Chesneaux
Le temps et l'histoire. Entretien avec Jean Chesneaux
In: Genèses, 29, 1997. pp. 123-140.
Résumé
■ Alban Bensa, Gérard Noiriel: Le temps de l'histoire. Entretien avec Jean Chesneaux Dans cet entretien entre Jean Chesneaux,
Alban Bensa et Noiriel sont retracées quelques-unes des grandes orientations de l'œuvre de ce professeur émérite à
l'université Paris-VII, historien spécialiste de l'Extrême-Orient et du Pacifique, et penseur critique de la modernité. La discussion
accorde une place centrale aux conceptions du temps et de l'histoire développées par Jean Chesneaux dans son dernier
ouvrage Habiter le temps.
Abstract
Historical Time. An Interview with Jean Chesneaux. In this interview with Jean Chesneaux, Alban Bensa and Gérard Noiriel have
captured some of the major orientations found in the work of the Professor Emeritus at the University of Paris 7, an historian
specialised in the Far East and the Pacific, and critic of modernity. The discussion focuses on the conceptions of time and history
developed by Jean Chesneaux in his latest work Habiter le temps (Living in Time).
Citer ce document / Cite this document :
Bensa Alban, Noiriel Gérard, Chesneaux Jean. Le temps et l'histoire. Entretien avec Jean Chesneaux. In: Genèses, 29, 1997.
pp. 123-140.
doi : 10.3406/genes.1997.1487
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1997_num_29_1_1487N R
- Alban Bensa
Nous avons saisi l'occasion de la sortie du
dernier livre de Jean Chesneaux : Habiter le
temps1, pour lui demander de retracer, pour
les lecteurs de Genèses, son parcours d'intel
lectuel et de militant. Habiter le temps est Le temps
une sorte de synthèse des rapports d'un his
torien particulier à l'histoire. C'est un livre
et l'histoire. qui se situe à la fois dans la pratique histo
rienne et à l'extérieur de celle-ci puisqu'il
vient l'interroger, en lui demandant en quoi
Entretien avec
consiste cette pratique aujourd'hui, quelles
pourraient être les conséquences, non seul
ement pour la discipline elle-même mais, Jean Chesneaux
disons, pour la vie citoyenne, pour la pensée
du présent, de ce rapport à l'histoire. Plus
largement, ce livre est un constat approfAlban Bensa et Gérard Noiriel
ondi, un constat médité, sur ce que l'on a
appelé pendant longtemps la «crise» et que
j'appellerais plutôt aujourd'hui un passage,
de plus en plus sensible, d'un type de civil
isation à un autre. C'est donc un livre com
plexe qui a le mérite de porter au jour tout
un ensemble d'interrogations qui sont celles
de Jean Chesneaux: Jean Chesneaux histo
rien médiéviste, Jean historien
de la Chine, Jean Chesneaux penseur du
monde contemporain à travers les ouvrages
sur la modernité, penseur des rapports
Nord-Sud à travers non seulement les rap
ports entre la Chine et l'Occident, mais aussi
entre le Pacifique et l'Occident et plus larg
ement entre le Tiers-Monde et l'Occident.
Mais, également, Jean Chesneaux militant.
C'est même le fil conducteur de l'ouvrage
puisqu'il s'agit de savoir en quoi la pratique
historienne a une inscription politique dans
le présent. Je crois que le but le plus élevé
que se fixe cet ouvrage, c'est de nous faire
réfléchir à une forme nouvelle de citoyen
neté ; non pas une citoyenneté nationale,
mais une citoyenneté mondiale qui intègre ► ►►
les apports de chaque univers de civilisation. 1. Jean Chesneaux, Habiter le temps: passé, présent, futur:
Avec un côté pathétique évidemment; car esquisse d'un dialogue politique, Paris, Bayard, 1996.
Genèses 29, déc. 1997,
123 pp. 123-140 N R
l'enjeu est le suivant. Ou bien ce dialogue
s'ouvre et débouche sur une nouvelle uni
versalité, ou bien ce dialogue échoue et, à ce
moment là, vraisemblablement, les clivages
entre les civilisations seront de plus en plus
profonds. Et dans ce cas, c'est Huntington
qui aurait hélas raison2. . .
