Rencontres nationales de la pr vention des d chets19 et 20 octobre 2005APPRENDRE A CONSOMMER MIEUX, POUR PRODUIRE MOINS DE DECHETSUn point de vue d€lu localFrancis CHALOT, maire de Janville sur Juine (maire.janville@wanadoo.fr)Vice-pr€sident du SIREDOM (91)Aujourdhui, chacun admet volontiers que lautorit€ publique locale sensibilise ses administr€s sur les grands enjeux environnementaux. Rien d€tonnant ‚ ce ’ int€gre, notamment dans sa communication institutionnelle et politique, des informations de port€e plan€taire relatives aux menaces sur la disponibilit€ des ressources naturelles, aux limites de la croissance €conomique ; voire ’ diffuse quelques messages plus proches et directs utilisant de nouveaux outils, comme ƒ l€empreinte cologique € dune agglom‚ration.On attend delle aussi ’ montre lexemple du ƒ consommer mieux „, dans sa propre politique dachats publics, lors des manifestations ’ organise et au travers du fonctionnement courant de ses services. L€volution de la demande de gros prescripteurs publics sera effectivement un des moyens dinduire celle de loffre des producteurs et des distributeurs. Et lexemplarit€ est, de toutes fa…ons, un vecteur et une condition incontournables pour essaimer la d€marche pr€ventive parmi le grand public. Mais, partant de la gestion des r€sidus urbains, qui est du ressort l€gal des Collectivit€s Locales, au moins depuis 1975, il peut para†tre nouveau, surprenant, si ce nest inqui€tant (pour les ...
Rencontres nationales de la prvention des dchets 19 et 20 octobre 2005
APPRENDRE A CONSOMMER MIEUX, POUR PRODUIRE MOINS DE DECHETS
Un point de vue d’lu local
Francis CHALOT, maire de Janville sur Juinemaire.janville@wanadoo.fr) Vice-prsident du SIREDOM (91)
Aujourd’hui, chacun admet volontiers que l’autorit publique locale sensibilise ses administrs sur les grands enjeux environnementaux. Rien d’tonnant ce qu’elle intgre, notamment dans sa communication institutionnelle et politique, des informations de porte plantaire relatives aux menaces sur la disponibilit des ressources naturelles, aux limites de la croissance conomique ; voire qu’elle diffuse quelques messages plus proches et directs utilisant de nouveaux outils, comme l’empreinte cologique d’une agglomration.
On attend d’elle aussi qu’elle montre l’exemple du consommer mieux, dans sa propre politique d’achats publics, lors des manifestations qu’elle organise et au travers du fonctionnement courant de ses services. L’volution de la demande de gros prescripteurs publics sera effectivement un des moyens d’induire celle de l’offre des producteurs et des distributeurs. Et l’exemplarit est, de toutes faons, un vecteur et une condition incontournables pour essaimer la dmarche prventive parmi le grand public.
Mais, partant de la gestion des rsidus urbains, qui est du ressort lgal des Collectivits Locales, au moins depuis 1975, il peut paratre nouveau, surprenant, si ce n’est inquitant (pour les acteurs de la production et de la distribution) de voir des lus locaux tenir dsormais un discours et prendre des initiatives, en amont, vis vis de la grande consommation, s’immisant un peu plus dans la sphre des choix privs.
Les collectivits locales actrices de la grande consommation
Avec l’mergence de l’approche prventive, priorit enfin reconnue par la Loi de 1992, et que ces lus locaux s’approprient peu peu , on voit pourtant bien apparatre de plus en plus de guides des bonnes pratiques directement dits ou soutenus financirement par les communes et les EPCI eux-mmes, au titre de leur comptence dchets. Et les conseils formuls dans ces guides vont, avec plus ou moins de tmrit, jusqu’ prendre position critique l’encontre de certains types de produits et/ou d’emballages, de certaines formes de vente, peu soucieux des dchets engendrs ni de l’environnement en gnral. Sans prendre tout fait la forme d’un appel au boycott, c’est quand mme une intrusion indite de l’autorit locale dans le jeu du commerce, suggrant des discriminations tant positives que ngatives au 1 moment de l’achat .
