Après la publication de notre thèse de 1997 consacrée à gloria et laus , après notre article issu
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arma arma, -orum nt. substantif Jean-François THOMAS Arma présente un double problème de polysémie et de synonymie. Sa signification ne se résume pas à celle du fr. armes et il a des emplois aussi hors du domaine militaire, tandis que dans ce champ lexical, il entre en relation avec exercitus. Le mot est attesté dès les premiers textes et durant toute la latinité. 5. Description des sens du lexème et évolutions sémantiques 5.1. Sommaire “ armes ”, “ équipement ”, “ armée ”, “ guerre ” 5. 2. Développement La polysémie s’organise selon des relations de nature différente entre des sens bien distincts. 1. Deux emplois à la fois distincts et proches Le substantif désigne bien sûr les armes, mais aussi d’autres objets qui ne servent pas à l’action militaire. 1. 1. “ Armes ” Arma se dit des armes défensives en face de tela usité pour les armes offensives, comme l’illustre ce passage de Liv., 1, 43, 2 : arma his imperata galea, clipeum, ocreae, lorica … haec ut tegumenta corporis essent ; tela in hostem hastaque et gladius “ leurs armes réglementaires étaient, comme armes défensives (arma) …, le casque, le bouclier rond, les jambières et la cuirasse ; comme armes offensives (tela), la lance et l’épée ” (trad. G. Baillet). Cette distinction, assez souvent observée (Bel. Alex. 9, 3 ; Sall., Catil. 51, 38 ; Ov., Met. 11, 382 ; Verg., Aen. 10, 841 ; Liv., 10, 4, 2 ; Tac., Hist. 4, 46, etc.), se retrouve dans toute une tradition philologique (Paul ...

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Langue Français

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arma
arma, -orum
nt. substantif
Jean-François T
HOMAS
Arma
présente un double problème de polysémie et de synonymie. Sa signification ne se résume pas à
celle du fr.
armes
et il a des emplois aussi hors du domaine militaire, tandis que dans ce champ lexical, il entre
en relation avec
exercitus.
Le mot est attesté dès les premiers textes et durant toute la latinité.
5. Description des sens du lexème et évolutions sémantiques
5.1. Sommaire
“ armes ”, “ équipement ”, “ armée ”, “ guerre ”
5. 2. Développement
La polysémie s’organise selon des relations de nature différente entre des sens bien distincts.
1. Deux emplois à la fois distincts et proches
Le substantif désigne bien sûr les armes, mais aussi d’autres objets qui ne servent pas à l’action militaire.
1. 1. “ Armes ”
Arma
se dit des armes défensives en face de
tela
usité pour les armes offensives, comme l’illustre ce passage de
Liv., 1, 43, 2 :
arma his imperata galea, clipeum, ocreae, lorica … haec ut tegumenta corporis essent ; tela in
hostem hastaque et gladius
“ leurs armes réglementaires étaient, comme armes défensives (
arma
) …, le casque,
le bouclier rond, les jambières et la cuirasse ; comme armes offensives (
tela
), la lance et l’épée ” (trad. G.
Baillet). Cette distinction, assez souvent observée (
Bel. Alex.
9, 3 ; Sall.,
Catil.
51, 38 ; Ov.,
Met.
11, 382 ; Verg.,
Aen.
10, 841 ; Liv., 10, 4, 2 ; Tac.,
Hist.
4, 46, etc.), se retrouve dans toute une tradition philologique (Paul
Festus 3 ; Festus 364 ; Isid.,
Orig.
18, 5). Elle n’a cependant rien de systématique puisqu’
arma
et
tela
désignent
souvent les armes en général, comme le montre le parallèle entre Caes.,
Gall.
7, 18, 14 : …
Caesar celeriter
sarcinas conferri, arma expediri iussit
et
Liv., 4, 13, 9
:
Tela in domum Maeli conferri …
D’ailleurs
arma
s’applique métaphoriquement, entre autres, aux armes de l’éloquence, qu’elles permettent de se
défendre
1
ou d’attaquer
2
.
Une autre spécialisation se dégage. Les syntagmes
esse in armis
ou
sub armis
signifient que le soldat se trouve
équipé et prêt à faire usage de ses armes. César distingue ceux qui sont l’arme au pied (
esse in armis
) et ceux qui
sont soustraits au combat proprement dit pour se livrer à des travaux de fortification (
Gall.
1, 49, 2) :
Primam et
secundam aciem in armis esse, tertiam castra munire iussit
. En revanche,
esse in / sub telis
n’est pas attesté et
seul se rencontre
esse cum telo
au sens d’“ avoir une arme ” (Cic.,
Cat.
