1986-1990 : Démocratisation et/ou hiérarchisation scolaire croissante des publics lycéens ? - article ; n°1 ; vol.11, pg 31-52

Pierre Merle, Patrick Mear

Description

Sociétés contemporaines - Année 1992 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 31-52
PIERRE MERLE, PATRICK MEAR Exceptional growth in the number of high-school pupils during the 1980' s has mechanically induced a global democratization in the last three years of the curriculum. But the question of democratization has been reframed : social discrimination against specific curricula within high-schools has maintained, if not made worse, social and educational inequalities that homogenization of access to high-school had previously eliminated or hidden. However the statistical approach to the democratization of the school system provides an incomplete picture of education reforms carried out in the 1980' s because it ignores the educational strengthening of social elites while overestimating the democratization process.
La croissance exceptionnelle des effectifs lycéens au cours des années quatre-vingt a induit mécaniquement une démocratisation globale des publics scolaires de la seconde à la terminale. Mais la problématique de la démocratisation s'est déplacée : la discrimination sociale des sections à l'intérieur des établissements du second degré (de la terminale G à la terminale С notamment) a maintenu, voire renforcé, des inégalités sociales et scolaires que l'unification des voies d'accès au lycée avait supprimées ou occultées. Cependant, l'approche statistique relative à la démocratisation du système d'enseignement constitue un bilan incomplet des réformes éducatives des années quatre-vingt en occultant le renforcement scolaire de l'élite sociale, et en surestimant la démocratisation constatée.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: SOCIETES_CONTEMPORAINES
• Publié le: 01 janvier 1992
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• Langue: Français
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Extrait