Sortent-ils ainsi de leur domaine de comptence ? Ou l’poque n’est-elle pas depuis 2 le dbut des annes 90 une certaine fusion de ces comptences , la reconnaissance en fait
1 Jacques PELISSARD lana, il y a quelques annes, cette formule bien propos de tri l’achat . 2 l’arrive des Communauts de Communes et d’Agglomration, ayant une vision moins trique de leurs domaines de comptence, est aussi ici un facteur d’volution.
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d’une co-responsabilit rciproque et interactive des diffrents acteurs, par rapport la question des dchets ?
Il aura ainsi fallu une grosse dcennie pour que la boucle des responsabilits soit boucle. En effet, au dbut des annes 90, ce sont eux, les lus, qui avaient d’abord interpell les industriels sur le rle que ceux-ci devraient dsormais assumer quant aux dchets des emballages de leurs produits. Rvlatrice d’une profonde volution de la consommation en gnral, la vritable explosion des dits emballages dans nos poubelles proccupait d’autant plus nos diles chargs d’en assurer l’limination… qu’ils constataient alors n’avoir aucun moyen d’agir la source!). Qui, comment, pourquoi avait-on lentement et (la vraie subrepticement fait disparatre la consigne, donn tant de place aux plastiques (et particulirement, l’poque, ce foutu PVC…), multipli les suremballages, les vides trompeurs, les formes inutilement tarabiscotes de tant de boites et de flacons gadgets destins plus attirer l’œil, le sduire, qu’ protger le contenu ?
Douze ou treize ans plus tard, et quelques co-organismes ou leurs avatars plus loin, la Responsabilit Elargie des Producteurs chemine, mais ses avances comme ses limites actuelles, amnent cette fois les lus locaux dire au secteur conomique non seulement vous tes responsables du devenir de vos produits en fin de vie (car il ne s’agit plus seulement des emballages), mais aussi nous avons nous-mmes notre mot dire sur toutes les tapes de cette vie (conception, fabrication, commercialisation, consommation). C’est une volution 3 logique : l’heure est aussi venue de la Responsabilit Elargie des Elus Locaux, en complment de la Responsabilit Elargie des Consommateurs.
Accompagner les administrs vers une alter-consommation
S’il s’agit, pour ces derniers, d’APPRENDRE consommer mieux, les pouvoirs publics locaux ne sont-ils pas typiquement dans leur rle d’ducation populaire, au sens le plus noble du terme ? Un domaine d’intervention naturel pour la collectivit, en partenariat avec les associations du secteur, et particulirement ces associations familiales, qui font le lien avec le consumrisme. A l’heure de ce dveloppement qu’on dit durable, et qui se propose de mettre en troite synergie les proccupations environnementales, conomiques et sociales, le renouveau de fonctions comme celles de conseillre(er) en conomie sociale et familiale est ainsi plus que jamais d’actualit. Eco-conseiller, ambassadeur du tri, aujourd’hui, et bientt de la consommation raisonne, matre composteur…autant de comptences et d’emplois nouveaux, qui rejoignent peu ou prou le mme objet : celui d’apporter aux citoyens les conseils pratiques d’une conomie domestique vitant les gaspillages, prservant l’environnement et ses richesses et permettant une gestion avise des ressources du foyer. Que ce soit en matire d’conomie des consommations d’eau ou d’nergie, cette approche a dj fait ses preuves.
Je ne suis pas assez riche pour me permettre de gaspiller devrait d’ailleurs tre une formule vidente pour nombre de nos concitoyens, dont les conditions de vie sont plus difficiles. Et pourtant, ne constate t-on pas que, par manque de capacit financire immdiate notamment ( un dficit d’ducation et une certaine alination par la publicit tant d’autres raisons...), ce sont souvent ces gens l qui se trouvent condamns acheter de la moins bonne qualit donc du moins durable, et renouveler plus souvent ? Et sur le long terme, ils risquent
3 dans cet univers des dchets, qui adore les sigles et les acronymes, adoptons d’emble ce nouveau venu : vive la R.E.E.L. !
