Angleterre et France au XVIIIe siècle : essai d analyse comparée de deux croissances économiques - article ; n°2 ; vol.21, pg 254-291
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 2 - Pages 254-291
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 63
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

François Crouzet
Angleterre et France au XVIIIe siècle : essai d'analyse
comparée de deux croissances économiques
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 2, 1966. pp. 254-291.
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Crouzet François. Angleterre et France au XVIIIe siècle : essai d'analyse comparée de deux croissances économiques. In:
Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 2, 1966. pp. 254-291.
doi : 10.3406/ahess.1966.421369
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_2_421369et France au XVIIIe siècle Angleterre
ESSA/ D'ANALYSE COMPARÉE
DE DEUX CROISSANCES ÉCONOMIQUES *
Pour l'historien économiste qui s'intéresse au problème-clef de la
croissance, la méthode comparative devrait être particulièrement féconde.
Dans la mesure où sa tâche consiste à analyser le jeu de diverses variables
et à pondérer leurs influences respectives sur l'évolution économique,
la comparaison entre les expériences de plusieurs pays doit élargir sen
siblement son champ d'expérimentation et accroître ses possibilités de
formuler — et de contrôler — des hypothèses. Cependant cette méthode
n'a été utilisée que de façon discursive, à très peu d'exceptions près 1.
Tout en étant conscient de la témérité de l'entreprise 2, on voudrait,
dans ces quelques pages, appliquer un point de vue comparatif au gros
problème des origines de la Révolution industrielle. Chacun sait que
l'Angleterre a été le premier pays à réaliser cette percée technique, et
ceci par ses propres moyens, sans aide extérieure, spontanément. Mais
les interprétations divergent, quand il s'agit d'expliquer l'avance écono
mique, la supériorité technique des Britanniques. En comparant syst
ématiquement l'économie anglaise du xvine siècle à celle d'un autre pays
* Cet article est dérivé de deux conférences prononcées en janvier 1964 à la London
School of Economies and Political Science. Destinées à des étudiants elles avaient
forcément un caractère général et devaient rappeler certaines notions qui sembleront
élémentaires aux spécialistes, ce dont l'auteur s'excuse, en ajoutant qu'il a parfois
forcé consciemment sa pensée, afin de combattre certaines idées reçues. Trop souvent
en effet, les auteurs français surestiment l'avance et le « modernisme » de l'Angleterre,
cependant que les Anglo-Saxons surestiment la stagnation et l'archaïsme français.
Au cours de la préparation de cet essai, des conversations avec P. Deyon, D. S. Landes,
P. Léon, M. Lévy-Leboyer, J. Meuvret ont été extrêmement précieuses, mais leur
responsabilité n'est nullement engagée !
1. Par exemple le brillant essai d'H. J. Habakkuk, American and British Tech
nology in the Nineteenth Century. The Search for Labour-Saving Inventions (Camb
ridge, 1962). Beaucoup moins réussi est С. P. Kindleberger, Economie Growth in
France and Britain, 1851-1950 (Cambridge, Mass., 1964), qui abonde en erreurs.
2. Elle supposerait en effet une connaissance approfondie des deux pays que
nous tentons de comparer. De plus l'analyse est rendue difficile par l'avancement
inégal des études d'histoire économique de part et d'autre de la Manche, ainsi que par
les méthodes et les points de vue assez divergents des deux « écoles » historiques.
254 CROISSANCES COMPARÉES
— et la France, alors la première puissance du Continent, est à cet égard
le meilleur choix — on devrait discerner plus clairement les facteurs qui
sont propres à l'Angleterre et qui pourraient donc avoir déterminé le
phénomène unique qu'est la Révolution industrielle anglaise du
xvme siècle x.