1, 15) : …
neminem, qui nesciat te
…stetisse in comitio cum telo.
Les
arma
forment un équipement et
esse in / sub armis
se dit de celui qui est
préparé pour, dans l’instant, participer à une opération militaire. Le
telum
est isolé et
esse cum telo
, qui se dit
d’un civil, qualifie celui qui peut faire le coup de poing.
1
Cic.,
De or.
1, 172 :
Antoni incredibilis quaedam et prope singularis et diuina uis ingeni uidetur, etiam si hac
scientia iuris nudata sit, posse se facile ceteris armis prudentiae tueri
atque defendere
“ Pour Antoine,
l’incroyable supériorité d’un talent unique et presque divin, même si elle est dépourvue de la science du droit,
semble pouvoir se protéger et se défendre grâce aux armes de son habileté pratique. ”
2
Quint.,
Inst.
2, 16, 10 :
Quare, etiam si in utramque partem ualent arma facundiae, non est tamen
aecum id
haberi malum quo bene uti licet
“ Aussi, même si les armes de l’éloquence sont à double tranchant, il n’est pas
équitable de tenir pour un mal ce dont il est loisible de faire un bon usage ” (trad. J. Cousin).
arma
1. 2. “ Équipements ”
Arma
s’applique aussi aux instruments nécessaires à la réalisation d’une tâche, comme en Verg.,
Aen.
1, 177-
179 :
Tum Cererem corruptam undis Cerealiaque arma
expediunt fessi rerum, frugesque receptas
et torrere parant flammis et frangere saxo
“ Alors malgré leur fatigue ils préparent les dons de Cérès que l’eau a gâtés, les instruments de la déesse : ils se
mettent à griller aux flammes, à broyer sur la pierre les grains qu’ils ont sauvés ” (trad. J. Perret). Les premières
occurrences se trouvent chez Virgile et chez Ovide (
Am.
1, 2, 16 à propos d’un cheval) :
Frena minus sentit, quisquis ad arma facit
“ il sent moins les rênes celui qui s’adapte aux harnais ”.
L’emploi est surtout poétique, mais pas exclusivement (Sen,
Benef.
1, 11, 6 :
arma uenatoria
). Il s’explique par
l’influence d’
οπλα
qui signifie aussi “ équipement ”, mais il faut en plus envisager celle d’
armare
qui s’emploie
pour armer un bateau dès Cicéron (
Verr.
II, 5, 50) :
nauem … armatam atque ornatam mittere …
La différence de référent justifie la distinction de deux valeurs :
/équipement/ /des soldats/ /pour mettre l’adversaire dans l’impossibilité de se défendre/
et
/équipement/ /pour la réalisation d’un travail/,
où l’identité de l’archisémème et le changement des autres sèmes caractérisent une polysémie étroite de sens
3
.
2.
Arma
appliqué à l’armée
De manière plus rare et depuis l’époque cicéronienne,
arma
désigne l’ensemble formé par les soldats, comme en
Caes.,
Gall.
7, 4, 8 :
armorum quantum quaeque ciuitas … efficiat constituit ; inprimis equitatui studet
où la
cavalerie (
equitatui
) représente une composante particulière des
arma
, c’est-à-dire de l’“ armée ” en tant que
/soldats en groupe structuré/ /équipés en armes/. Le sémème “ armes ” se retrouve mais l’archisémème est
nouveau : il s’établit une pluralité d’acceptions de nature métonymique
4
. L’emploi est encore bien attesté sur une
longue période (Amm. 18, 5, 8) : …
ut exacta hieme statim arma fretus fortunae suae magnitudine concitaret
“ … pour que, confiant en la puissance de sa fortune, il lance son armée dès la fin de l’hiver ”.
Certains contextes paraissent actualiser une nuance particulière.
À propos des rapports entre Milon et Pompée, Cicéron décrit ainsi l’autorité de ce dernier (
Mil.
61) : …
eius
potestati cui senatus totam rem publicam, omnem Italiae pubem, cuncta populi Romani arma commiserat
.
Arma
équivaut-il à
exercitus
dans un parallélisme entre la prédominance du pouvoir politique (
respublica
) et l’armée
comme corps constitué ? Une telle interprétation ne prend pas en compte la composition du syntagme : l’autorité
de Pompée s’exerce sur les bases mêmes de toute action politique, la
res publica
et aussi la jeunesse qui forme
l’armée, en sorte qu’
arma
prend une nuance dynamique, celle de “ force armée ”, expression retenue d’ailleurs
par A. Boulanger : “ … l’autorité de celui à qui le sénat avait remis l’État tout entier, toute la jeunesse de l’Italie,
toutes les forces militaires du peuple Romain. ”
Un autre bon exemple est fourni par la
1
ère
Philippique
où Cicéron stigmatise Marc-Antoine en évoquant le
souvenir de son ancêtre l’orateur (1, 34) :
Putasne illum immortalitatem mereri uoluisse, ut propter armorum
habendorum licentiam metueretur.