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de devenir ainsi les double perdants du systme de consommation. La comparaison avec la consommation d’nergie est d’ailleurs l aussi significative : les foyers en difficult doivent (tant qu’ils le peuvent...) dpenser plus en lectricit au jour le jour, parce que l’investissement dans un quipement de chauffage plus efficace et conome reste hors de leur porte. L’lu se demande alors comment intgrer ces considrations dans les critres et les mcanismes de l’aide sociale, afin que celle-ci s’inscrive dans la dure et soit cohrente avec les proccupations environnementales.
Une rflexion indissociable de celle concernant le mode de financement de la gestion des dchets : faut-il continuer dfendre la T.E.O.M., malgr son caractre illogique et si peu incitatif, au prtexte qu’elle peut avoir, de faon tout fait annexe et drobe, un effet de redistribution (les foyers aiss disposant d’un logement forte valeur locative contribuent davantage... qu’elle que soit leur production effective d’ordures) ? Ou faut-il rechercher d’un cot (contribution la gestion des dchets) comme de l’autre (prise en compte des disparits sociales) des dispositifs plus cohrents, plus transparents et plus responsabilisant ?
Des objectifs, et des bnfices, qui dpassent la gestion des dchets
Dans ma petite commune, l’chelon local de l’U.D.A.F. s’intitule association cantonale familiale d’entraide sociale. Ces derniers mots paratront d’aucuns suranns, mais tmoignent au contraire de valeurs et de proccupations qui conservent toute leur modernit et recoupent cette nouvelle approche de la consommation raisonne et de la gestion durable des dchets. Ils font cho des formules beaucoup plus rcentes et innovantes, auxquelles l’lu local ne peut tre indiffrent sur le territoire et au sein des populations dont il a la charge : rseaux d’changes de savoir, systmes d’changes locaux...
Au del des plus dfavoriss, c’est en effet l’ensemble des administrs qui exprime aujourd’hui, de faon plus ou moins consciente et explicite, mais combien relle, ses attentes selon trois axes essentiels : un renforcement du lien social, une ouverture des espaces de libre choix, et un dveloppement de l’autonomie. Or, les alternatives que la collectivit peut proposer, mettre en oeuvre ou soutenir localement pour prvenir l’apparition de dchets (prvention quantitative) et les difficults qu’ils engendrent (prvention qualitative) reposent autant sur ces trois dimensions qu’elles ne les favorisent.
Mais sans doute faut-il un peu prciser, ce stade, ce que l’on entend sous le terme de consommation. Il ne s’agit pas seulement de l’acquisition en elle-mme de biens matriels, auquel on la rduit trop souvent, mme si l’acte d’achat est bien videmment dcisif (au travers du choix qui le dtermine...et qui peut orienter diffremment la dite consommation et ses consquences). La consommation concerne galement des services, plus immatriels mais tout aussi gnrateurs de dchets. Mais surtout le consommer mieux recouvrira aussi les tapes qui suivent, c’est--dire les pratiques d’usage et de fin d’usage des biens acquis (ou inhrents aux services consomms). Faire bon usage, prendre soin, user avec parcimonie (utiliser / user utile), garder l’esprit que nombre des biens que nous possdons sont avant tout des outils (ustensiles, utiles…), plutt que des consommables, entretenir, rnover, retaper, sont autant d’attitudes d’une consommation raisonnable et qui, comme le choix des produits achets, ne dpendent que de nous.