- Jean Chesneaux
Je voudrais dire d'emblée que cette
réflexion sur notre rapport au passé n'a de
sens que si elle s'intègre dans une réflexion
plus générale sur ce rapport tel que l'envisa
gent les sciences sociales, les disciplines qui
s'occupent des sociétés humaines, que ce soit
le droit, l'économie, l'anthropologie, la socio
logie etc. Et il me semble qu'il y a trois fédé
rateurs « interdisciplinaires », en mettant
interdisciplinaire avec de très gros guille
mets. Le premier axe fédérateur, c'est le
temps lui-même. Ces différentes disciplines
se retrouvent au fil du temps et travaillent
sur la base d'une certaine conception du
temps, d'une certaine construction de la
«temporalité». Et là, l'historien se trouve
dans une situation assez inconfortable, je vais
y revenir. Le deuxième fédérateur, c'est
l'universel: l'univers, c'est-à-dire le monde
de la modernité. La capacité à prendre en
compte le destin commun et l'avenir com
mun de toutes les cultures du monde. Je
► ►► n'aime pas trop le mot de culture qui appart
ient au vocabulaire un peu fixiste d'une ceril 2. y Le a vingt-cinq politologue ans, américain à l'écart Samuel des mouvements Huntington, intellectuels resté,
taine anthropologie. Moi je parle d'expéhostiles à la guerre du Vietnam, a récemment soutenu
que, depuis l'effondrement du «camp socialiste», rience collective historisée et les pygmées ont
les conflits de cultures prendraient le relais y compris une expérience collective historisée aussi sous forme militaire. Voir Le Choc des civilisations, Paris,
bien que les gens des États-Unis ou de Odile Jacob, 1997 (lre édition, New York, 1996).
France. Et puis, troisièmement, il y a la rela3. Jean-Claude Guillebaud, Un Voyageur en Océanie,
tion à la pratique sociale. J'ai toujours pensé Paris, Le Seuil, 1980.
que l'étude, la réflexion théorique, l'élabora4. J. Chesneaux, Du passé faisons table rase, Paris, La
Découverte, 1976. tion des matériaux, le savoir relatif aux socié
tés humaines, pouvaient se ranger dans deux 5. J. Chesneaux, Habiter..., p. 319, note 5.
catégories (l'une qui devrait inclure l'autre 6. Gérard Noiriel, Sur la «crise» de l'histoire, Paris, Belin,
1996. d'ailleurs) : les gens qui travaillent sur et les
124 N R
gens qui travaillent avec. Travailler sur sup point fixe est dans le passé, ce qui conduit à
pose une position d'extériorité. Travailler une vision simpliste, linéaire, du schéma
avec suppose une position d'intériorité. passé/présent. Vous dites que, même ceux
Naturellement, je sais que pour quelqu'un qui ont exploré le champ de l'histoire du
qui fait de la numismatique, il est beaucoup temps présent, s'inscrivent dans ce registre.
plus difficile de travailler avec que pour À vos yeux, finalement, c'est l'habitus pro
quelqu'un qui est spécialiste des XIXe et xxe fessionnel de la corporation qui explique
cette vision «positiviste» que, dans leur siècles. J'ai été, en effet, d'abord médiéviste,
puis ensuite historien de l'Extrême-Orient majorité, les historiens reproduisent dans
contemporain, puis ensuite j'ai un peu élargi leur rapport au temps. Vous articulez cet
ma réflexion à la crise des sociétés argument à une autre critique, qui était cen
«frappées» par la modernité (le journaliste trale dans Du passé. . . : c'est la marginalisa
Jean-Claude Guillebaud dit: «happées dans tion de l'histoire non-professionnelle par
le grand concasseur de la modernité»3). Par l'histoire académique. Vous semblez suggé
la suite je me suis intéressé aux sociétés du rer que si l'histoire du temps présent a
Pacifique, à l'Australie, à la Nouvelle-Caléd renoncé à utiliser le recul du temps comme
onie, à la Polynésie. J'ai été longtemps mili un rempart pour éviter la confrontation avec
tant dans les partis communistes - je dis «les le monde social qui l'entoure, elle a, en
partis», parce que j'étais lié à plusieurs même temps, renforcé la barrière sociale,
d'entre eux. J'ai été longtemps lié aux mou corporatiste, qui sépare les historiens profes
sionnels des historiens « amateurs ». vemen

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