Les Lettres aux morts dans l Égypte ancienne - article ; n°1 ; vol.170, pg 1-27
28 pages
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1966 - Volume 170 - Numéro 1 - Pages 1-27
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Max Guilmot
Les Lettres aux morts dans l'Égypte ancienne
In: Revue de l'histoire des religions, tome 170 n°1, 1966. pp. 1-27.
Citer ce document / Cite this document :
Guilmot Max. Les Lettres aux morts dans l'Égypte ancienne. In: Revue de l'histoire des religions, tome 170 n°1, 1966. pp. 1-27.
doi : 10.3406/rhr.1966.8378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1966_num_170_1_8378Les Lellres aux Moils
(lîlllS P
I. — Un monde de transformations
Aucune civilisation, mieux que celle de l'Egypte ancienne,
n'a éprouvé le caractère transitoire des phénomènes univers
els. L'homme est jeté dans un monde dont les « transformat
ions » (kheperou) perpétuellement se font et se défont. Au
moment d'adorer Râ, source de toute vie, rayonnant liant
par-dessus la terre, l'Égyptien aperçoit déjà le disque amor
çant sa course vers l'horizon du soir. Ainsi le monde physique
oiïre un tableau toujours mouvant d'apparences fugaces1.
Cependant, ces fragiles visions portent en elles l'espérance.
Car qui ne sait, sur la terre envahie par les ténèbres, que
bientôt poindra le jour ? Qui ne sait que, sur la scène de Г Uni
vers, tout phénomène inlassablement recommence ? Et qui
oserait prétendre que seule l'existence humaine échappe aux
lois majestueuses qui commandent le mouvement de toutes
les apparences ? De même que l'Occident où se repose le soleil
affaibli, n'est qu'un lieu de passage, la mort de l'homme,
aussi, n'est qu'une transition. Dès lors, si la mentalité contemp
oraine considère parfois le moment du trépas comme; le
seuil d'un néant éternel, c'est qu'elle refuse de lire les pages
explicites du grand livre du Monde.
En Egypte, au contraire, un défunt n'est jamais un mort.
Il a passé, comme le soleil. Son état est uni! autre forme d'exis
tence qui résulte d'un*! variation du rapport entre l'être phy-
P La plupart des ouvrages relatifs à l'Egypte insistent, au contraire, sur
l'interprétation statique, du cosmos dans la vallée du Nil : voir, par exemple,
II. Frankfort, /.'/ rnyanlé el les Dieux 'Paris, 19ôl -, p. lit. Í REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS
sique et la spiritualité. Le ka, cette part impérissable de la
nature humaine, survit — parcelle inaltérable de l'Esprit flu
Monde — à l'épreuve de la mort1. Le défunt, « verdoyant
comme une plante vivante »2, poursuit, dans le tombeau,
une existence chargée de mystérieuses métamorphoses, dont
le déroulement ne lui enlève jamais la possibilité de « faire
ce qu'il avait l'habitude de faire auparavant >Л
IL — Morts et vivants se parlent
II va sans dire qu'il peut, par exemple, s'emparer des
aliments déposés dans sa tombe par les mains pieuses des sur
vivants : qu'il peut aussi se déplacer où bon lui semble, et
rejoindre le monde physique en le chargeant d'influences
bénéfiques ou néfastes. Il traverse, en se jouant, les murs
épais de son sépulcre qui ne paraissent imperméables qu'aux
frustes perceptions des hommes4. Et malheur alors à ceux
qui, hypocritement, lui souhaitent le repos éternel, en délais
sant sa tombe ! Malheur, proclament les textes fies Pyramides,
à ceux qui subissent « la colère des morts »5 ! Voici le défunt
revenu dans son ancienne famille dont l'égoïsme le met en
courroux. Il pourrait, s'il le voulait, saisir l'un de ces survi
vants insouciants, et lui « tordre le cou /', ou faire surgir
devant lui quelque serpent fatal7.
Il existe encore d'autres châtiments dont les affres sont
plus longues : pénétrer dans la chair ou dans l'esprit du cou-
1) Parmi les théories récentes relatives ;ш ka, on consulter;! surtout les t.ravHux
de J. Pirenne, et notamment La Genèse du Systému religieux de l'Ancien Empire
égyptien, in Bulletin de lu Clas.se. des Lettres, Ac. royale de Belgique, 7>e série, t. 47
,'Bruxelles. 1961 >, p. ',122. II existe, au sujet des idées relatives à la survie, d'innomb
rables travaux qu'on ne peut songer à citer ici ; pour l'histoire de l'évolution de
ces idées, avec les références, cf. M. Guii.mot, L'espoir en l'immortalité dans
l'Egypte ancienne, in Revue de l'IUslnire. des Religions, t. Hi."», n" *,', pp. 1 lô-МУЛ,
et Iřífl, n» 1, pp. 1--Л) 'Paris, I'jH4;.