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Gagner en autonomie
Faites le vous-mmes !. Voil bien d’ailleurs un des conseils privilgis pour ouvrir au citoyen-consommateur quelques perspectives trs concrtes de prvention des dchets sa porte, dans son quotidien, et rpondant ainsi sa recherche probable de davantage d’autonomie, face un environnement de plus en plus vcu comme contraignant, standardis, 4 si ce n’est liberticide . Comme l’ensemble de la prvention des dchets, le faire soi-mme se dcline tant au stade de la consommation qu’ celui du rejet : auto-produire certains biens qu’on souhaite consommer plutt que les acheter tout faits ; auto-revaloriser (lorsque c’est possible) certains produits en fin de vie. Idalement, les deux s’enchanent et se confortent : si je prpare mes propres plats partir des produits du march, cueillis la ferme ou dans mon jardin…puis que j’en composte pluchures et autres reliefs, afin de produire un terreau utile ce mme potager.
L’auto-production limite videmment bien des emballages. C’est peut-tre moins sr (quoique…) pour ce qui est de tous les dchets de transformation en amont ( les industries, agroalimentaire ou autres tant mme de dvelopper technologies propres et cologie industrielle pour leurs rsidus). Par contre, aucun doute quant la diminution des autres externalits dues aux longs circuits industriels, commencer par l’impact des transports : chacun connat dsormais le priple pique ( 8 000 km !) du yaourt industriel et de ses diffrents composants travers le monde, depuis le pis de la vache jusqu’ notre table. Il nous appartient de promouvoir (de subventionner qui sait ?) les yaourtires, outils combien modernes, vitant tous ces gaspillages, le cavalier de sur-emballage et rutilisant indfiniment les mmes pots de verre. Et que dire de la rustine et de sa colle, pour que mes enfants rparent eux-mmes la chambre air de leur VTT… plutt que de perdre du temps et de l’argent aller en acheter une neuve !
Le bilan de la gestion autonome des dchets
BENEFICES
- conomie financire
- qualit de vie (qualit des produits, bien tre- sant, plaisir, loisir…) enrichissement personnel
- environnement prserv
CONTRAINTES
- disponibilit de temps
- ncessit d’un savoir faire (r-apprendre faire soi mme)
Bnfique pour l’environnement plusieurs titres, l’autonomie est galement source d’conomie pour le budget familial, une conomie qui peut tre affecte pour compenser l’achat de matires premires de meilleure qualit : si je fais moi-mme mes yaourts, ne puis-je
4 sujet de vives polmiques sous l’angle socio-conomique, le libralisme ne fait-il pas consensus dans sa version individuelle, libertarienne ?
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pas me payer du lait bio…sans que cela ne me cote plus cher au final ? Et puis, sous rserve d’apprentissage et de ttonnements successifs, je devrais parvenir faire des yaourts qui soient exactement selon mon got !
Les possibilits d’auto-production concernent bien, au premier chef, cette alimentation : 5 6 faire ses yaourts, ses confitures, son vinaigre, ses plats , ses ptisseries, si ce n’est son pain de temps autre, mettre son vin en bouteilles…A chacun d’imaginer d’autres applications que ce soit ici, dans l’habillement (tricot, couture…) ou d’autres domaines (tout ce qui se prte au bricolage, aux jeux et jouets, et aux cadeaux en gnral). Avant Nol 2004 Yves CONTASSOT, pour la Ville de Paris, suggre cet gard quelques cadeaux dmatrialiss. Il ouvre une piste de prvention fructueuse, mais qui sera lgamment complte par celle de la production autonome de cadeaux ( et pourquoi pas partir d’objets ou matriaux rcuprs, dtourns…). Sans compter, comme le dit fort justement Xavier 7 BEAUDOIN, que le plus beau des cadeaux qu’on puisse faire aujourd’hui ses proches…c’est souvent de leur accorder du temps.
