Petits glaciers de haute latitude (Spitzberg, 79° de latitude Nord) - article ; n°3 ; vol.52, pg 513-531

Robert Vivian

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Revue de géographie alpine - Année 1964 - Volume 52 - Numéro 3 - Pages 513-531
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• Publié le: 01 janvier 1964
• Nombre de lectures: 21
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Extrait

M. Robert Vivian
Petits glaciers de haute latitude (Spitzberg, 79° de latitude Nord)
In: Revue de géographie alpine. 1964, Tome 52 N°3. pp. 513-531.
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Vivian Robert. Petits glaciers de haute latitude (Spitzberg, 79° de latitude Nord) . In: Revue de géographie alpine. 1964, Tome
52 N°3. pp. 513-531.
doi : 10.3406/rga.1964.3182
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1964_num_52_3_3182glaciers de haute latitude Petits
(Spitsberg, 79° de latitude nord)
par Robert VIVIAN
Le 7 juillet 1963, une expédition de géographes et géophysi
ciens français s'embarquait pour le Spitzberg à bord du Lyngent
bateau attaché au service d'été Tromsoë (Norvège) - Ny Aalesund г.
Le but de cette expédition était d'une part de jeter les bases d'une
future Station arctique, et d'autre part de récolter de multiples
observations dans les diverses branches de la Géographie et de la
Glaciologie. Les participants étaient au nombre de 11 : — Géo
graphes : J. Corbel (organisateur de l'expédition); Ch.-P. Péguy,
Professeur à la Faculté de Rennes (Climatologie), H. Vivian (Hydrol
ogie), R. Vivian (Glaciers et morphologie périglaciaire) ; — Géo
physiciens : L. Lliboutry, Professeur à la Faculté des Sciences de
Grenoble, Directeur du Laboratoire de l'Aiguille du Midi (Glacio
logie); M. Vallon (Orientation des axes optiques des cristaux de
glace); R. Vivet, Guide de haute montagne (Triangulation); —
Techniciens : L. Philippe (Laboratoire de l'Aiguille du Midi, Camé
raman); R. Laurent, M. Prost, G. Stefanni, bénévoles.
Ce séjour en terre polaire était organisé avec l'appui du
C.N.R.S. et de diverses Universités.
Les études très approfondies des géophysiciens, qui bénéfi
ciaient d'un matériel scientifique important, feront l'objet de
publications spéciales, de thèses sur lesquelles nous ne voulons
pas empiéter. Mais en tant que géographe alpin, nous avons été
frappé par quelques aspects particuliers de cette région polaire :
1 Le Lyngen assure cette liaison tous les 12 jours pendant l'été polaire
(juin-juillet-août). Navire de 500 tonnes, c'est un des derniers services régu
liers à fonctionner au charbon. 514 ROBERT VIVIAN
— L'importance de la couverture glaciaire et les conditions
de son alimentation comme de son ablation;
— La netteté de certains processus morphologiques dans les
zones marginales des glaciers (moraines et glaces mortes);
— Les modalités et les aspects de l'écoulement des eaux sur
les glaciers et à leurs fronts.
Ce sont ces quelques observations, faites sur le terrain et avec
l'aide de la carte d'Isachsen, de la carte au 1/100 000e publiée par
la Norsk-Polar Institut 2, que nous allons exposer ici.
La Baie du Roi où s'installa l'expédition, se trouve située sur
la côte Ouest du Spitzberg septentrional. La glaciation, qui occupe
une place prépondérante, se présente de façon assez schématique
sous deux aspects :
1° D'une part, de grands glaciers plats (profil en long peu
déclive), aux dimensions et vitesse d'avancée de la glace énormes.
Ainsi se présentent le Glacier du Roi, long de 120 km, large de
plusieurs kilomètres, ayant à son front une vitesse de l'ordre de
3 mètres par jour3, le Glacier de l'Uver et celui de l'Inconfortable
(front commun de 6 à 7 kilomètres de large, longueur minimum
de chacun d'entre eux 15 kilomètres); plus méridional, le Glacier
de l'Aavatsmark possède un front large de 5 kilomètres.
Cette première série, que l'on peut compléter vers le Nord en
citant le Conway et le Blomstrand, est donc caractéristique de
glaciers amples et plats (en particulier pour leur profil en travers).
Sauf l'Uver, ils se jettent dans la mer, débitant tout au long des
jours, dans des conditions très précises 4 et au milieu de véritables
coups de tonnerre, des icebergs dérivant ensuite dans le fjord, vers
