Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle - article ; n°68 ; vol.20, pg 33-47
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Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle - article ; n°68 ; vol.20, pg 33-47

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Description

Romantisme - Année 1990 - Volume 20 - Numéro 68 - Pages 33-47
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Adeline Daumard
Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise
au XIXe siècle
In: Romantisme, 1990, n°68. Amours et société. pp. 33-47.
Citer ce document / Cite this document :
Daumard Adeline. Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle. In: Romantisme, 1990, n°68.
Amours et société. pp. 33-47.
doi : 10.3406/roman.1990.6124
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1990_num_20_68_6124Adeline DAUMARD
Affaire, amour, affection :
le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle
« C'est un mariage de raison qui a dégénéré en mariage d'amour » \ Sous
une forme caricaturale, cette formule peut être prise comme un symbole des
interrogations de la société bourgeoise sur les rapports entre l'amour et le
mariage.
Au nom des droits de la femme et dans une littérature qui divinisait la
passion, le mariage avait subi de rudes attaques à l'époque romantique. Ces
thèmes n'emportaient pas une adhésion générale, mais ils étaient assez présents
pour être l'objet de commentaires réitérés. Dans le Journal des Débats, par
exemple : Valentine après Indiana « c'est encore une censure hyperbolique et
amère du mariage [...] c'est encore la peinture [...] de cette révolte aujourd'hui si
ordinaire des passions individuelle contre les nécessités de l'ordre social » 2.
Pendant tout le siècle, les romans et le théâtre, les publicistes et les réformateurs
sociaux dénoncent à l'envi le mariage. Sans accuser l'institution, Portalis
condamne les mœurs : on s'inquiète peu « de la conformité des goûts et des
inclinations, de la solidité des principes et de la délicatesse des sentiments
des futurs conjoints », seuls comptent « les calculs pécuniaires et les
satisfactions de la vanité » \ Les mariages, fondés sur l'intérêt, sont présentés
comme porteurs d'immoralité : l'homme délaisse une épouse qui,
sentimentalement, ne lui est rien ; la femme cherche dans l'adultère les
satisfactions qu'elle ne trouve pas dans le commerce légitime des âmes et des
corps. D'aucuns vont jusqu'à présenter cet état de choses comme une tare de la
société française. Ainsi la comtesse d'Agoult, qui sur ce point rejoint Stendhal :
« on ne croit point à l'amour en France, on en rit ; on croit encore moins à la
fidélité conjugale [...] en cette matière les idées des Français diffèrent
complètement du sentiment des Allemands qui s'en indignent, et de celui des
Anglais qui nous ont sur ce point en grand mépris » 4.
En France au XIXe siècle, le mariage restait pourtant une institution
essentielle, un des fondements de la famille et de la société. Sauf pour une portion
minoritaire du prolétariat urbain, les unions régulières étaient nombreuses et
solides. Les séparations judiciaires de biens, les séparations de corps, de fait ou de
droit, les divorces, quand la loi en eut rétabli la possibilité, restaient
exceptionnels. Mais quel en était le support ? Après avoir montré comment
étaient conclus les mariages et quelle part était faite aux sentiments, nous
chercherons à découvrir ce que pouvait être l'amour entre des fiancés de l'époque et
à quoi aboutissait pour les époux la pratique de la vie commune.
ROMANTISME n°68 (1990 - П) Adeline Dawnard 34
Dans les grandes villes, beaucoup de mariages populaires étaient des mariages
de proximité, les futurs conjoints habitant le même quartier, la même rue, parfois
la même maison. Comme les jeunes ouvrières étaient plus libres de leurs
mouvements que les filles de la bourgeoisie, on peut présumer que, dans les
milieux ouvriers, la plupart des époux se connaissaient avant de décider de s'unir
en justes noces. A la campagne, les occasions de rencontre entre enfants et jeunes