Le syntagme
armorum habendorum licentiam
s’applique à la possibilité d’un
coup de force pour acquérir la liberté, si bien qu’
arma
désigne l’armée en tant que force : “ Crois-tu que, même
pour parvenir à l’immortalité, il aurait consenti à se faire craindre par l’emploi illégal de la force armée ? ”
(trad.
P. Wuilleumier).
3
Voir J.-F. Thomas, “ Sémantique lexicale et analyse sémique ”, dans
Lexique latin
III.
4
Voir J.-F. Thomas, “ Sémantique lexicale et analyse sémique ”,
dans
Lexique latin
III.
arma
Un passage du chant 10 de l’
Énéide
montre Énée recherchant l’alliance de Tarchon, roi des Étrusques (v. 149-
151) :
regi memorat nomenque genusque
quidue petat quidue ipse ferat, Mezentius arma
quae sibi conciliet
J. Perret rend
arma
par “ armes ” : “ … il dit au roi son nom et sa race, ce qu’il demande et ce que lui-même
apporte, l’instruit des armes que Mézence gagne à sa cause … ”, mais, l’issue de la guerre dépendant d’abord des
troupes,
arma
a le sens de “force armée ”. La dynamique des
arma
revêt une importance particulière puisque
l’enjeu est la capacité pour Énée de pouvoir résister à l’hostilité lors de son implantation en Italie.
Ce nouvel emploi a sans doute été influencé par
armatus
“ (homme) en armes ”, c’est-à-dire pourvu de son
équipement militaire pour en faire usage. Le substantif se trouve en parallèle avec l’adjectif en Liv., 3, 19, 9-10
où Cincinnatus rappelle le peuple romain à ses devoirs :
… si quis ex his domum suam obsessam a familia
armata nuntiaret, ferendum auxilium putaretis, Iuppiter optimus maximus exsulum atque seruorum saeptus
armis nulla humana ope dignus erat ?
“ … si l’un d’eux venait vous dire que sa maison était assiégée par les
esclaves en armes (
familia armata
), l’aide vous paraîtrait nécessaire ; et Jupiter, très bon, très grand, entouré de
la force armée de bannis et d’esclaves (
exsulum atque seruorum armis
) ne méritait-il pas le moindre secours des
hommes ? ”.
Inversement
arma
finit par devenir l’équivalent d’
armatus
(Amm. 17, 10, 6) :
… et ira quisque percitus
armorum urebat agros, pecora diripiebat
“ … chacun des soldats, dans l’emportement de la fureur guerrière,
brûlait les champs, razziait le bétail … ” (trad. G. Sabbah).
3.
Arma
appliqué aux guerres
De manière plus fréquente depuis Cicéron,
arma
se dit des guerres. Ce sens s’impose dans des passages comme
Cic.,
Brut.
308 :
triennium
fuit urbs sine armis, sed oratorum aut interitu aut discessu aut fuga … primas in
causis agebat Hortensius
“ Pendant trois ans, Rome fut sans guerre civile mais, du fait de la mort, de l’exil ou de
la fuite des orateurs, Hortensius était l’avocat le plus en vue ” et Ovide,
Fast.
5, 663-666 à propos de Mercure :
Clare nepos Atlantis, ades, quem montibus olim
edidit Arcadiis Pleias una Ioui,
pacis et armorum superis imisque deorum
arbiter …
arma
s’oppose à
pax
: “ Assiste-moi, illustre petit-fils d’Atlas, qu’une pléiade mit jadis au monde pour Jupiter
sur les monts d’Arcadie, toi l’arbitre de la paix et de la guerre pour les dieux du ciel et des enfers … ” (trad. R.
Schilling). Cette signification s’explique aisément à partir de celle d’“ armes ” selon une métonymie et Cicéron
cite d’ailleurs le mot en exemple de
traductio
(
De orat.
3, 167) : …
ex quo genere
(=
traductio atque immutatio
)
haec sunt arma
ac tela pro bello.
D’où un sémème “ combats ”
/opérations/ /défensives et offensives/ /menées
par l’armée/ (pluralité d’acceptions par relation métonymique avec “ armée ”
5
).
