LA QUERELLE DES REDOUBLEMENTS :
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 LA QUERELLE DES REDOUBLEMENTS : ANALYSE ECONOMIQUE ET PROBLEMES STATISTIQUES1    Robert GARY-BOBO CREST, GENES et Université Paris I Panthéon-Sorbonne  Jean-Marc ROBIN Sciences Po, Paris    4 janvier 2011
                                                 1remercient Thomas Brodaty, Xavier d'Haultfoeuille, Badrane Mahjoub et Ana Prieto pour leur aideLes auteurs et leur engagement dans la réalisation des recherches discutées dans cet article. Les auteurs ont bénéficié du soutien de l'ANR pour ces recherches. Correspondance: R. Gary-Bobo, CREST, GENES, 15 bd Gabriel Péri, 92245 Malakoff cedex; email: garybobo(a)univ-paris1.fr. J-M. Robin, Sciences Po, 28 rue des Saints Pères, 75007 Paris; email: jeanmarc.robin(a)sciences-po.fr.  1
 1. Introduction  Dans l’enseignement, l’institution du redoublement n’est pas universellement répandue ; elle fait partie des solutions adoptées par les systèmes scolaires dans un certain nombre de pays, mais pas dans tous. C’est un point qui est bien connu2. Le redoublement est pratiqué en France, en Espagne et en Allemagne. Il est pratiquement inconnu ou d’usage très limité en Grande-Bretagne et dans les pays Scandinaves. Aux Etats-Unis, où la gestion du système éducatif est décentralisée, de plus en plus d’états et de grandes villes, comme Chicago ou New York y ont recours depuis la fin des années 90, et l’institution de lagrade retention progresse aux dépens de son contraire, la promotion automatique, ousocial promotion. Ces évolutions se produisent alors même qu’il semble qu’un consensus se soit établi contre le redoublement, en France comme ailleurs, parmi les spécialistes des sciences de l’éducation.  Il se peut que les systèmes éducatifs, au sein des systèmes sociaux, connaissent des cycles institutionnels : la pratique du redoublement peut donc apparaître ou réapparaître dans certaines conditions sociales, économiques et politiques. Il existe une économie politique du redoublement dont il faudrait essayer de mettre à jour quelques ressorts : le redoublement est une modalité particulière de la gestion du système éducatif qui présente des coûts et des bénéfices. Il y a bien sûr des alternatives à celui-ci : la sélection et la constitution de filières, avec plus ou moins de mesures de soutien spécifiques aux élèves « en difficulté », est l’une d’entre elles. L’idéologie du redoublement, quant à elle, est le produit de tensions à l’œuvre dans ce même système éducatif, et en tant que telle, devrait être significative pour l’économiste : nous devrions donc observer attentivement qui est pour ou contre le redoublement et essayer de comprendre pourquoi, en étudiant les intérêts en présence.  Tandis que ces interrogations n’ont pas reçu de réponses définitives, en arrière plan de débats plus ou moins polémiques sur le sujet, il y a parfois une certaine méconnaissance des faits, mais surtout, il y a un problème statistique majeur de mesure des effets du redoublement sur le destin des individus. Dans les lignes qui suivent, nous tâcherons d’exposer clairement que les difficultés de mesure ont pour origine le caractère endogène (ou endogénéité) des redoublements, décrit aussi parfois commeproblème de sélection. Ce problème, bien connu des économètres contemporains, fausse ou biaise toutes les analyses statistiques naïves du phénomène. En deux mots, les redoublants sont sélectionnés parmi les élèves les plus faibles et pour cette raison même, leur probabilité de réussite est relativement plus faible. Pour condamner le redoublement, il faudrait en bonne logique s’assurer que de deux élèves faibles, qui diffèrent seulement par l’expérience d’un redoublement, c'est-à-dire par ailleurs comparables en tout point, celui qui n’a pas redoublé obtient des résultats significativement meilleurs.  Un certain nombre de travaux récents ont proposé des analyses statistiques ditescausales du redoublement, c'est-à-dire ont cherché à surmonter le problème d’endogénéité ou de sélection endogène par diverses méthodes : méthodes d’appariement ou dematching, méthodes de discontinuité de (ou dans la) régression (regression discontinuity aux), recours variables dites instrumentales et enfin, méthodes d’économétrie dite structurelle. Nous tâcherons de présenter ces résultats et leurs enjeux d’une manière claire, et de situer nos propres résultats empiriques dans cet ensemble. Notons tout de même au passage que la plupart des travaux statistiques sophistiqués sur le redoublement trouvent que ce dernier a certains effets positifs, mais seulement à court terme. Pour anticiper sur nos conclusions, nous sommes conduits en définitive, et en dépit de ces résultats récents, à formuler un jugement assez défavorable à la pratique du redoublement, en raison de ses coûts sociaux,                                                  2Cf. par exemple, Paul (1997).