gens des deux sexes étaient fréquentes, malgré la surveillance des familles, des
voisins et du curé. Il est donc vraisemblable que, dans le peuple des villes et des
campagnes, les conditions étaient réunies pour que naissent des sentiments
d'attirance mutuelle susceptibles de se transformer en amour. Les intérêts
toutefois n'étaient pas forcément perdus de vue. A l'idylle de La Mare au diable, il
faut opposer les cas nombreux où l'intervention des familles réunissait des
propriétés ou associait la force de travail du futur gendre à la richesse d'une fille
unique, et ceux, encore plus fréquents, où la pression des fiancés et l'âpreté des
familles se conjuguaient pour pousser les parents des deux parties à augmenter la
valeur des dons en nature, trousseau, bijoux, meubles de chambre à coucher
parfois, qui étaient des biens tangibles et aussi un symbole de la position sociale.
Ainsi les souhaits du cœur et les calculs de la raison étaient-ils présents chez les
jeunes campagnards qui s'étaient « fréquentés » avant de se marier. On peut
admettre au contraire que de tels calculs étaient étrangers aux ouvriers qui,
« vivant au jour le jour, n'ayant point d'orgueil, point d'amour propre [...] se
marient sans réfléchir » 5, encore qu'il soit nécessaire d'apporter bien des nuances
à cette image simplifiée.
Dans la bourgeoisie, grande ou petite, dans l'aristocratie, le mariage était
avant tout un « établissement ». Jusqu'en 1914, et bien au delà, le mariage, et
lui seul, assurait à la femme une position dans le monde. Pour un homme, le
célibat était admis, mais se marier paraissait normal et c'était, pour beaucoup, une
étape décisive : « c'est un de ces lendemains qui ne continuent pas la veille, écrit
Rémusat, et qui marquent comme des points distincts de l'existence... [une] de ces
époques décisives qui transportent, il le semble du moins, d'une sphère dans une
autre » 6. Un acte aussi important n'était pas conclu à la légère. Un bon
établissement, selon les normes de la société, devait prendre en compte plusieurs
critères.
L'argent était toujours présent. Une pièce de Scribe, La Charge à payer,
souleva l'indignation de certains commentateurs : « il faut la payer [la charge de
notaire achetée par un jeune homme], et comment ? "Par un mariage, lui dit sa
mère, c'est la règle à présent" [...] M. Scribe fait bon marché de l'amour, de
l'estime réciproque, de la sainteté du mariage » 7. De telles pratiques étaient
effectivement admises. A l'occasion de la transmission d'une charge d'avoué
parisien, sous Louis-Philippe, le rapport présenté au ministre précise que le
candidat ne disposant pas de tout le capital exigé pour l'acquisition trouvera pour
le surplus des « ressources suffisantes dans les bénéfices annuels de l'étude et en
outre dans un mariage convenable » 8. Quelques années plus tôt, on admettait que
le pairie héréditaire de la Restauration était « une valeur fort recherchée. Ainsi,
écrit Rambuteau, je disais un jour à M. Beugnot avec qui j'étais fort lié :
"Comment avez- vous pu faire tant de sacrifices pour une telle vanité ? - Dites des
bassesses, mon cher, des bassesses. Que voulez-vous ? C'est un titre si utile pour
faire une dupe le jour où l'on veut marier son fils." En effet l'héritage de la pairie Le mariage dans la société bourgeoise 35
était coté un million dans toutes les études de notaire » 9. Un dernier exemple.
Jeune ingénieur des Ponts-et-Chaussées, Ernest de Franqueville, un « jeune
homme accompli, élégant et distingué » était fort bien accueilli dans les salons,
mais les jeunes filles à marier et leur mère « devenaient froides comme glace
(c'était son expression) dès que les mamans entrevoyaient quelque arrière-pensée
d'union [car, dit l'une des mères] "je ne tiens pas à l'argent, mais Franqueville n'a
rien et rien c'est trop peu " » 10.
Pourtant la position sociale comptait autant que la fortune. En règle générale,
à en juger notamment par les contrats de mariage signés à Paris, les apports des
époux ou au moins leurs « espérances » (d'héritages à venir), étaient <

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