Ressource immatrielle, le temps sera d’ailleurs l’obstacle que bien des interlocuteurs nous opposeront. Je n’ai pas le temps de faire moi-mme, et particulirement cette satane cuisine ! Avec comprhension, proposons justement nos contemporains stresss de rcuprer, chaque fois que c’est possible, un peu d’emprise sur leur temps : mme et parce qu’ils courent toute la semaine, acculs au fast food, ne devraient-ils pas profiter des week-end, des vacances, pour jouir des quelques loisirs restant et prendre le temps de prparer de bons plats, avec leur compagnon, leur compagne, leurs enfants. Mme si c’est pisodique, invitons-les partager un instant la philosophie du trs mdiatique Jean Pierre COFFE, qui souligne lui mme dans son dernire ouvrage de conseils culinaires qu’ on achte trop et on jette trop.
Redonner du choix, offrir le loisir d’viter des dchets.
Mais puisqu’il s’agit d’autonomie, il est clair que c’est chacun selon ses possibilits et ses envies. Cette dimension du libre choix est centrale dans la dmarche prventive et dans l’apprentissage d’une autre consommation. Le pouvoir de choisir dans son quotidien constituera n’en pas douter une motivation dcisive. Nul ne conteste dsormais que la mutation du tri la source se soit impose avec succs dans la population et ses comportements. Elle n’en laisse pas moins, souvent, un sentiment d’obligation, d’effort, 8 accept mais contraignant . L’exercice du choix de consommation (au sens large) considr comme un levier prpondrant de l’vitement des dchets vient aujourd’hui opportunment redonner un peu d’air, de libert, de latitude, dans l’implication citoyenne en matire de gestion des dchets.
Paradoxalement, derrire l’abondance de ce qui lui est prsent sur les linaires, l’acheteur n’a peut-tre plus autant l’impression que cela de disposer de vritables espaces de
5 le conglateur, dnigr par certains cologistes radicaux, se positionnant alors comme un bon assistant de prvention des dchets… pour autant qu’il ne serve plus seulement stocker des surgels tout prts emballs. 6 quel dsespoir, un jour de chandeleur, de ne plus savoir faire soi-mme des crpes avec ses enfants…et de les acheter, fadasses, sous un pochon plastique ! 7 formateur en dveloppement soutenable, tl + fax : 01.69.44.27.54 8 certains tentrent de positiver en expliquant qu’il s’agit plutt de non mlange que de tri ; mais la formule tait moins sexy que le plonasmique tri slectif …
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choix. L’omniprsence du formatage publicitaire, le mimtisme des produits d’une marque l’autre, cet a priori dj voqu, entretenu et favoris par les professionnels, selon lequel il faut assurer au client, qui n’a que quelques secondes y consacrer, un achat express… tout pousse cette interrogation : il y a du choix, mais a t-on le choix ?. Il faut considrer, cet gard, ces nouvelles pratiques de consommation (ce que certains appellent dj alter consommation ; le recours parallle au hard discount et au commerce de luxe ; l’engouement pour le march d’occasion dans l’entreprise entre collgues, la brocante du village ou sur le Net…) que d’aucuns jugent quelque peu cheveles.
Oui, en vrit, le choix existe, y compris dans la Grande Distribution, et au bnfice potentiel d’alternatives engendrant moins d’emballages et de rsidus. C’est le plus souvent l’information qui manque, le consommateur tant volontiers canalis par tant de suggestions marketing…sauf celles qui ont trait l’environnement (voir la discrtion dans laquelle sont confins NF Environnement ou l’colabel europen). En Wallonie, et peu peu de ce cot ci 9 du Quivrain (Lille, Dunkerque), l’association Espace Environnement dveloppe en partenariat avec de grandes enseignes transnationales et les collectivits locales un tiquetage qui suscite, dans le linaire mme, l’attention et la rflexion du client sur les consquences de ses choix en termes de dchets et sur les alternatives dont il dispose.