La première remarque qui s'impose est que l'avance de l'Angleterre,
le retard de la France, si évidents quand on se place à la veille de la
Révolution, n'étaient pas alors des faits d'apparition récente ou sou
daine ; le décalage entre les deux pays avait déjà été très net au début
du siècle, disons à la mort de Louis XIV. C'est d'ailleurs dans la longue
durée (en remontant loin dans le Moyen Age) 2, qu'il faudrait considérer
le problème pour parvenir à une explication des contrastes entre les
structures économiques et sociales de la France et de l'Angleterre. Tâche
impossible ici, mais il faut au moins souligner que la conjoncture du
xvne siècle a affecté de façon différente les deux économies, et qu'elle
est en partie responsable du décalage qui les sépare dès le début du
xvine siècle.
Un point de vue voisin a d'ailleurs été présenté, il y a déjà une tren
taine d'années, par John U. Nef, qui est allé très loin dans ce sens, en
affirmant que la raison pour laquelle l'Angleterre avait été le premier
pays à connaître la Révolution industrielle du xvme siècle, était tout
simplement qu'à la différence des autres pays et notamment de la France,
elle avait subi antérieurement une première révolution industrielle, à la
fin du xvie et au début du xvne siècle, si bien que son avance aurait été
acquise presque deux siècles plus tôt qu'on ne le croyait généralement 3.
Mais cette thèse a été fort critiquée du côté britannique, et il n'en reste
pas grand-chose aujourd'hui *. La « première révolution industrielle »
1. En réfléchissant sur ce thème, il est souvent commode (mais en un sens non-
historique) de poser la question inverse : pourquoi la Révolution industrielle ne s'est-
elle pas produite en France ?
2. Pour souligner par exemple le rôle de la laine dans l'histoire de l'Angleterre ;
la production, le commerce et l'industrie de cette fibre ont de bonne heure intégré le
pays dans l'économie internationale et stimulé l'essor du capitalisme.
3. J. U. Nef, « A Comparison of Industrial Growth in France and England from
1540 to 1640 », Journal of Political Economy, XLIV, n° 3, 4, 5, juin, août, oct. 1936,
pp. 289-317, 505-533, 643-666 ; voir aussi du même auteur : « The Progress of Techno
logy and the Growth of Large-scale Industry in Great Britain, 1540-1640 », Economic
History Review, V, n° 1, octobre 1934, pp. 3-24 ; « Prices and Industrial Capitalism
in France and England, 1540-1640 », Ibidem, VII, n° 2, mai 1937, pp. 155-185 ; « L'in
dustrie et l'État en France et en Angleterre (1540-1640) », Hevue Historique, CXCI,
n° 1 et 2, janv.-mars et avril-juin 1941, pp. 21-53, 193-231.
4. Voir notamment D. С Coleman, « Industrial Growth and Industrial Revolut
ions », Economica, N.S., XXIII, n° 89, fév. 1956, reproduit dans E. M. Carus-Wil-
son, Edit., Essays in Economic History, III (Londres, 1962), pp. 345-347 ; Id., « Tech-
255
Annales (21e année, mars-avril 1966, n° 2) 2 ANNALES
anglaise a existé surtout dans l'imagination de J. U. Nef, qui a grave
ment surestimé la signification de quelques innovations techniques, de
la croissance forcément rapide d'un petit nombre d'industries nouvelles
(dont, à l'exception de celle du charbon, le rôle était tout à fait mineur —
alors qu'il négligeait la lenteur de la croissance de la grande industrie
lainière), et enfin de quelques cas non- représentatifs de gigantisme dans
l'organisation des entreprises *.
J. U. Nef a cependant eu le mérite de souligner l'importance de
l'augmentation rapide de la production et de la consommation du char
bon en Angleterre pendant le siècle qui a suivi 1540, et son influence sur
le progrès technique ; elle a en effet provoqué la mise au point et l'adop
tion de certaines techniques entièrement nouvelles, inconnues sur le
Continent, tels que des fours chauffés à la houille ou au coke. Cette adop
tion précoce des combustibles minéraux donna un élan à l'esprit d'inven
tion, élan qui devait être durable et qui était absent en France 2. D'autre
part, il semble bien que, comme Nef l'a affirmé, la production indust
rielle augmenta plus rapidement en Angleterre qu'en France entre 1540
et 1640 et qu'à cette dernière date nos voisins l'emportaient en termes
absolus pour la production minière et métallurgique, et avaient

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