 
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directs et indirects, et de ses effets assez désastreux dans le long terme, qui sont mis à jour pas nos propres travaux.  Mais ce jugement négatif ne nous soulage pas d’un certain pessimisme, car il nous paraît improbable que la suppression pure et simple des redoublements, parfaitement envisageable au demeurant, soit à elle seule un remède aux inégalités, ni même un remède aux inégalités que l’on dit « engendrées par le système scolaire », si tant est qu’une définition rigoureuse de ces dernières soit possible. La raison en est, pour l’essentiel, que le marché du travail dicte inexorablement sa loi, produisant ou reproduisant au cours du temps des inégalités par la manière dont salaires et revenus reflètent les différences d’aptitudes individuelles qui se révèlent au cours du temps. Les qualités, les talents et les handicaps propres à l’individu ont un caractère multidimensionnel que le système éducatif ne reconnaît et ne cultive que d’une façon à la fois partielle et imparfaite : elle est partielle parce que, d’une part, l’enseignement scolaire néglige des aspects de la personne que la société et l’économie valorisent hautement, et elle est imparfaite parce que, d’autre part, ce même enseignement commet nécessairement des erreurs, plus ou moins aléatoires, de sélection.  Le plan des lignes qui suivent est simple. Après avoir posé les termes du débat sur les redoublements dans le langage de l’économie politique, nous examinerons les difficultés statistiques d’évaluation qui sont propres à cette pratique scolaire. Nous poursuivrons par l’examen de résultats empiriques récents obtenus dans divers pays, dont la France, avant de proposer dans la conclusion un jugement d’ensemble provisoire.  2. Problèmes économiques du redoublement  Il semble que les systèmes éducatifs des divers pays diffèrent dans leur conception et dans leurs objectifs. Il y a des pays où les institutions associées à l’enseignement jouent un rôle d’agence publique de certification. Le monopole d’Etat de la collation des grades, la présidence des jurys d’examen, la correction des copies et la signature des diplômes se rapportent aux fonctions de certification dévolues au professeur, qui exerce, dans un tel système, une véritable magistrature. Tout concourt en apparence à servir les objectifs décrits par Talleyrand dans sonRapport sur l’instruction publique L’instruction est l’art (1791) : « plus ou moins perfectionné de mettre les hommes en toute valeur tant pour eux que pour leurs semblables (…) ; et de préparer ainsi la solution du problème, le plus difficile peut-être des sociétés, qui consiste dans la meilleure distribution des hommes ». D’une manière significative, il ajoute3 plus grande de toutes les économies, puisque c’est l’économie La: « des hommes, consiste donc à les mettre dans leur véritable position : or, il est incontestable qu’un bon système d’instruction est le premier des moyens pour y parvenir. » L’école, comme instrument de sélection et de classement par excellence. La pratique du redoublement trouve naturellement sa place dans un tel système : l’élève ou l’étudiant qui a échoué à un examen doit recommencer ou partir. Comme il n’existe pas toujours de session de rattrapage, au sein d’une organisation administrative rigide et collective de l’enseignement, la seule solution reste souvent de recommencer une année entière.  A l’opposé de cette philosophie, bien évidemment familière en France, il existe des systèmes où le redoublement est inconnu, quand ce n’est pas le système de notation tout entier qui disparaît, comme en Finlande. Au Royaume Uni, on pratique lasocial promotion: les élèves sont automatiquement promus et inscrits dans la classe supérieure à la fin de l’année, quels que soient leurs résultats scolaires. On peut imaginer toutes sortes de formes intermédiaires bien évidemment. Aux Etats-Unis, la pratique du redoublement était courante à la fin du XIXème siècle4. Puis lasocial promotiona commencé à se répandre dans les années                                                  3 Talleyrand, Rapport sur l’instruction publique, 10 septembre 1791. 4La moitié des élèves américains redoublait au moins une fois avant l’âge de 13 ans ; cf. Roseet al. (1983).
 
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