Leibniz   essai de théodicée
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Leibniz Essais de Th é odic é e — Pr é face et Abr é g é de la controverse 1710
Pr é face
On a vu de tout temps que le commun des hommes a mis la d é votion dans les formalit é s : la solide pi é t é , c’est-à -dire la lumi è re et la vertu, n’a jamais é t é le partage du grand nombre. Il ne faut point s’en é tonner, rien n’est si conforme à la faiblesse humaine ; nous sommes frapp é s par l’ext é rieur, et l’interne demande une discussion, dont peu de gens se rendent capables. Comme la v é ritable pi é t é consiste dans les sentiments et dans la pratique, les formalit é s de d é votion l’imitent, et sont de deux sortes ; les unes reviennent aux c é r é monies de la pratique, et les autres aux formulaires de la croyance. Les c é r é monies ressemblent aux actions vertueuses, et les formulaires sont comme des ombres de la v é rit é , et approchent plus ou moins de la pure lumi è re. Toutes ces formalit é s seraient louables, si ceux qui les ont invent é es les avaient rendues propres à maintenir et à exprimer ce qu’elles imitent ; si les c é r é monies religieuses, la discipline eccl é siastique, les r è gles des communaut é s, les lois humaines, é taient toujours comme une haie à  la loi divine, pour nous é loigner des approches du vice, nous accoutumer au bien, et pour nous rendre la vertu famili è re. C’ é tait le but de Mo ï se et d’autres bons l é gislateurs, des sages fondateurs des ordres religieux, et surtout de J é sus-Christ, divin fondateur de la religion la plus pure et la plus é clair é e. Il en est autant des formulaires de cr é ance ; ils seraient passables, s’il n’y avait rien qui ne f û t conforme à la v é rit é salutaire, quand m ê me toute la v é rit é dont il s’agit n’y serait pas. Mais il n’arrive que trop souvent que la d é votion est é touff é e par des fa ç ons, et que la lumi è re divine est obscurcie par les opinions des hommes. Les pa ï ens, qui remplissaient la terre avant l’ é tablissement du christianisme, n’avaient qu’une seule esp è ce de formalit é s ; ils avaient des c é r é monies dans leur culte, mais ils ne connaissaient point d’articles de foi, et n’avaient jamais song é  à dresser des formulaires de leur th é ologie dogmatique. Ils ne savaient point si leurs dieux é taient de vrais personnages, ou des symboles des puissances naturelles, comme du soleil, des plan è tes, des é l é ments. Leurs myst è res ne consistaient point dans des dogmes difficiles, mais dans certaines pratiques secr è tes, o ù  les profanes, c’est-à -dire ceux qui n’ é taient point initi é s, ne devaient jamais assister. Ces pratiques é taient bien souvent ridicules et absurdes, et il fallait les cacher pour les garantir du m é pris. Les pa ï ens avaient leurs superstitions, ils se vantaient de miracles ; tout é tait plein chez eux d’oracles, d’augures, de pr é sages, de divinations ; les pr ê tres inventaient des marques de la col è re ou de la bont é des dieux, dont ils pr é tendaient ê tre les interpr è tes. Cela tendait à gouverner les esprits par la crainte et par l’esp é rance des é v é nements humains : mais le grand avenir d’une autre vie n’ é tait gu è re envisag é , on ne se mettait point en peine de donner aux hommes de v é ritables sentiments de Dieu et de l’ â me. De tous les anciens peuples, on ne conna î t que les H é breux qui aient eu des dogmes publics de leur religion. Abraham et Mo ï se ont é tabli la croyance d’un seul Dieu, source de tout bien, auteur de toutes choses. Les H é breux en parlent d’une mani è re tr è s digne de la souveraine substance, et on est surpris de voir des habitants d’un petit canton de la terre plus é clair é s que le reste du genre humain. Les sages d’autres nations en ont peut-ê tre dit autant quelquefois, mais ils n’ont pas eu le bonheur de se faire suivre assez et de faire passer le dogme en loi. Cependant Mo ï se n’avait point fait entrer dans ses lois la doctrine de l’immortalit é des â mes :