10 En aval, le compostage intitul, tort , individuel s’avre surtout autonome et volontairecela, la collectivit ne vous l’imposera pas : ; la question est plutt de vous y intresser, de vous le faire partager, de l’inscrire en un mot parmi vos loisirs, au mme titre que jardinage et bricolage, ces deux mamelles de la prvention. L’opration STOP PUB, aussi, au del de ses imperfections institutionnelles et des dnigrements qu’elle suscite ici ou l, est particulirement instructive sur ce plan. Pour revenir mon village, plus d’un quart des foyers janvillois, que j’avais prpars depuis quelques temps la dmarche, ont demand avec empressement le petit auto-collant ds qu’il fut disponible : comparer aux misrables 5% de personnes intresses, dont se prvalait la F.C.D. aprs de trs srieuses enqutes ! J’avais galement contact d’emble l’ensemble des directeurs des grandes surfaces du secteur, gnralistes et spcialises, qui ont tous rpondu favorablement ma proposition de partenariat ( sur la base de l’argument suivant : en imposant un prospectus quelqu’un qui n’en veux pas, vous tes doublement perdant : vous contrariez ce client potentiel…et vous gaspillez de l’argent). Si bien qu’interrogs six mois plus tard, plus de 90% des habitants 11 ayant appos le fameux autocollant soulignaient son efficacit…et leur entire satisfaction.
Tout cela pour dire que l’essentiel est bien de permettre aux gens d’exprimer et de faire respecter leur volont d’en recevoir ou non, n’en dplaise tous ceux qui privilgient 12 l’autre volet, certes important, de cette affaire, savoir la taxation . Car si on en reste une approche seulement financire, on oublie cette dimension d’expression d’un choix et d’une libert, et on risque mme l’effet pervers qui consisterait montrer au citoyen, non seulement qu’il ne peut pas dire je n’en veux pas, mais qu’en plus le systme lui fera payer, in fine,
9 www.espace-environnement.be 10 il peut tre plus collectif: voir l’association GESPER (de Roger PROIX) 6, rue Lavoisier Z.I St Christophe 04000 DIGNE - Tl: 0492343354www.compostage-proximite.com. 11 quelques dtails prs infimes et solubles (dont la diffusion des journaux institutionnels…dont on a tant parl ! et le regret, plus pittoresque, de ne plus recevoir les catalogues de jouets Nol). 12 voir ce que j’crivais dj ce sujet dans le “Livre Blanc de la Prvention , publi par F.N.E. en 2001, en ligne surwww.preventiondechets.fr
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comme consommateur, une taxe destine couvrir les cots d’limination de ces prospectus non voulus. Un comble !
Concernant les gestes de la prvention, ces conseils dont les guides, on l’a vu, se multiplient, de la Fondation Nicolas HULOT, au WWF en passant par tel ou tel SICTOM, l’esprit doit tre le mme : proposer, ne rien imposer, et proposer une gamme de solutions, qui permettent chacun d’ajuster son propre degr d’investissement dans la dmarche collective de prvention. Pratiquement tous les gisements d’vitement potentiel se prtent cette graduation des interventions. Prenons juste l’exemple de l’alimentation de petits appareils lectriques (jeux, radios, clairage vlo…): - si j’utilise des piles perdues, le minimum est de les rapporter au magasin pour les dtourner du flux des ordures; - un pas plus loin, je passe aux accumulateurs rechargeables qu’a fortiori je ramne aussi en fin de vie – Cadmium oblige – aprs le plus grand nombre possible de cycles (le chargeur est rapidement amorti, pour autant que j’en use correctement) ; - ensuite, selon l’usage et les possibilits, je peux m’orienter vers un cordon d’alimentation sur le secteur, une recharge mcanique par dynamo ou l’achat d’appareils dots d’une alimentation photovoltaque (voir la gamme des produits Freeplay). Faites votre choix…et rien ne vous empche d’avancer progressivement.
Renouer des liens
Pour revenir au compostage autonome, on sait dj que l’essentiel ne s’arrte pas au fait de doter le plus grand nombre possible de foyers possdant un jardin de petits silos en bois ou en plastique recycl. Les pratiques traditionnelles de compostage en tas mritent aussi d’tre encourages ; on peut diffuser un plan permettant de fabriquer son propre composteur ; et surtout, sans apprentissage, suivi ni entretien du comment faire, l’opration risque de faire long feu. L’importance de cet accompagnement a souvent conduit la mise en action de ces matres composteurs , dont on a parl plus haut. Mais ceux-ci peuvent trs bien maner du vivier local des personnes, jardiniers amateurs, anciens, qui disposent dj d’un savoir dans ce domaine.
