De la cosmogonie au cycle de l’eau : une histoire des idées
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À travers un rappel des théories scientifiques ou mythiques expliquant la formation de l’univers et de la Terre, nous proposons une reconstitution de l’évolution historique des idées, concepts et outils qui se sont développés depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Nous distinguons quatre périodes :
. de l’Antiquité au Moyen Âge : du mythe à la mécanique aristotélicienne.
. du XVe à la fin du XVIIe siècle : un nouveau monde. Premiers développements dans la compréhension de l’origine des sources avec Léonard de Vinci, Bernard Palissy et Agricola, et de la mécanique des fluides avec les travaux de Pascal.
. de la fin du XVIIe au XVIIIe au siècle : émergence des sciences de l’hydrologie. C’est avec la contribution de Pierre Perrault sur le bilan hydrologique et d’Edmund Halley sur l’évaporation, que la science de l’hydrologie est née.
. depuis le XIXe siècle : vers le modèle actuel.
Les nombreuses controverses doctrinales qui ont animé la scène hydrologique internationale depuis le XVIIIe siècle mettent en perspective l’évolution des idées. De nos jours, si l’on ne discute plus les traits généraux fondateurs de l’hydrologie moderne, il ne subsiste pas moins des divergences aux interfaces des différentes disciplines (hydrologie, hydrogéologie, hydraulique, limnologie, sciences de l’atmosphère et de l’espace, chimie, physique, biologie…). Bien que le cycle de l’eau soit appréhendé dans son ensemble, au-delà des écoles de pensée, il reste mal maîtrisé. Les étapes de la domestication de l’eau sont loin d’être achevées. Notre compréhension de phénomènes globaux, comme El Niño, demeure partielle. Par ailleurs, à une échelle plus locale, l’impact sur le milieu naturel et le devenir des pollutions dans l’hydrosystème constituent un enjeu majeur pour le vivant.
Publié lors du Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001.

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Publié le 16 février 2013
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Langue Français

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Colloque International OH 2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001International Symposium OH2 Origins and History of Hydrology, Dijon, May, 9-11, 2001     
De la cosmogonie au cycle de l’eau :une histoire des idées From cosmogony to the water cycle: a history of ideas   Michel DETAYOndeo, 18 Square Edouard VII - 75316 Paris Cedex 09 (France)michel.detay@ondeo.com Didier GAUJOUSEau et Force, 300 Rue Paul Vaillant Couturier - 92000 Nanterre (France)didier.gaujous@lyonnaise-des-eaux.fr 
   RésuméLe cycle de l’eau tente de rendre comptedu fonctionnement de l’hydrosphère ausein d’un objet unique et compliqué, la Terre, où les milieux de l’atmosphère, dela surfacedu sol et du sous-sol entretiennent des relations complexes avec d’autres cycles physiques,géochimiques et biologiques. Depuissa formatio n, il y a quatre milliards et demi d’années,la Terre a évolué vers son état actuel. Les océans existaient déjà il y a trois milliards huitcent millions d’années et leur volume avait atteint plus de 90 % du volume actuel à la finde lArchéen. Ainsi le cycle de leau a, lui-même, une histoire, dautant plus digne dintérêt que, sous sa forme actuelle, c’est une science très jeune. De nombreuses branches dessciences naturelles sont donc intimement liées au cycle de l’eau.À travers un rappel des théories scientifiques ou mythiques expliquant laformation de l’univers et de la Terre, nous proposons une reconstitution de l’évolutionhistorique des idées, concepts et outils qui se sont développés depuis l’Antiquité jusqu’ànos jours. Nous distinguons quatre périodes :de l’Antiquité au Moyen Âge : du mythe à la mécanique aristotélicienne.duXVe à la fin duXVIIesiècle: un nouveau monde. Premiers développements dans lacompréhension de l’origine des sources avecLéonard de Vinci, Bernard Palissy etAgricola, et de la mécanique des fluides avec les travaux de Pascal.de la fin duXVIIe auXVIIIe au siècle: émergence des sciences de l’hydrologie. C’est avecla contribution de Pierre Perrault sur le bilan hydrologique et d’E dmund Halley surl’évaporation, que la science de l’hydrologie est née.depuis leXIXe siècle : vers le modèle actuel.Les nombreuses controverses doctrinales qui ont animé la scène hydrologiqueinternationale depuis leXVIIIe siècle mettent en perspective l’évolution des idées. De nosjours, si l’on ne discute plus les traits généraux fondateurs de l’hydrologie moderne, il nesubsiste pas moins des divergences aux interfaces des différentes disciplines (hydrologie, hydrogéologie, hydraulique, limnologie, sciences de l’atmosphère et de l’espace, chimie,physique, biologie…). Bien que le cycle de l’eau soit appréhendé dans son ensemble, au-
1 © Université de Bourgogne 
