L émigration des « marchands de vin de Meymac » (Corrèze) - article ; n°4 ; vol.24, pg 925-942
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L'émigration des « marchands de vin de Meymac » (Corrèze) - article ; n°4 ; vol.24, pg 925-942

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Revue de géographie alpine - Année 1936 - Volume 24 - Numéro 4 - Pages 925-942
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Publié le 01 janvier 1936
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Langue Français
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Pierre Luès
L'émigration des « marchands de vin de Meymac » (Corrèze)
In: Revue de géographie alpine. 1936, Tome 24 N°4. pp. 925-942.
Citer ce document / Cite this document :
Luès Pierre. L'émigration des « marchands de vin de Meymac » (Corrèze). In: Revue de géographie alpine. 1936, Tome 24
N°4. pp. 925-942.
doi : 10.3406/rga.1936.3555
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1936_num_24_4_3555L'ÉMIGRATION
DES "MARCHANDS DE YINS DE MEYMAC "
(CORRÈZE)
par Pierre LUES
A. — Les causes des migrations.
La réputation de pauvreté et de misère du plateau de Mille-
vaches n'est plus à faire. Une population clairsemée, et pour
tant trop abondante encore, essayait au xix" siècle d'y arracher,
à l'ingratitude die l'arène granitique, l'indispensable à sa nourrit
ure.
L'élevage de nombreux troupeaux de misérables moutons
paissant la lande de bruyère et d'ajoncs, la culture de maigres
céréales, fondée sur la pratique de l'écobuage, y fournissaient le
plus clair des ressources. L'archaïsme de cette agriculture et
l'exiguïté générale des propriétés expliquent la coutume locale,
fréquente en Limousin, qui laissait à la femme, aux enfants et
aux parents âgés la plus grande part du soin de « faire aller le
bien », libérant ainsi les hommes dans la force de l'âge qui, par
suite, se trouvaient être de trop au pays, l'industrie rurale étant
en effet à peu près inexistante, qui eût pu, dans une certaine
mesure, pallier à l'indigence de la nature et aux vices de l'éc
onomie agricole. 92f> PIERRE LUES.
Ges caractéristiques de misère se trouvent encore accrues, sur
la plus grande partie du canton de Meymac, par suite d'un
relèvement sensible de l'altitude, qui atteint son maximum par
984 mètres au signal de Meymac, à quelques kilomètres au
Nord-Ouest de ce bourg.
Quoique très peu dense, la population était encore supérieure
à ce que pouvait nourrir le pays, et l'excédent devait à la pra
tique de l'émigration temporaire de pouvoir conserver sa fidé
lité à la petite patrie.
C'étaient des bandes de gars frustes mais solides qui descen
daient chaque année, au printemps ou à l'automne, vers les
plaines et les villes du pourtour, principalement Paris, le Bas
sin Parisien et le Bordelais, où ils trouvaient de quoi satisfaire
leur appétit de gains et leurs aptitudes pour les travaux rudes
de la terre ou d,u bâtiment.
Pourtant, dans cet ensemble, l'originalité des emigrants du
canton de Meymac détonait déjà; on ne trouvait guère de ma
çons parmi eux; les Meymacois se spécialisaient dans la pra
tique de métiers exigeant un peu plus de finesse et d'astuce.
C'étaient eux qui fournissaient les plus forts contingents de
cochers de fiacre, d'hommes de peine et de portefaix. Un certain
nombre, il est vrai, se dirigeaient à l'automne vers les Landes
où ils passaient l'hiver comme scieurs de long.
Ainsi, dès les débuts, voit-on les Meymacois réserver leur
faveur à des métiers où leur rouerie naturelle trouve son emp
loi; en règle générale, c'est la morte-saison de l'hiver qu'ils
mettent à profit pour émigrer, contrairement à ce que font les
maçons d'alentour.
Le type de l'éimigrant saisonnier, utilisant les mortes-saisons
agricoles pour vendre des vins bordelais dans les régions du
Nord, résulte vraisemblablement des expériences vitiooles du
scieur de long landais, mercantiles du cocher de fiacre parisien.
Quoi qu'il en soit, Meymac, patrie d'origine des emigrants, est
une petite ville de contact entre le plateau de Millevaches et les
plates-formes du bas pays; bâtie à 720 mètres d'altitude sur un des " marchands de vin de meymac " 927 l'émigration
LEGENDE
Region d'où sont partis
les premiers marchands
de vins -
Extension dg la tone ď[
é /ers de le 2Т
*лдие . *899 • 1$ÛÛ.
