Trente années de recherches sur les manuscrits de la mer Morte (1947-1977) - article ; n°4 ; vol.121, pg 659-677
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Trente années de recherches sur les manuscrits de la mer Morte (1947-1977) - article ; n°4 ; vol.121, pg 659-677

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1977 - Volume 121 - Numéro 4 - Pages 659-677
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur André Dupont-
Sommer
Trente années de recherches sur les manuscrits de la mer
Morte (1947-1977)
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 121e année, N. 4, 1977. pp. 659-
677.
Citer ce document / Cite this document :
Dupont-Sommer André. Trente années de recherches sur les manuscrits de la mer Morte (1947-1977). In: Comptes-rendus des
séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 121e année, N. 4, 1977. pp. 659-677.
doi : 10.3406/crai.1977.13417
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1977_num_121_4_13417TRENTE ANNÉES DE RECHERCHES
SUR LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE
(1947-1977)
PAR
M. ANDRÉ DUPONT-SOMMER
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
Mesdames et Messieurs,
C'était il y a trente ans, au début de 1947. La Palestine était
encore sous le mandat britannique, mais la guerre entre les Juifs
et les Arabes était déjà menaçante. Dans le désert de Juda, tout
près de la mer Morte, au nord du ouadi Qoumrân, à quelque
1 300 mètres, un jeune pâtre bédouin de la tribu des Taamireh,
appelé Mohammed ed-Dib (« le Loup »), faisait paître son troupeau,
quand il s'aperçut que manquait l'une des brebis. Il se met à la
recherche de cette brebis, dans la falaise proche, où se trouvent
creusées de nombreuses grottes naturelles. Pensant que la brebis
aurait pu tomber dans quelque trou, il lance une pierre dans une
petite cavité qu'il aperçoit devant lui : un bruit se fait entendre,
comme celui d'une jarre qui se brise ; il regarde, le trou donne
accès à une large caverne, où il y a des jarres, et dans les jarres sont
enfermés de vieux rouleaux de cuir couverts d'une écriture pour
lui totalement inintelligible. Il alerte les gens de sa tribu, qui
viennent enlever les rouleaux. Un antiquaire de Bethléem, nommé
Kando, un Arabe chrétien, est mis au courant de la trouvaille et,
sans pouvoir déchiffrer lui-même l'écriture des rouleaux, il pressent
qu'il s'agit là de documents antiques d'une valeur exceptionnelle.
Tel fut le point de départ, aussi pittoresque qu'imprévu, de la décou
verte des « manuscrits de la mer Morte » ; et tel fut le début de
l'étonnante et prodigieuse aventure scientifique que je voudrais
vous raconter, aussi brièvement que possible, en vous expliquant
les étapes principales des trente années de recherches sur les fameux
« rouleaux ».
La grotte découverte en 1947 fut suivie de dix. autres grottes à 660 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
manuscrits, qui ont été mises au jour le plus souvent par des Bédouins,
dans la même région du ouadi Qoumrân. Sur le plan politique,
rappelons-le, c'est en 1948 qu'éclata la guerre judéo-arabe et que
fut créé l'État d'Israël ; la Palestine cisjordane fut alors scindée
en deux zones, l'une juive, l'autre arabe. C'est alors dans la zone
arabe que se trouve le ouadi Qoumrân, tout comme la vieille Jéru
salem ; toutefois, depuis la guerre de six jours, en juin 1967, toute
la zone arabe est occupée de fait par les forces israéliennes, et, par
suite, le site de Qoumrâm est actuellement sous la surveillance du
service israélien des Antiquités.
Parmi les grottes découvertes, signalons notamment la grotte IV,
trouvée en septembre 1952 et renfermant des milliers de précieux
fragments manuscrits ; c'est une large caverne creusée au flanc
même de la terrasse marneuse qui s'étend sur la rive gauche du
ouadi et sur laquelle se trouvent les ruines dont nous allons bientôt
parler. C'est un des vieillards de la tribu des Taamireh qui avait
donné l'alerte. Un soir, sous la tente, racontant ses souvenirs de
jeunesse, il explique que, tout près des ruines de Qoumrân, jadis,
alors qu'il chassait et poursuivait une perdrix qu'il avait blessée,
il avait vu celle-ci disparaître dans un trou ; c'est ainsi par elle qu'il
avait pénétré dans une caverne presque inaccessible sur le sol de
laquelle il avait ramassé des tessons de jarre et aussi une lampe
antique. Les jeunes gens qui l'écoutaient surent bien retrouver la
grotte à la perdrix blessée, digne émule de la grotte à la brebis
perdue. Les archéologues, survenus peu après, achevèrent eux-
mêmes le dégagement de la cachette.