Ainsi, tout bon projet de compostage autonome doit commencer par l’inventaire puis le contact avec les associations existantes de jardinage (jardins ouvriers, familiaux, de la SNCF…). Les ignorer serait se priver btement d’une ressource, voire vexer des partenaires qui n’attendent qu’ tre reconnus, utiliss ou relancs. Chez moi, c’est l’occasion de la brocante annuelle du village, et du troc de plantes qu’organisaient les Jardiniers de France, que les dmonstrations de compostage ont commenc se faire. Aujourd’hui prs de 25% de la population, l aussi, l’a adopt et nos quantits de dchets par habitant baissent…
Mais le projet prventif prend alors une dimension qui dpasse largement la seule gestion des dchets : il s’agit de lien social, de rencontres intergnrationnelles, d’intgration des populations. Quel lu, notamment pri-urbain, ne verrait pas l’intrt d’une opration o les anciens de la commune transmettent leur got et leur pratique du compostage aux bobos nouvellement arrivs, ptris de discours et de bonnes intentions colo, mais n’y ayant jamais mis les mains ? S’il est avide d’autonomie, notre contemporain est aussi demandeur de liens et d’changes. Et pratiquement toutes les pistes concrtes de la prvention des dchets reclent des opportunits de ce genre : troc, partage, rseaux… Face l’abandon, fait gnrateur du
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dchet pour le juriste, allons jusqu’ dire qu’il y a l toute une culture du don ractiver : le don, plutt que l’abandon.
Il s’agit de re-lier les personnes, mais galement de re-lier les politiques publiques locales, entre elles, afin de leur donner davantage de cohrence, de sens (tant pour ceux qui les mettent en œuvre que pour leurs destinataires), et donc plus d’efficacit. Au sentiment de contrainte, qui transpire de notre socit (voir plus haut), s’ajoute aussi celui d’un cloisonnement pesant. La prvention des dchets, le dialogue local propos d’une autre consommation permettent et ncessitent d’y ouvrir des brches. D’ailleurs, c’est probablement avec d’autres acteurs que ceux qui se sont fait depuis longtemps une spcialit des dchets 13 (qu’ils soient techniciens, lus…ou associatifs ) que le dfi de la prvention franchira le cap de la russite.
Un autre exemple concret, riche d’enseignements et qui retraverse tout ce qui vient d’tre nonc : celui du dispositif imagin par les petites communes du Syndicat Vocation Multiple de Chef Boutonne, dans les Deux-Svres, concernant les dchets des salles communales o se droulent mariages et autres ftes dominicales. Un double tarif a t institu : libre vous d’utiliser de la vaisselle jetable, mais vous payerez plus cher, eu gard aux dchets engendrs. Alternativement on vous propose un tarif infrieur lorsque vous avez recours de la vaisselle en dur et durable… et pour tre logique jusqu’au bout, il vous est aussi indiqu des personnes prtes assurer le service de lavage au lendemain des agapes. Ou comment concilier limitation des dchets et emplois de proximit avec, la clef, un petit 14 mcanisme d’incitation financire local et malin .
Recueillir et valoriser les propositions des acteurs de terrain.
Complmentairement aux trois principes qui viennent d’tre illustrs (autonomie, libert et lien), le rle de la collectivit locale se justifie enfin par la capacit qu’elle peut avoir, par proximit, recueillir justement les bonnes ides et propositions des acteurs eux-mmes. Beaucoup de nos concitoyens ( commencer par les entreprises locales) sont des Messieurs JOURDAIN, qui font de la prvention sans le savoir (par bon sens, habitude, souci d’conomie, refus du gaspillage…). Sachons rvler et valoriser leurs pratiques.
