À la lueur de l expérience : l école rurale, grave problème - article ; n°3 ; vol.1, pg 247-260
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1946 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 247-260
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A.-V. Jacquet
À la lueur de l'expérience : l'école rurale, grave problème
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 1e année, N. 3, 1946. pp. 247-260.
Citer ce document / Cite this document :
Jacquet A.-V. À la lueur de l'expérience : l'école rurale, grave problème. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 1e
année, N. 3, 1946. pp. 247-260.
doi : 10.3406/ahess.1946.3220
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1946_num_1_3_3220DÉBATS ET COMBATS
A la lueur de l'expérience :
L'ÉCOLE RURALE, GRAVE PROBLÈME
n'en qu' ou humaine nature La nstrument la être Léon distance menace et qui la touchée BRUNSCHVICG, masse de a devient culture réellement- destruction que à qui par démesurée la intérieure, l'espoir science Les accès sauvage. âges de entre est aux de qui confort refusée l'intelligence. secrets est l'avant-garde réduite matériel en de tant la à
Après les brèves heures d'enthousiasme et d'euphorie qui suivirent la
libération, le village a retrouvé son calme. Les réfugiés sont partis ; on
voit moins de citadins en quête de ravitaillement. Les paysans semblent
être redevenus ce qu'ils étaient avant la guerre. On pourrait presque
parler de leur indifférence à l'égard de la vie publique. En réalité, elle les
passionne et les inquiète ; mais ils n'extériorisent pas leurs craintes. Cette
crise économique, dont on ne voit pas la fin, les épouvante sourdement.
Us espéraient un retour â l'équilibre : l'instabilité devient chronique ; lés
produits se vendent bien, mais que valent les billets reçus, en paiement P
Dans ce climat d'incertitude, l'école communale est oubliée et, au
village, il n'est pas question de son avenir. De même qu'il y a une religion
d'habitude avec de tièdes paroissiens, lesquels, dans notre riant Beaujolais,
lâchent, au café, d'énormes plaisanteries rabelaisiennes cinq minutes après
leur sortie de l'église, nous avons une scolarité d'habitude qui suscite peu
d'intérêt.
Au lendemain de la délivrance, le corps enseignant a espéré, lui —
comme avait espéré, un quart de siècle auparavant, la génération à la
quelle il s'est substitué. Seulement, son espérance a été plus brève.
Maîtresses et maîtres perdent leurs illusions et en reviennent aux sombres
jours de l'avant-guerre, où le métier était encore correctement exercé,
mais où la flamme ne brillait plus que par son absence et où l'on s'étour- 248 „ ANNALES
dissait pour oublier le triste spectacle d'une école rurale déclinant sans
arrêt.
Une lumière qui s'éteint ! Cette formule convient bien à chacune de
ces milliers d'écoles qui, après 1880, s'élevèrent, pimpantes et gaies, dans
nos campagnes. Elles eurent alors à leur tète des couples d'un civisme
admirable, d'un dévouement sans bornes. Il en fut de même après l'Affaire,
et, si l'école rurale n'a pas trop décliné après 1914, on le doit aux généra
tions dreyfusiennes (aujourd'hui retraitées) que souleva la passion du bien
public.
1880, 1900 ! Deux grandes dates et deux générations d'esprit très
différent.
Des instituteurs d'après 1880, on ne parlerait pas mal en disant qu'ils
sont des disciples de Michelet. Ils veulent républicaniser les campagnes —
ce qui ne signifie pas seulement qu'ils se proposent de les faire voter «plus
à gauche » et de les détacher de leurs notables. Républicaniser, c'est, pour
eux, humaniser, élargir un horizon resté trop étroit jusqu'à ce jour.