Mentionnons encore la grotte XI, découverte aussi par les Bédouins
au début de 1956, à quelque 800 m au nord de la grotte I — et donc
à quelque 2 100 m au nord du ouadi Qoumrân. Cette grotte XI
renfermait plusieurs rouleaux très importants, qui ne sont pas encore
tous publiés.
Que sont les manuscrits provenant des onze grottes ? Leur nombre
est considérable : signalons d'abord une douzaine de rouleaux qui
sont peu à près complets ou dont une part substantielle est conser
vée, et ensuite environ six cents manuscrits qui sont représentés
par des fragments plus ou moins étendus ; il s'y ajoute des dizaines
de milliers de fragments souvent minuscules et fort détériorés, qui,
en bien des cas, seront peu utilisables.
Après diverses péripéties, les sept rouleaux trouvés en 1947
dans la première grotte sont tous devenus la propriété de l'État LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE 661
d'Israël, et ils sont tous soigneusement et religieusement conservés
dans le « Temple du Livre » (Hékal has-Séfèr), bâti en 1965 dans
la ville nouvelle de Jérusalem, aux frais d'un riche mécène judéo-
américain.
Quant aux autres rouleaux et à la plupart des fragments manusc
rits découverts après que la Palestine eut été partagée en deux
zones, ils sont devenus propriété de l'État jordanien ; quelques-uns
d'entre eux sont exposés au Musée d'Amman, en Jordanie, mais
la plupart se trouvaient rassemblés, au moment de la guerre de
six jours (en juin 1967, je le répète), dans le Musée archéologique
de Palestine, appelé Musée Rockefeller, en vue de faciliter leur
étude et leur publication ; ils s'y trouvent toujours.
La publication et même l'inventaire exact de tous les documents
qoumrâniens recueillis dans les diverses grottes ne sont pas encore,
malheureusement, achevés. Les manuscrits sont rédigés pour la
plupart en hébreu, mais un certain nombre le sont en araméen,
c'est-à-dire dans un idiome ouest-sémitique assez proche de l'hébreu
et qui se parlait alors couramment en Palestine.
Un quart environ de la masse documentaire recueillie des grottes
de Qoumrân est constitué par des copies de livres proprement
bibliques. Tous les livres de la Bible juive canonique (de la Bible
juive encore en usage aujourd'hui dans les synagogues) s'y trouvent
représentés — à l'exception toutefois du livre d'Esther — , et plu
sieurs des livres bibliques se rencontrent souvent en plusieurs
exemplaires : on trouve jusqu'à quinze manuscrits d'Isaïe.
Le plus beau de ceux-ci — incontestablement le joyau, du point
de vue paléographique, de tous les manuscrits de la mer Morte —
est le premier rouleau d'Isaïe trouvé dans la grotte I. Dans le
« Temple du Livre », à Jérusalem, il se trouve entièrement déployé ;
sa longueur totale est de 7,34 m, sur 26 cm de hauteur. Il est formé
de 17 feuilles de cuir cousues bout à bout. Sur toute la longueur du
rouleau sont distribuées 54 colonnes d'écriture comptant chacune
de 29 à 32 lignes. Le rouleau comporte presque intégralement le
texte du livre canonique.
Les manuscrits bibliques trouvés à Qoumrân sont d'une impor
tance capitale. Le texte de la Bible hébraïque, rappelons-le, ne
commença à être officiellement fixé que vers l'an 90 de l'ère chré
tienne : ce fut l'œuvre des rabbins réunis au « concile » de Jamnia,
en Palestine. En même temps qu'elles établissaient un texte officiel,
les autorités rabbiniques prirent de sévères mesures en vue d'assurer
la fidèle reproduction de ce texte unique et d'éliminer les textes
divergents. En fait, les nombreux manuscrits antérieurement
connus de la Bible hébraïque reproduisent tous à peu près sans
variante un seul et même texte, le texte dit « massorétique » (ou
1977 43 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 662
traditionnel) ; l

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