Colloque International OH 2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001International Symposium OH2 Origins and History of Hydrology, Dijon, May, 9-11, 2001  delà des écoles de pensée, il reste mal maîtrsié. Les étapes de la domestication de l’eausont loin d’être achevées. Notre compréhension de phénomènes globaux, comme El Niño,demeure partielle. Par ailleurs, à une échelle pluslocale, l’impact sur le milieu naturel et ledevenir des pollutions dans l’hydrosystème constituent un enjeu majeur pour le vivant.Enfin, l’eau fait partie de l’histoire du cosmos. L’étude des glaces extraterrestresfournit un moyen de mieux appréhender l’histoire du système solaire. L’histoire du cyclede l’eau n’est pas terminée. La connaissance et la quantification du cycle de l’eaureprésentent une des grandes aventures de l’esprit humain. AbstractThe water cycle tries to explain the functi oning of hydrosphere at the heart of asingle and complicated object, the Earth, where the atmosphere, sub-surface andunderground have complex relations with other physical, geochemical and biologicalcycles. Since the formation of the Earth, 4.5 Gy ago, it has evolved to its present state.The oceans already existed 3.8Gy ago and with a volume reaching more than 90 % oftheir present volume at the end of the Archeozoic period. The water cycle therefore hasitself a history, all the more interesting in its present form that it is a very young science.Various branches of natural sciences are therefore closely linked to the water cycle.Calling to mind all of the mythical or scientific theories which explain how theEarth and the universe were formed, we proposeto reconstitute the historical evolutionof the ideas, concepts and tools which havebeen developed since theAntiquity period tothe present. We have divided it up into four periods:from Antiquity to Middle Age: from myth to Aristotelian mechanics.from the Middle Age to the end of theXVIIth century: a new world. Firstdevelopments in understanding the origin of sources with Leonardo da Vinci,Bernard Palissy and Agricola, and hydraulic thanks to the work of Pascal.fromXVIIIth to the last century: emergence of hydrology. Thanks to thecontributions of Pierre Perrault (1611- 1680) on the hydrology appraisal andEdmund Halley (1656-1742) on evaporation, the science of hydrology was born.from the last century: to the present model.Various doctrinal controversies which brou ght the international hydrologic sceneto life sinceXVIIIth century put the evolution of ideas into perspective. Nowadays, if thefounding general features of modern hydrology are no longer discussed, divergence tothe various discipline interfaces still exist (hydrology, hydro-geology, hydraulics,limnology, atmospheric and spatial atmosphere sciences, chemistry, physics, biology…).Although the water cycle is generally understood beyond the various schools of thought,it has not yet been fully mastered. The domestication stages of water are far fromfinished. Our understanding of the global ph enomena, such as El Niño, remains partial.Moreover, on a more local scale, the impact on the natural environm ent and the future ofpollution in the hydro-system repres ent a major stake for life forms.Finally, water is part of the history of the cosmos. Studying extraterrestrial iceprovides a means to better understand the hi story of the solar system. The history ofwater cycle is not finished. Understanding and quantifying the water cycle is one of thegreat adventures of the human mind.  1. Théori es mythiques Les Égyptiens pensaient que le monde était sorti d’une grande masseliquide appelée Noun. « Au commencement le monde était un désert océanique. Le dieu de lumière apparut sous la forme dun œuf brilant, qui flotait sur la 
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Colloque International OH 2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001International Symposium OH2 Origins and History of Hydrology, Dijon, May, 9-11, 2001  nappe aquatique ». En Inde, Brahmânda, lŒuf du monde, est couvé à la surface des Eaux. Dans certaines allégories tantriques, l’eau figure prâna, le souffle vital.Chez les Grecs, les eaux primordiales (Oceanos) limitent lunivers. « Lunivers était dans lobscurité, avec de leau partout, sans aurore, sans clarté, sans lumière », dit un texte maori (Nouvelle-Zélande). Selon les Rig Veda (Inde) : « Il y avait au début lobscurité. Tout était en eau ». LAsie tient leau pour le « chaos » originaire, « la source de toute chose et de toute existence ». La cosmologie babylonienne représente l’eau sous deux aspects: océan d’eau douce (apsû) surlequel, plus tard, flottera la terre et la mer salée. Selon une version huronne(Canada) : « Au début, il ny avait que leau : un vaste océan peuplé danimaux aquatiques ». « Au début, quand il ny avait que de leau, Dieu et le « premier homme » se mouvaient sous la forme de deux oies noires au-dessus de locéan primordial », dit une légende sibérienne. Dans la tradition judéo-chrétienne, on trouve dans la Genèse : « La terre était sans forme et vide. Lobscurité sétendait à la surface des profondeurs et lesprit de Dieu se mouvait sur létendue des eaux ». À ces cosmogonies correspondent les qualités fabuleuses qu’onattribue àl’eau. L’eau est une composante essentielle de la vie et, en tant que telle,cristallise toutes les passions. Source de vie, moyende purification, centre derégénérescence, leau hante les cultures humaines.L ao-Tseu (IVe ouVe siècle avantJ.