l'océan Arctique.
La hauteur moyenne du front du Glacier du Roi, le seul de
cette lre catégorie sur lequel aient été effectuées des mesures, est
d'une trentaine de mètres. Certains points dépassent le niveau de
l'eau de près de 50-60 mètres; la partie immergée semble, d'après
les cartes marines norvégiennes, à peu près équivalente (35 à
65 mètres). En arrière du front marin se trouvent des zones très
étendues (plusieurs kilomètres) d'immenses crevasses surmontées
de blocs suspendus aux positions incertaines, rendant à ce niveau
la progression à pied impossible. Il s'agit donc d'appareils extrê-
2 Topografisk kart over Svalbard 1/100 000% Blad A7, Kongsfjorden.
3 Calculs L. Uiboutry qui confirment les estimations antérieures (travaux
des Allemands).
* Observations Lliboutry-Vivet. PETITS GLACIERS DE HAUTE LATITUDE 515
mement puissants, mais aussi difficiles à étudier faute de moyens
de transport aérien.
2° Plus accessibles sont les glaciers de type alpin qui, depuis
l'époque glaciaire, se sont séparés peu à peu des masses glaciaires
signalées ci-dessus et s'isolent progressivement vers les zones
hautes. De taille beaucoup plus modeste, ils rappellent, dans leur
allure, les glaciers des Alpes françaises (Ex. du glacier de St-Sorlin
étudié depuis de nombreuses années et qui peut servir d'élément
de comparaison). Ils sont disposés sur les parties élevées de la
presqu'île Brugger et, plus au Sud, de l'Haaken Mathiesen Fjella.
Ces deux éléments montagneux, grossièrement parallèles, sont de
direction N.-N.-O. - S.-S.-E. Les points culminants sont de 1 017 m
(Geelmuydent) pour la P. I. Brugger et de 1 076 m (Moefjellet)
pour le Haaken Fjella. L'altitude moyenne des deux massifs oscille
entre 5 et 700 mètres.
A) Genèse. Description. Principaux types des glaciers.
Formation. — Le Spitzberg, surtout dans sa moitié septen
trionale, compte un pourcentage important (60/100) de surface
englacée. Depuis la dernière glaciation, cette proportion décroît.
Cela se manifeste dans le paysage par l'apparition de nunatacs, le
dégagement du socle rocheux, l'élaboration de réseaux hydrogra
phiques, le perchement de petits glaciers sur les zones hautes. Le
recul constant des grands appareils contribue à l'isolement de
langues glaciaires latérales qui, affaiblies, ne se maintiennent plus
que grâce à une altitude forte. Les gros glaciers, par le fait d'une
alimentation plus abondante due à l'existence d'un grand bassin
versant, ont la possibilité de se conserver beaucoup plus bas que
les autres.
Isolée du corps principal du glacier, la langue adventive prend
un rythme de vie autonome. Abandonnée à elle-même, ses res
sources s'amenuisent, son existence semble menacée. A ce stade,
nous retrouvons toutes les caractéristiques des petits glaciers alpins.
Mais les solutions que l'on peut donner aux problèmes qui se
posent à leur sujet ne sont pas obligatoirement identiques : cela
tient à ce que l'on se trouve dans deux mondes climatiques diffé
rents, le monde tempéré et le monde polaire.
La carte au 1/100 000" du Kongsfjorden nous offre, pris à des
stades différents d'évolution, deux exemples de ces détachements
de langues glaciaires latérales. 516 ROBERT VIVIAN
î" l" exemple : le Glacier de l'Inconfortable et ses stade,
appendices de rive gauche.
Le Glacier de l'Inconfortable, dont nous avons décrit plus haut
les aspects principaux, se jette dans l'Océan au droit de l'Engel-
Bukta. La rive gauche, montagneuse, supporte des langues gla
ciaires rattachées au glacier majeur. Pourtant, en avant du front
de ce dernier, se trouve isolé un petit glacier de cirque, perché
sur les flancs de Г Alexander Fjellet. Sa moraine frontale, tronquée
par l'érosion marine, a une allure rectiligne. A 800 m de là, une
seconde langue glaciaire se trouve au niveau du front marin de
l'Inconfortable. Encore non isolée, elle est sur le point de le devenir.
2' stade — exemple du Kongsfjorden (fjord), dans lequel se
jette le Glacier du Roi.
Ici la déglaciation est plus avancée. Il n'y a plus 1 glacier,
mais 8 appareils isolés et disposés sur une vingtaine de kilomètres.
Le détachement a donc commencé depuis plus longtemps. Le pro
cessus suivi a été le même : les