Nouvelle extension de la
zone ďémitfrůtioft après
le procès des années 1900.
-Centre, démit] ration. .
" corréziens Fig. 1. — Régions de provenance des " marchands de vin 928 PIERRE LUES.
coteau dominant la Luzège, sa situation privilégiée explique
l'importance des foires où s'échangeaient les produits des deux
régions et où chacun venait renouveler ses provisions de luxe.
La population, mi-partie rurale et urbaine — sur près de
4.000 habitants dans la commune, plus de 2.000 sont groupés au
chef-lieu — tout en gardant la rudesse extérieure qui s'attache
aux métiers de la terre, avait su néanmoins s'adapter aux ex
igences du commerce et acquérir dans les transactions de ces
foires les qualités requises pour le négoce.
Pourtant, là comme ailleurs, les profits retirés du trafic des
■ foires et le produit des travaux agricoles ne suffisaient pas à
nourrir cette population trop nombreuse. Ce gonflement démo
graphique nécessitait une émigration saisonnière s-'adaptant
aux exigences de la culture, base de l'économie, exigences qui
devaient également imposer leurs caractères à celle des mar
chands de vin.
Le mode de vie rural comportait, en effet, deux mortes-saisons
annuelles. La première correspond à la durée de l'hiver. Pen
dant .cette période, la rigueur de la température ne permet guère
de travaux agricoles, le battage au fléau des seigles et du blé
noir est terminé, l'absence presque totale d'industrie rurale con
damnait la population à l'inactivité : les emigrants marchands
de vins devaient naturellement songer à mettre à profit cette
époque pour l'exercice de leur commerce; aussi prirent-ils l'ha
bitude de se réunir pour partir à la grande « foire grasse » qui
avait lieu à Meymac le 19 janvier.
Les soins de la culture laissaient aux paysans une deuxième
période de répit qui s'étendait du moment où les moissons de
seigle étaient terminées à celui où commençaient celles de blé
noir et de pommes de terre, c'est-à-dire du début d'août à la fin
de septembre, car le battage au fléau de la récolte était réservé
pour les mauvais jours de l'automne. Derechef les marchands
de vin s'assemblaient à la grande foire aux moutons, le 7 août,
et prenaient le départ vers les régions du Nord.
Mais si le caractère archaïque de l'agriculture limousine fut DES « MARCHANDS DE VINS DE MEYMAC ». 929 L'ÉMIGRATION
Le facteur capital de l'émigration meymacoise des marchands
de vins, il faut noter que, contemporaine de la gTande extension
ferroviaire, elle n'eût guère été possible sans elle. En effet, le
temps somme toute restreint dont ils diposaient, l'éloignement
des pays où ils opéraient, comme le poids et Le volume de la
matière de leur commerce réclamaient pour le service des mar
chands de vins des communications rapides, étendues et rel
ativement peu coûteuses que seul le chemin de fer pouvait
fournir.
B. — L'évolution de l'émigration.
Ge fut une heureuse inspiration que celle qui donna l'idée aux
frustes paysans meymacois de quitter la charrue de leurs ancêt
res, la truelle ou la scie de leur jeunesse, pour utiliser leur
astuce, leur rouerie et leur finesse dans le commer-ce des vins.
Il fallut les plus madrés d'une population qui en compte beau
coup pour s'aviser des avantages attachés au commerce, plus
fructueux et moins pénible que le maniement de la scie ou du
fouet, de ce vin inconnu à leur foyer, mais qu'ils avaient appris
à estimer au cours de leurs campagnes. La hardiesse, la con
fiance en eux-mêmes étaient les vertus journalières des pre
miers de ces paysans incultes que leur instinct poussa à dé
laisser des coutumes séculaires en faveur d'un négoce hasar
deux. Tl est vrai qu'au sujet du capital engagé ils ignoraient
toute inquiétude, et qu'au demeurant ils n'avaient pas granď-
chose à perdre à ce changement, certains qu'ils étaient de trou
ver en tout lieu un travail au niveau de. leurs aptitudes, qu'ils
avaient grandes- et multiples. . :. ' "
Les premiers, les pionniers peut-on dire, débutèrent dans leurs
campagnes vers 1880. C

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