2) K. Skthe, Die Alliigyplischen Pyrurnidenlexle. Leipzig, l'.nis-lO', Г>(>9 d.
.T. K. Sethe, ibid., fi'i.'J с
4- F. LiiXA, La magie duns VÉgi/jtle и ni i que. 'Paris, Hf.25", t. 1, pp. .49-10.
.V: K. Sethl:, ibid., (>.'!.
fï) Expression extraite des Adresses aux visiteurs, cf. infra, \>. Г>. n. 1.
7) L'évocation du serpent fatal se trouve également dans les Adresses aux
visiteurs, cf. infra, p. Г>, п. 'Z. Discussion de ces conceptions, J. Yhyottk, Le .Гиге-
ment des Morts dans l'Eirypte ancienne, Snurres orientales, i Paris, Ht<-il;, p. .'50. LES LETTRES AUX MORTS DANS L'EGYPTE ANCIENNE Л
pable, y provoquer soit la maladie1, soit le remords qu'a
ccompagnent des rêves et des épouvantes qui suscitent la
folie2.
.Mais ces procédés de vengeance ne. sont pas toujours
nécessaires pour rappeler aux vivants le respect qu'ils doivent
aux disparus. Il suffit parfois que ceux-ci recourent à la sol
itude d'endroits ténébreux et se manifestent soudain dans le
monde matériel. Les terribles leçons que ces apparitions de
revenants ou de divinités, qu'attestent les annales de tous les
peuples ! Ces êtres hallucinants frappent l'esprit de ceux qui
les ont rencontrés, d'une fantastique terreur.
« Voyez », raconte à ses camarades un pâtre qui se trouvait
seul sur son pâturage, « étant descendu à l'étang qui est proche
de ce pâturage, j'y vis une femme : elle n'était pas de la race (?)
des humains. Aies cheveux se hérissèrent quand je vis >a per
ruque bouclée... La crainte qu'elle m'a causée est (toujours)
dans mon corps » 3.
Celui qui a vécu une telle expérience, se sent désormais
habité par une puissance hostile, poussant son être vers un
progressif déclin. A quel remède simplement humain pourr
ait-il recourir ? Pour détruire' l'influence surnaturelle, il
n'est qu'un seul salut : lancer contre elle l'assaut d'une autre
puissance, bénéfique celle-là, surnaturelle aussi, en appelant
un magicien à l'aide4. Voilà celui qui pourra dépister les morts
errants et désarmer les revenants en prononçant de toutes-puis
santes formules, ou en en transmettant la secrète eiïicacifé.
C'est à elles que recourt une mère qui veille, dans la nuit,
sur son tout jeune enfant. Uru; ombre vient de se glisser dans
la chambre. Voici qu'elle s'approche du berceau. (Juello sont
ses intentions ? Le fantôme veut-il simplement calmer l'enfant
qui pleure ? Ou s'en emparer pour plonger ses parents dans le
1) Sur ces questions, cf. F. Lexa, La magie, dans Vligyjúe antique, t. 1. p. ."i'.i.
2) Le papyrus de Leiden I .'{71, analysé dans la présente étude, fournit, s.-mble-
t-il, un tériioiirnařre circonstancié île ce procédé, do vengeance.
Il) « Le pâtre qui vit une déesse », Pap. Berlin Р..Ч021, 1 sqq.; trad. G. I.efebvrr,
Romans el conies égyptiens 'Paris, 15)49\ p. 27.
4) Pour ces généralités, voir A. Монет, Le Nil el la civilisation гдурЦрппр,
2e éd. (Paris, 1037), p. 472. 4 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELICIONS
deuil ? La mère se sent gagnée par un indicible eiï'roi. Quel
que soit son dessein, que le spectre s'efface !
Elle profère alors ces paroles de protection dont la cadence
permet de croire qu'elles étaient chantées, et vraisemblable
ment sur un ton solennel :
Es-tu venu pour embrasser cet enfant ".'
Je ne te permets pas de l'embrasser.
Ks-tu venu pour l'apaiser ?
Je ne te permets pas de l'apaiser.
F.s-tu venu pour lui nuire ?
Je ne te permets pas de lui nuire.
Rs-tu venu pour l'emporter ?
Je ne te permets pas de l'emporter...1.
Sans doute l'apparition sinistre, vaincue par l'enchanle-
inent. s'évanouit-elle dans la nuit, vers le désert, occidental
où habitent les Esprits (Akhou).
Ce domain*; est le leur, et ils entendent bien qu'on le res
pecte. Que les viv

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