Pierre Merle
Patrick Mear
1986-1990 : Démocratisation et/ou hiérarchisation scolaire
croissante des publics lycéens ?
In: Sociétés contemporaines N°11-12, Septembre / Décembre 1992. pp. 31-52.
Abstract
PIERRE MERLE, PATRICK MEAR Exceptional growth in the number of high-school pupils during the 1980' s has mechanically
induced a global democratization in the last three years of the curriculum. But the question of democratization has been reframed
: social discrimination against specific curricula within high-schools has maintained, if not made worse, social and educational
inequalities that homogenization of access to high-school had previously eliminated or hidden. However the statistical approach
to the democratization of the school system provides an incomplete picture of education reforms carried out in the 1980' s
because it ignores the educational strengthening of social elites while overestimating the democratization process.
Résumé
La croissance exceptionnelle des effectifs lycéens au cours des années quatre-vingt a induit mécaniquement une
démocratisation globale des publics scolaires de la seconde à la terminale. Mais la problématique de la démocratisation s'est
déplacée : la discrimination sociale des sections à l'intérieur des établissements du second degré (de la terminale G à la
terminale С notamment) a maintenu, voire renforcé, des inégalités sociales et scolaires que l'unification des voies d'accès au
lycée avait supprimées ou occultées. Cependant, l'approche statistique relative à la démocratisation du système d'enseignement
constitue un bilan incomplet des réformes éducatives des années quatre-vingt en occultant le renforcement scolaire de l'élite
sociale, et en surestimant la démocratisation constatée.
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Merle Pierre, Mear Patrick. 1986-1990 : Démocratisation et/ou hiérarchisation scolaire croissante des publics lycéens ? . In:
Sociétés contemporaines N°11-12, Septembre / Décembre 1992. pp. 31-52.
doi : 10.3406/socco.1992.1080
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1992_num_11_1_1080♦♦♦♦♦♦ PIERRE MERLE ♦ ♦ ♦♦♦♦♦♦
PATRICK MEAR
1986-1990 : DEMOCRATISATION
ET/OU HIÉRARCHISATION SCOLAIRE
CROISSANTE DES PUBLICS LYCÉENS ?
RÉSUMÉ : La croissance exceptionnelle des effectifs lycéens au cours des années quatre-vingt
a induit mécaniquement une démocratisation globale des publics scolaires de la seconde à la
terminale. Mais la problématique de la démocratisation s'est déplacée : la discrimination
sociale des sections à l'intérieur des établissements du second degré (de la terminale G à la
terminale С notamment) a maintenu, voire renforcé, des inégalités sociales et scolaires que
l'unification des voies d'accès au lycée avait supprimées ou occultées. Cependant, l'approche
statistique relative à la démocratisation du système d'enseignement constitue un bilan
incomplet des réformes éducatives des années quatre-vingt en occultant le renforcement
scolaire de l'élite sociale, et en surestimant la démocratisation constatée.
Les années soixante ont été marquées par un double mouvement : d'une part
l'allongement de la scolarisation jusqu'à 16 ans décidé en 1959 et initiant une
progression continue de la scolarisation, d'autre part des mesures entraînant une
ségrégation des publics scolaires en collège1. A contrario, à partir de 1975 et au
cours des années quatre- vingt, l'intégration des publics scolaires marginaux (CPPN
et CPA2) favorise l'unification des voies d'accès aux établissements du second
degré. La création du collège unique avec classes «indifférenciées» (loi du 1 1 Juillet
1975, dite réforme Haby) a constitué le point de départ, du moins dans le droit
éducatif, de l'unification des cursus de la population scolarisée du premier cycle.
Autre manifestation d'une nouvelle donne législative dans le droit de 1 ' éducation,
le caractère obligatoire de la scolarité n'est plus rappelé dans les textes : l'accès à
l'éducation est surtout érigé en droit*. Plus que jamais sans doute, l'objectif officiel
1 . Cette ségrégation des publics s'est notamment réalisée avec l'apparition des classes de 4*"" «ď accueil ou
d'adaptation» (1959-1960), la création des sections de «transition» en 6*"* et 5*" et des classes «pratiques»
en 4*"" (1961-1962), la mise en place des Sections d'études spécialisées (SES) (1964-1965), la création des
classes pré-professionnelles de niveau en 1968-1969.
2. Classes pré-profesionnelles de (CPPN) et classes préparatoires à l'apprentissage (CPA).
3. Le droit à l'éducation (Chapitre 1er, articles 2 et 3 de la loi d'orientation du 10 juillet 1989 (n° 89-486))
doit aboutir à conduire «l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du CAP ou du ВЕР, et 80 %
au niveau du baccalauréat».
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est celui de la «démocratisation» et de «l'égalité des chances» 4. Le Conseil national
des programmes précise d'ailleurs, en préliminaire des propositions qu'il présente,
que « l'éthique sociale impose de démocratiser les lycées», mais mentionne toutefois
quelques lignes après que «croissance des effectifs ne signifie que partiellement
démocratisation » .
Ces deux propositions du Conseil national des programmes témoignent d'un
hiatus bien ordinaire entre réflexion normative et logique du social. Celle-ci, quant
il s'agit de la démocratisation actuelle des publics lycéens, reste statistiquement
encore peu connue : de 1986 à 1990, l'unification effective des filières du 1er cycle,
et l'accroissement exceptionnel de l'accès en seconde «initiation économique et
sociale», entraînent-ils une démocratisation partielle comme le suggère le rapport
du Conseil national des programmes, ou bien une hiérarchisation sociale croissante
des publics lycéens 6 ? Au carrefour de la démographie scolaire, du politique et du
sociologique, cette problématique, centrée sur les effets de la croissance des
effectifs lycéens, plus ou moins impulsée par une politique d'expansion et
d'égalisation des chances scolaires, est voisine de celle posée notamment par
Westergaard et Little (1964), Cherkaoui (1982), Markiewicz-Lagneau (1985) et
Prost (1986).
Encore serait-il erroné de construire a priori comme antinomique ces deux
notions, hiérarchisation du monde scolaire et démocratisation, celle-ci étant définie
statistiquement par une probabilité d'accès en terminale de chaque groupe socio
professionnel égale à sa part dans la population active. Mieux vaut chercher à
connaître la place de l'invariant et de l'immobile, appréhendée par la ségrégation
des publics scolaires, confrontée à la croissance quantitative du système scolaire,
porteuse a priori de démocratisation.
1 . DEMOCRATISATION : ANALYSE GLOBALE OU PAR SECTION
1.1. LES LIMITES D'UNE DE LA DÉMOCRATISATION
La problématique la plus traditionnelle de l'étude de la démocratisation du
système éducatif est bien représentée par la recherche classique menée à l'INED par
Alain Girard et Henri Bastide. L'enquête longitudinale, suivant une promotion de
20 000 élèves de 1962 à 1967, permit de mesurer la sélectivité sociale croissante du
système éducatif à partir de la connaissance, par catégories socio-professionnelles,
des taux d'accès au lycée et à l'enseignement supérieur7. Une telle approche, si
4. La Loi d'orientation stipule dans son article premier que « le service public de l'éducation est conçu et
organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances.»
5. Propositions du conseil national des programmes sur l'évolution des lycées, Ministère de l'Éducation
Nationale, 1990, Premier rapport, (opus cité p.4 et 5).
6. La seconde «initiation économique et sociale» regroupe près de 85 % des effectifs de seconde en 1988-
1989. Repères et références statistiques sur les enseignements et la formation, Direction de