-C.), maître du Tao enseigne que l’eau est l’emblème de la vertusuprême. Dansla Bible, de nombreux passages relatent son importancepour les tribus d’Israël.Abraham et Isaac étaient avant tout célèbres pour leur faculté de trouver de l’eauen creusant un puits.Mais, en marge de ce rôle vital, l’eau est intimement associée à desphénomènes mystiques et inexplicables. Dans tel passage de la Bible, c’est Jésus-Christ qui crée une fontaine pour laver sa tunique près du sycomore de Matarea ;dans tel autre, c’est Saint Pierre qui fait jaillir une source à travers les murs de laprison de Mamertine afin de baptiser deux soldats romains.Parmi les penseurs ioniens duVIe siècle av. J.-C., Thalès de Milet (v. 625-547av. J.-C.), imagine que l’eau de mer poussée par les vents monte dans le sol et lesmontagnes pour créer les sources, le dessalement provenant de la filtration. Ilsupposait que la Terre flottait sur l’eau et expliquait ainsi les tremblements deterre par lagitation de cet océan souterrain. Il considérait que « leau est la cause matériele de toutes choses » et ambitionnait de métamorphoser les connaissances dispersées en un savoir rationnel et cohérent, débarrassé de latutelle des magies. Démocrite (v. 460-370 av. J.-C.) pense également que lestremblements de terre sont dus à leau. « Une partie de la Terre est concave, et il sy accumule une importante masse deau. De cete partie de la Terre sort une substance subtile et plus liquide que tout le reste, qui, lorsquele est repoussée par la pression dune masse deau qui sabat par-dessus, exerce une pression sur la Terre et la fait trembler ». C’est dans le Tartare [Platon (428-348 av. J.-C.)], le plus profond desabîmes de la troisième terre, rempli d’eau et descendant jusqu’aucentre de laterre, que convergent toutes les eaux, celles del’Océan et celles des fleuves. Du
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Colloque International OH 2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001International Symposium OH2 Origins and History of Hydrology, Dijon, May, 9-11, 2001  Tartare ressortent trois courants : le Pyriphlégéton d’où sortent lesmanifestations volcaniques chargées de vapeur, le Cocyte qui se jette dans le lacdu Styx et l’Achéron qui donne naissance aux sources et aux fleuves.Parmi les Présocratiques, Héraclite (v. 550-480 av. J.-C.), pensait que l’eauprovenait du feu : « En se condensant, le feu shumidifie ; et, en se resserrant plus encore, il engendre leau ; et quand leau se cristalise, ele se change en terre. Tele est la route descendante. À rebours, la terre se liquéfie, dele naît leau et de cele-ci les autres éléments ». Il ramène presque toutes choses à lévaporation à partir de la mer. C’est la route montante. Des exhalaisons naissent de la terre etde la mer, les unes claires et pures, les autres obscures. Le feu se trouve alimentépar les exhalaisons claires et pures, l’humide par les autres. Ainsi, l’eau, comme tous les symboles, peut être envisagée sur deux plansrigoureusement opposés, mais nullement irréductibles, et cette ambivalence sesitue à tous les niveaux. L’eau est sourcede vie et source de mort, créatrice etdestructrice.  2. Théories scientifiques 2.1. Du mythe à la mécanique aristotélicienne  L’Antiquité est marquée par une intense créativité dans le domaine desidées, aussi bien sur les plans philosophique, mathématique, astronomique quegéographique. Sur le plan de la connaissance scientifique générale, toute l’époqueest profondément marquée par la pensée d’Aristote (v. 384-322 av. J.-C.).La vision générale du Monde est dépendante de la mécaniquearistotélicienne, qui affirme la subdivision entre le monde supralunaire (domainedes astres et de l’éternité) et le monde sublunaire (domaine de la génération etde la corruption), et qui repose sur la théorie des lieux et des mouvementsnaturels des quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu.La première trace de l’origine atmosphérique de l’eau souterraine estattribuée à Homère, aux alentours du premier millénaire avant J.-C., dans l’Iliade(livre 21). Bien plus tard, Thalès (v . 625-547 av. J.-C.), Anaxagoras (500-428 av.J.-C.), Hérodote (484-425 av. J.-C.) et surtout Platon (350 av. J.-C.) soulignèrentl’importance de l’évaporation et des pluies comme étant probablement àl’originedes fleuves et des sources, mais ces philosophes étaient surpris par la taille desrivières en comparaison du faible volume des précipitations. Aristote fut lepremier à subodorer les modalités du cycle de l’eau entre l’air et la Terre, sanspour autant appréhender la nature même du phénomène et du stockagesouterrain. Aussi, malgré quelques avancées réelles dans ce domaine,deuxhypothèses prévalaient quant à l’origine des eaux de sources.La première supposait que l’eau de mer était amenée par l’intermédiaire defleuves souterrains jusqu’aux montagnes pour y être purifiée avant deressortir au niveau des sources : « Cete eau amère se filtre, perd son sel, 
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