L introduction de la culture de la betterave sucrière dans le département de l Isère (1811-1812) - article ; n°4 ; vol.28, pg 567-579
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L'introduction de la culture de la betterave sucrière dans le département de l'Isère (1811-1812) - article ; n°4 ; vol.28, pg 567-579

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Revue de géographie alpine - Année 1940 - Volume 28 - Numéro 4 - Pages 567-579
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Publié le 01 janvier 1940
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Langue Français

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M. Gaston Letonnelier
L'introduction de la culture de la betterave sucrière dans le
département de l'Isère (1811-1812)
In: Revue de géographie alpine. 1940, Tome 28 N°4. pp. 567-579.
Citer ce document / Cite this document :
Letonnelier Gaston. L'introduction de la culture de la betterave sucrière dans le département de l'Isère (1811-1812). In: Revue
de géographie alpine. 1940, Tome 28 N°4. pp. 567-579.
doi : 10.3406/rga.1940.4293
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1940_num_28_4_4293L'INTRODUCTION DE LA CULTURE
DE LA RETTERAVE SUCRIÈRE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ISÈRE
(1811-1812)
par G. LETONNELIER
La culture de la betterave sucrière est actuellement en pleine
prospérité dans le département de l'Isère. D'après les travaux
récents de M. Roy et la Monographie agricole publiée en 1937;
son rendement a été en 1929 de 35 tonnes pour une superficie
totale ensemencée de 1.369 hectares, et la récolte de cette
même année 1929 a produit une somme globale de 6.713.000 fr.
Ce chiffre suffit à lui seul à montrer que la betterave sucrière
est un élément très important dans l'ensemble des richesses
agricoles du département et mérite toute l'attention des agro
nomes.
A quelle époque cette culture y a-t-elle fait son apparition ?
Pour quelles raisons les pouvoirs publics ont-ils cherché à la
développer ? Quels furent les résultats des efforts tentés pour
la faire réussir et l'intensifier ? Autant de questions pleines
d'intérêt pour l'histoire économique départementale, et sur
lesquelles la correspondance du préfet Fourier, l'homme de
Napoléon, permet de projeter une certaine lumière. 568 G. LETONNELIER.
La culture de la betterave sucrière est une des conséquences
d'une mesure de défense économique qui eut un effet mondial:
le blocus continental organisé par Napoléon. Ce n'est pas à
dire qu'auparavant elle « n'était pas connue » dans notre ré
gion, mais elle n'avait atteint jusqu'alors qu'un développement
très modeste. Suivant le mot de Fourier, elle « n'avait lieu pr
écédemment que pour l'usage de la cuisine" et dans les jardins ■».
Elle n'était donc pratiquée que comme celle d'un légume ordi
naire, c'est-à-dire en quantité suffisante, et rien de plus, pour
la consommation journalière des habitants.
Or, il arriva que dès le mois de mars 1811, l'Empereur tenta
de lui donner une extension inconnue jusqu'alors. Il essaya de
se créer par son^moyen une arme nouvelle pour appauvrir son
éternelle ennemie l'Angleterre et pour renforcer l'étau dans
lequel il comptait briser sa puissance commerciale.
Le blocus continental avait été officiellement constitué par
le fameux décret de Berlin du 21 novembre 1806 qui interdi
sait tout commerce avec l'Angleterre et excluait des ports
français tout navire ayant touché les côtes anglaises. Mais ce
décret, auquel devait faire suite celui de Milan du 17 décembre
1807, qui déclarait de bonne prise tout navire ayant fait un
voyage en Angleterre, s'était montré d'une application très
difficile et d'une efficacité assez douteuse. Un publicisté d'Iver-
nois qui éditait en 1809 un livre sur Les effets du blocus con
tinental se plaisait à narguer l'Empereur sur l'insuccès de son
moyen de défense :
Votre blocus ne bloque point
Et grâce à votre heureuse adresse,
Ceux que vous affamez sans cesse
Ne périront que d'embonpoint.
A vrai dire, le blocus avait gêné l'Angleterre et restreint son
commerce, mais il avait en même temps gêné le reste de l'Eu- INTRODUCTION DE LA CULTURE DE LA BETTERAVE. 569
горе et surtout la France, en l'obligeant à vivre sur elle-même.