S’il est certain que bien souvent
arma
équivaut à
bellum
, un fait laisse penser qu’il a dû exister une nuance non
négligeable : les syntagmes
bellum parare, indicere, ducere, gerere, trahere
n’ont pas de symétrique avec
arma
.
Une telle situation montre qu’
arma
n’est pas le terme normal pour la guerre en tant qu’activité organisée selon
des règles strictes et d’autre part cette répartition laisse supposer que le mot se dit plutôt d’opérations armées.
Cette nuance s’observe en plusieurs passages. Cicéron emploie ainsi
arma
pour les désordres des guerres civiles
et leur caractère de grande confusion révolutionnaire (
Leg.
3, 19) :
Nam mihi quidem potestas pestifera uidetur,
quippe quae in seditione et ad seditionem nata sit. Cuius primum ortum, si recordari uolumus, inter arma ciuium
5
Voir J.-F. Thomas, “ Sémantique lexicale et analyse sémique ”, dans
Lexique latin
III.
arma
et occupatis et obsessis Vrbis locis procreatum uidemus
“ Ce pouvoir me semble désastreux comme devait l’être
un pouvoir né dans la sédition et pour la sédition et dont, si l’on pense à son origine première, nous voyons
qu’elle s’est
faite au milieu des affrontements
entre citoyens (
inter arma ciuium
) avec l’occupation ou le
blocage des quartiers de la Ville. ” C’est dans cette perspective que l’on doit comprendre le fameux
cedant arma
togae
d’autant que, mis en cause par Pison, l’orateur précise (
Pis.
73) : …
quia pacis est insigne et oti toga,
contra autem arma tumultus atque belli …
“ …parce que la toge est le symbole de la paix et du calme, les armes,
au contraire, celui des troubles et de la guerre ” (trad. P. Grimal).
Le mot
arma
prend une nuance dépréciative,
mais elle n’a rien de systématique et il ne se spécialise pas pour les désordres de la guerre civile, tandis que
bellum
la dénoterait de manière à la fois plus globale et plus neutre.
En revanche
arma
s’applique à des opérations précises quand
bellum
dénomme plutôt l’ensemble du conflit
(Sall.,
Iug.
36, 1) :
Albinus … statim ipse profectus uti ante comitia, quod tempus haud longe aberat, armis aut
deditione aut quouis modo bellum conficeret
“ Albinus partit aussitôt avant les comices dont la date approchait
afin de pouvoir terminer la guerre (
bellum
)
à tout prix soit par un affrontement (
armis
) soit par un traité de paix
soit par quelque autre moyen. ” Autre exemple. Turnus s’adresse ainsi à Alecto (Verg.,
Aen.
7, 440-444) :
Sed te uicta situ uerique effeta senectus,
o mater, curis nequiquam exercet et arma
regum inter falsa uatem formidine ludit.
Cura tibi diuom effigies et templa tueri ;
bella uiri pacemque gerent, quis bella gerenda
J. Perret traduit
arma
par “ armes ” : “ Mai toi, ô mère, une vieillesse vaincue par la décrépitude, hors d’état de
discerner le réel, te tourmente de soucis inutiles ; au milieu des armes des rois, elle t’abuse, pauvre prêtresse,
d’épouvantes sans fondements. Ta charge est de veiller sur les statues et les temples des dieux ; la guerre ou la
paix, les hommes la feront qui ont métier de faire la guerre. ”
Cependant les armes ne sont pas inertes et il s’agit
bien de combats. Les deux substantifs correspondent à une différence de perception selon les personnages : avec
bella
, ce sont les conflits où les rois se trouvent engagés selon un enchaînement sans fin de guerre et de paix ;
avec
arma
, ce sont les affrontements dont le spectacle inquiète Alecto. Même nuance pour les opérations (
arma
)
qui font la gloire de l’armée en Amm., 21, 5, 5 :
… id prae me ferens, quod exercitui, cuius aequitas
armorumque inclaruit magnitudo, domi moderatus uisus sum
et tranquillus et in crebritate bellorum contra
conspiratas gentium copias consideratus et cautus
“ … je me prévaux d’être apparu, à une armée illustrée par
son équité et sa grandeur guerrière, comme un homme mesuré et tranquille en temps de paix, mais également
circonspect et prudent face à des masses de peuples coalisés … ” (trad.J. Fontaine).