Mme avec la libert de faire ou pas, telle qu’on l’a nonce, des conseils de consommation qui viendraient trop exclusivement d’une autorit suprieure, aussi locale soit-elle, auront certainement moins d’cho que si certaines, au moins, de ces suggestions partent de la base. Leur adaptation, leur pertinence et, au final, leur appropriation ont alors plus de chance de se confirmer. L’attente (encore une !) de nos concitoyens est aussi de s’exprimer, de contribuer, d’tre force de proposition et d’action pour amliorer leur environnement immdiat et plantaire. On regrette souvent, et non sans raison, un certain consumrisme civique. Il peut tre contrebalanc par des dmarches participatives dans ce domaine.
A Havelange, chez nos amis belges de nouveau, les ateliers pralablement organiss au sein de la population pour laborer le programme local de prvention ont ainsi fait merger
13 malgr la belle nergie dploye par l’quipe du rseau dchets de F.N.E., on croise encore trop d’environnementalistes engoncs dans des postures d’opposition exclusive, et mme plus incrdules que quiconque vis vis des possibilits prventives. 14 un projet d’incitation positive, au travers d’une carte d’achat, rcompensant les choix et pratiques les plus favorables l’environnement, est aussi en chantier dans ce dpartement, en partenariat avec la C.C.I.
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nombre de propositions, aussi ponctuelles et minimes soient-elles, mais clairement assumes par leurs auteurs. La plus pittoresque est peut-tre celle avance par des personnes ges qui, chagrines de voir leur simple tranche de jambon ou de steak hach systmatiquement enrobe de plusieurs papiers et pochettes en plastique, proposrent, avec l’accord des commerants concerns, de venir en courses avec une boite Tupperware dans leur cabas. Ou comment re-considrer cette question du fractionnement des achats (personnes seules, portions individuelles…) avec une optique durable…en oubliant un instant l’extrmisme sanitaire.
Du consommer mieux au consommer moins , un cheminement oblig.
Arriv ce stade de mon plaidoyer pour une meilleure consommation, et sur l’interventionnisme souhaitable des collectivits locales pour y tendre, il n’est pas rare que quelqu’un m’interpelle et me dise alors (sur un ton qui peut aller de la clairvoyance hostile l’encouragement sympathique) : pourquoi n’allez-vous pas jusqu’au bout du raisonnement, en annonant clairement que, pour avoir durablement moins de dchets l’chelle mondiale, il faudra produire et consommer moins, pas seulement mieux ?.
Le message est certes difficile quand les politiques, pratiquement tous confondus, ne cessent de proclamer comme une vidence la ncessit ( pour l’emploi, le dveloppement, le 15 progrs…) d’une croissance toujours soutenue, et relancer sans cesse .
On pourra bien sr aller chercher dans les nouveaux concepts de dmatrialisation et d’conomie fonctionnelle quelques passerelles facilitant ce passage du mieux au moins. Pour autant, personne ne peut raisonnablement imaginer que tous les habitants venir de cette plante puissent un jour consommer comme et autant que l’europen, et a fortiori l’amricain, moyen. Le prlvement des ressources, comme l’impact des dchets en seraient insupportables. Optimisations et recyclages n’y suffiront pas. Et qui prtendra s’en remettre d’hypothtiques avances scientifiques et technologiques salvatrices ?
Comme on ne peut thiquement admettre le postulat d’une profonde et ternelle ingalit (si tant est, d’ailleurs, qu’elle soit stratgiquement tenable…), et que le gteau n’est pas extensible, seule un re-dcoupage des parts parat crdible. Et pour qu’il soit moins douloureux, n’avons nous pas intrt engager ds prsent ce chantier du mieux et moins consommer ?
15 l’ditorial du dernier numro de la trs srieuse revue Annales des Mines ( “Responsabilits & Environnement” de juillet 2005 ose pourtant ? Certainement, mais aussi moinsMoins produire de dchets produire, tout court.