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elle é tait conforme à ses sentiments, elle s’enseignait de main en main, mais elle n’ é tait point autoris é e d’une mani è re populaire ; jusqu’ à ce que J é sus-Christ leva le voile, et sans avoir la force en main, enseigna avec toute la force d’un l é gislateur que les â mes immortelles passent dans une autre vie, o ù elles doivent recevoir le salaire de leurs actions. Mo ï se avait d é j à donn é  les belles id é es de la grandeur et de la bont é de Dieu, dont beaucoup de nations civilis é es conviennent aujourd’hui : mais J é sus Christ en é tablissait toutes les cons é quences, et il faisait voir que la bont é et la justice divines é clatent parfaite ment dans ce que Dieu pr é pare aux â mes. Je n’entre point ici dans les autres points de la doctrine chr é tienne, et je fais seulement voir comment J é sus-Christ acheva de faire passer la religion naturelle en loi, et de lui donner l’autorit é d’un dogme public. Il fit lui seul ce que tant de philosophes avaient en vain t â ch é de faire ; et les chr é tiens ayant enfin eu le dessus dans l’empire romain, ma î tre de la meilleure partie de la terre connue, la religion des sages devint celle des peuples. Mahomet, depuis, ne s’ é carta point de ces grands dogmes de la th é ologie naturelle : ses sectateurs les r é pandirent m ê me parmi les nations les plus recul é es de l’Asie et de l’Afrique o ù le christianisme n’avait point é t é port é ; et ils abolirent en bien des pays les superstitions pa ï ennes, contraires à la v é ritable doctrine de l’unit é de Dieu, et de l’immortalit é des â mes. L’on voit que J é sus-Christ, achevant ce que Mo ï se avait commenc é , a voulu que la divinit é  f û t l’objet, non seulement de notre crainte et de notre v é n é ration, mais encore de notre amour et de notre tendresse. C’ é tait rendre les hommes bienheureux par avance, et leur donner ici-bas un avant-go û t de la f é licit é future. Car il n’y a rien de si agr é able que d’aimer ce qui est digne d’amour. L’amour est cette affection qui nous fait trouver du plaisir dans les perfections de ce qu’on aime, et il n’y a rien de plus parfait que Dieu, ni rien de plus charmant. Pour l’aimer, il suffit d’en envisager les perfections ; ce qui est ais é , parce que nous trouvons en nous leurs id é es. Les perfections de Dieu sont celles de nos â mes, mais il les poss è de sans bornes ; il est un oc é an, dont nous n’avons re ç u que des gouttes : il y a en nous quelque puissance, quelque connaissance, quelque bont é ; mais elles sont tout enti è res en Dieu. L’ordre, les proportions, l’harmonie nous enchantent, la peinture et la musique en sont des é chantillons ; Dieu est tout ordre, il garde toujours la justesse des proportions, il fait l’harmonie universelle : toute la beaut é est un é panchement de ses rayons. Il s’ensuit manifestement que la v é ritable pi é t é , et m ê me la v é ritable f é licit é , consiste dans l’amour de Dieu, mais dans un amour é clair é , dont l’ardeur soit accompagn é e de lumi è re. Cette esp è ce d’amour fait na î tre ce plaisir dans les bonnes actions qui donne du relief à la vertu, et rapportant tout à Dieu, comme au centre, transporte l’humain au divin. Car en faisant son devoir, en ob é issant à la raison, on remplit les ordres de la supr ê me raison, on dirige toutes ses intentions au bien commun qui n’est point diff é rent de la gloire de Dieu ; l’on trouve qu’il n’y a point de plus grand int é r ê t particulier que d’ é pouser celui du g é n é ral, et on se satisfait à  soi-m ê me en se plaisant à  procurer les vrais avantages des hommes. Qu’on r é ussisse ou qu’on ne r é ussisse pas, on est content de ce qui arrive, quand on est r é sign é  à la volont é de Dieu, et quand on sait que ce qu’il veut est le meilleur : mais avant qu’il d é clare sa volont é par l’ é v é nement on t â che de la rencontrer, en faisant ce qui para î t le plus conforme à  ses ordres. Quand nous sommes dans cette situation d’esprit, nous ne sommes point rebut é s par les mauvais succ è s, nous n’avons du regret que de nos fautes ; et les ingratitudes des hommes ne nous font point rel â cher de l’exercice de notre humeur bienfaisante. Notre charit é  est humble et pleine de mod é ration, elle n’affecte point de r é genter : é galement attentifs à nos d é fauts et aux talents d’autrui, nous sommes port é s à critiquer nos actions, et à excuser et redresser celles des autres : c’est pour nous perfectionner nous-m ê mes, et pour ne faire tort à  personne. Il n’y a point de pi é t é  o ù  il n’y a point de charit é , et sans ê tre officieux et bienfaisant, on ne saurait faire voir une d é votion sinc è re.
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