L'école rurale doit l'être de ton et d'allure a dit Félix Pécaut. Sans
doute, et les instituteurs, dans leur enseignement, font une place honor
able à l'agriculture. Le modeste certificat d'études comporte d'ailleurs
une épreuve spéciale d'agriculture qui, un beau jour, disparaîtra — on ne
sait vraiment pourquoi. Souvent l'instituteur d'alors a le plus beau jardin
du village, mais1 là n'est pas son point d'honneur. Ce qui lui tient au
cœur, c'est la morale, l'instruction civique, l 'histoire, les lectures se
prêtant à des commentaires idéologiques. D'une décadence possible de
^l'école rurale, d'une crise de ses effectifs, il n'a pas l'idée. Si, parfois, les
parents hésitent à faire un boursier de leur fils bien doué, il les persuade
que l'enfant doit poursuivre ses études, «. monter en grade », et qu'il
convient, en outre, de républicaniser les services publics encore aux mains
des « ratapoils ». En vérité, l'instituteur de ce temps se tient pour un
clero apportant au village des messages de salut.
Très différents, les instituteurs d'après l'Affaire. Elle leur a révélé la
force des masses ouvrières — et elle les a meurtris quand ils ont vu au
pouvoir les profiteurs de l'héroïsme des autres. Ils sont plus lucides, plus
méfiants que leurs aînés. Il leur semble qu'un enseignement de propa
gande se heurte à des forces puissantes qui le rendent inopérant. Car ils
ont échoué et l'avouent. Je me souviendrai toujours d'un instituteur de
quarante ans, ardemment républicain, à qui les élections municipales,
dans sa commune, avaient apporté d'amères déceptions : il avait vu des
amis qu'ils croyait sûrs lier partie, sans remords, avec des conservateurs
avérés. Il gémissait de cette « trahison » et s'écriait : « Les paysans ne
songent qu'à leur vaches, à leurs cochons et à leurs terres. »
De telles plaintes ne surprenaient pas les jeunes instituteurs de ma
génération, l'Affaire leur ayant appris que les citoyens ne sont pas
toujours, loin de là, ce qu'ils prétendent être. Beaucoup moins sensibles
que leurs aînés aux grands mots et aux effets de tribune, ils doutaient et
critiquaient. Ils se rendaient compte qu'il ne suffit pas à l'Idée de paraître
pour conquérir, et qu'elle ne se transmet pas d'un esprit à l'autre sans L'ECOLE RURALE 249
changement, à la manière d'un louis de la Restauration, que son passage
entre des centaines de mains laisse, un siècle plus tard, louis d'or inaltéré.
En ce temps, ils s'aident donc, dans leur recherche, des Cahier» de
la Quinzaine de Péguy — qu'ils lâcheront de bonne heure — et surtout des
Pages Libres de Charles Guiejsse et du Mouvement socialiste, où ils trou
vent des articles de Georges Sorel, d'Edouard Berth, de Robert Louzon et
de Benedetto Crôce1. Ils découvrent Proudhon, son œuvre et sa corre
spondance. Dans le mouvement ouvrier, ils sont contre les guesdistes à la
Renard, avec les collectivistes comme Griffuelhes, Pouget, Yvetot. Ils
, donnent raison, contre Marx, rétrospectivement, aux admirables militants
rassemblés dans le Jura par Adhémar Schwitzguébel.
Tout cela étant, on ne saurait attacher trop d'importance historique
aux Trois lettres à un instituteur rural qui veut être socialiste, qu'écrivit
en 190З Charles Guieysse dans ses Pages Libres. Le « combisme », alors,
battait son plein. Il y avait un « bloc des gauches », où Jaurès jouait un
grand rôle. Nombre d'instituteurs ruraux se dépensaient à fond pour cette
formation hétéroclite. Très régulièrement, Guieysse, homme de grand
savoir et de haute culture, les mettait en garde contre leur engouement.
« Vous vous égarez, leur disait-il en substance. Ce n'est pas à l'émanci
pation du peuple que vous travaiiJez lorsque vous suivez les radicaux ou
les socialistes parlementaires. » Et, en 190З, après avoir donné les pages
bien connues de Proudhon sur la capacité politique et réelle, et les avoir
opposées à des pages de Quinet, Guieysse, qxii avait le don de la clarté,
révélé par sa magnifique écriture, argumenta ainsi .
« Les paysans actuels n'ont encore réalisé aucune des trois conditions
que Proudhon considère comme nécessaires à la possession de la capacité
politique réelle : ils n'ont pas conscience de leur état social ; ils ne
peuvent élaborer les idées ou les formules dérivant de cette conscience ;
il

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