La polysémie d’
arma
est assez large puisque le mot s’applique aux armes proprement dites, à la force armée et
aux opérations militaires avec souvent des nuances plus précises que révèle l’analyse en contexte. Il n’est pas
jusqu’à la signification d’“ exploit ” qui ne lui soit reconnue par l’
OLD
(“ military exploit ”) dans l’épopée, mais
une telle interprétation est plutôt une déduction à partir du sens d’“ opération militaire ” car les combats
victorieux sont des titres de gloire (Sil., 1, 1-2) :
Ordior arma, quibus caelo se gloria tollit # Aeneadum
“ Je vais raconter les combats qui firent monter jusqu’aux cieux la renommée des fils d’Énée ” (trad. P. Miniconi
et G. Devallet)
6
. Même si cette signification ne paraît pas devoir être retenue, la polysémie d’
arma
couvre bien
des domaines de la vaste notion d’action militaire et elle est plus large que celle de
telum
“ arme de jet, arme ”.
6
Un problème se pose bien sûr avec le début de l’
Énéide
:
arma uirumque cano …
où la traduction par
“ exploits ” pourrait s’envisager. Ce n’est plus possible quand on considère le vers précédent, faisant partie d’un
ensemble donné par Servius, souvent retiré par les éditeurs mais réintégré par J. Perret (CUF) : …
at nunc
horrentia Martis # arma uirumque cano
“ …voilà que maintenant je chante l’horreur des armes de Mars et
l’homme qui … ” (trad. J. Perret).
arma
8. Histoire du lexème
Entre le caractère défensif des “ armes ” qui, pour être efficaces, doivent s’ajuster au corps, et les “ instruments ”
qui sont appropriés à un usage spécifique, se trouve la même idée d’adaptation. Elle est exactement celle de la
racine *
H2er
7
donnant le radical
ar
- dont
arma
est le dérivé primaire avec le suffixe –
ma
au neutre collectif, ce
qui rend compte des valeurs globalisantes, ensemble des armes d’un soldat, ensemble des instruments requis
pour un travail. Le mot ou sa base lexicale sont à l’origine de composés et de dérivés nombreux dont le
sémantisme s’organise autour des idées d’armes et d’équipements. On a ainsi comme composés
:
armiger
(Acc.
+) “ qui porte les armes ”,
armifer
(Ov. +) “ belliqueux ”,
armilustrium
(Varr. +) “ purification de l’armée ” et
comme dérivés :
armamenta
(Plt. +) “ outil ”,
armatus
(Enn. +),
armare
(Cic. +),
armarium
et
armariolum
(Plt.
+) “ armoire ”,
armatura
(Cic.+) : “ armures, armes, troupes ” ;
armatus
(T.-L. +) “ armes, soldats en armes ”.
Ce lien spécifique
entre les armes, l’armée et les combats dans le sémantisme d’
arma
même a pour corollaire
que, lorsque, dans l’épopée, il s’agit de qualifier les armes comme effrayantes, éclatantes - avec toute la
symbolique de la lumière et son ambivalence -, c’est
arma
qui est d’abord employé.
Le fr.
armes
a bien sûr le sens d’“ armes ” et il a des emplois spécialisés (héraldique, cf.
armoirie
) et
métaphoriques (
faire ses premières armes
,
passe d’armes
, etc.). Il conserve aussi le sens de “ troupe ” (
place
d’armes, commandant d’armes
). Quant à celui d’“ équipement (non militaire) ”, il est une des valeurs du verbe
(
armer un bateau).
D’
arma
et de sa famille sont issus de nombreux termes, en italien
arma
“ armes ”,
armadio
“ armoire ”,
armamento
“ armement ”,
armatura
“ armure,
charpente, échafaudage ” ; en espagnol :
arma
“ armes ”,
armado
“ armée ”,
armadura
“ armure, monture, charpente ”,
armamento
“ armement ”.
Bibliographie spécifique
B
ENVENISTE
, Émile, 1969 :
Le vocabulaire des institutions indo-européennes
, Paris, Les Éditions de Minuit.
G
AVOILLE
, Élisabeth, 2000 : Ars :
étude sémantique
, Louvain-Paris, Peeters.
P
OLITO
, Eugenio,
1998 : Fulgentibus armis.
Introduzione allo studio dei fregi d’armi antichi
, Rome, L’Erma.
S
AUZEAU
, Pierre, 2002 : “ Le symbolisme des métaux et le mythe des races métalliques ”,
RHR
,
228, p. 259-
297.
T
HOMAS
, Jean-François, à paraître : “Vocabulaire et symbolique des armes ”, in Actes du Colloque international
organisé par le CERCAM de Montpellier III (P. Sauzeau et Th. Van Campernole) sur “ Les armes dans
l’Antiquité : de la technique à l’imaginaire ”.
7
Voir E. Gavoille, Ars
: étude sémantique, de Plaute à Cicéron
, Louvain – Paris, Peeters,
2000, pp. 19-21.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
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