On se privait encore assez facilement du concours des Anglais
pour les oléagineux et les textiles (sauf le coton), de même que
pour les combustibles et les produits miniers. Mais il y avait
les denrées coloniales que les colonies anglaises seules produis
aient, fournissaient et transportaient, et dont la privation fut
sensible. C'était par exemple le café, qu'on remplaça par de la
chicorée, un ersatz qui n'offrait pas le même agrément au
palais des gourmets; — c'était le sucre qui était aussi une pro
duction exclusive des colonies anglaises et qu'on remplaça tant
bien que mal par du miel et du sirop de raisin (2 millions de
kilogr. en France en 1810); — c'était aussi les produits tincto
riaux, tels que l'indigo et la cochenille, dont le besoin se faisait
impérieusement sentir et qu'on remplaçait difficilement.
Sans atténuer en rien la rigueur du blocus, Napoléon pensa
alors à trouver sur le sol même de son Empire les produits qui
avaient été jusqu'alors fournis par ses ennemis. C'est ainsi
qu'il fut amené à remplacer l'indigo de l'Inde par le pastel, —
et le sucre de canne par le sucre de betterave que « Margraf
« avait isolé en 1747 et qu'un autre Allemand, Achard, pro-
« duisait industriellement en Silésie depuis le début du siè-
« cle ».
Et voilà l'origine du décret impérial du 25 mars 1811, qui
disposait « qu'il sera mis dans l'Empire jusqu'à concurrence
de 32.000 hectares en culture de bettes raves pour en extraire
le sucre qui doit remplacer celui des Indes, à dater du 1er jan
vier 1813 ».
Les préfets des divers départements de l'Empire furent
immédiatement chargés par le Ministre de l'Intérieur de veiller
à l'exécution du décret et d'assurer l'organisation de la culture.
Il n'y a pas lieu d'examiner ici ce qui s'est passé dans tous
les départements français, cela nous « entraînerait d'ailleurs
beaucoup trop loin. Mais la correspondance entretenue par le
préfet Fourier avec les ministres, les sous-préfets, quelques- 570 G. LETONNELIER.
uns des maires et quelques notables du département nous per
mettra d'exposer brièvement comment le décret impérial a
été accueilli dans l'Isère, à quelles difficultés les autorités lo
cales se sont heurtées et quels en ont été les résultats pour le
département.
Ce bref aperçu va se diviser tout naturellement en deux
parties : l'une qui aura pour objet le premier essai fait en
1811, dont les résultats furent à peu près nuls, nous verrons
pourquoi, — l'autre, la seconde tentative effectuée en 1812, qui
eut un peu plus de succès, — quelque chose comme la ci
nquième partie de ce qu'on espérait. Après 1812, et la malheur
euse campagne de Russie, il ne fut pour ainsi dire plus ques
tion de blocus, — ni de culture de la betterave sucrière.
I. — 1811.
Le décret du 25 mars 1811, qui, nous venons de le voir, dis
posait d'une superficie totale de 32.000 hectares pour la cul
ture de la betterave dans tout l'Empire, répartissait en même
temps cette superficie entre les divers départements dont le
sol paraissait propre à un ensemencement rémunérateur.
C'est ainsi que le département de l'Isère y fut compris pour
300 hectare's.
Dès le 4 avril 1811, Fourier envoyait ses instructions aux
sous-préfets placés sous son autorité, — dont le
dispositif peut se résumer ainsi :
1° Tout d'abord, remuer la fibre patriotique, faire appel « à
l'amour du bien public qui anime les habitans et au zèle que
tous les Français doivent déployer pour seconder les grandes
vues de S. M. ».
Il écrivait encore : « Les personnes animées de l'amour du
bien public et de la confiance due au héros qui nous gouverne
s'empresseront de vous seconder par leurs exemples, leurs
soins et par leur influence ■». INTRODUCTION DE LA CULTURE DE LA BETTERAVE. 571
2° Faire appel à la confiance due « au héros qui nous gou
verne » ne pouvait suffire. Il fallait encore montrer que la cul
ture préconisée était d'un intérêt général pour le pays. Sans
chercher à expliquer aux populations des campagnes en quoi
consistait le blocus continental, — dont elles subissaient sur
tout les conséquences restrictives, — on pouvait tout au moins
leur faire comprendre que, « en concourant à l'exécution des
grands desseins de S. M. », elles pour

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