Camille Mauclair ou la vigilance critique - article ; n°121 ; vol.33, pg 81-91
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Camille Mauclair ou la vigilance critique - article ; n°121 ; vol.33, pg 81-91

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 2003 - Volume 33 - Numéro 121 - Pages 81-91
At the end of the XIXth century, Camille Mauclair undertakes to describe, understand and resolve the topical phenomenon of «crisis» involving French literary criticism. Many of his articles deal with the consequences of democratic and mass culture upon the critic 's function. Press and journalism appear to be the main responsible for creating an increasing gap between critics and readers and for building up walls of contempt around writers: literary criticism suffers then from lack of authority, distrust and hostility on both sides. Unlike his fellow colleagues, though, Mauclair comes up with a plan for a whole new critical «System» in order to reestablish its wounded social and cultural legitimacy. This article analyses some of the most original aspects of Mauclair' s project.
À la fin du XIXe siècle, Camille Mauclair entreprend de décrire, de comprendre et de résoudre le phénomène de « crise» qui touche la critique littéraire française. Dans ses nombreux articles, il prend acte des conséquences de la démocratisation et de la massification de la culture sur les conditions d'exercice de la fonction de juger les œuvres. La presse est alors désignée comme responsable principale des malheurs de la critique, en particulier de son manque d'autorité auprès des lecteurs et de son faible crédit aux yeux des écrivains. À la différence de ses confrères, Mauclair n'hésite pas à proposer une refonte globale du « système» de la critique littéraire, afin d'en restaurer la légitimité culturelle et sociale: ce sont les aspects originaux de ce projet qui sont évoqués ici.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

MME Marie Carbonnel
Camille Mauclair ou la vigilance critique
In: Romantisme, 2003, n°121. pp. 81-91.
Résumé
À la fin du XIXe siècle, Camille Mauclair entreprend de décrire, de comprendre et de résoudre le phénomène de « crise» qui
touche la critique littéraire française. Dans ses nombreux articles, il prend acte des conséquences de la démocratisation et de la
massification de la culture sur les conditions d'exercice de la fonction de juger les œuvres. La presse est alors désignée comme
responsable principale des malheurs de la critique, en particulier de son manque d'autorité auprès des lecteurs et de son faible
crédit aux yeux des écrivains. À la différence de ses confrères, Mauclair n'hésite pas à proposer une refonte globale du «
système» de la critique littéraire, afin d'en restaurer la légitimité culturelle et sociale: ce sont les aspects originaux de ce projet qui
sont évoqués ici.
Abstract
At the end of the XIXth century, Camille Mauclair undertakes to describe, understand and resolve the topical phenomenon of
«crisis» involving French literary criticism. Many of his articles deal with the consequences of democratic and mass culture upon
the critic 's function. Press and journalism appear to be the main responsible for creating an increasing gap between critics and
readers and for building up walls of contempt around writers: literary criticism suffers then from lack of authority, distrust and
hostility on both sides. Unlike his fellow colleagues, though, Mauclair comes up with a plan for a whole new critical «System» in
order to reestablish its wounded social and cultural legitimacy. This article analyses some of the most original aspects of
Mauclair' s project.
Citer ce document / Cite this document :
Carbonnel Marie. Camille Mauclair ou la vigilance critique. In: Romantisme, 2003, n°121. pp. 81-91.
doi : 10.3406/roman.2003.1204
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2003_num_33_121_1204Marie CARBONNEL
Camille Mauclair ou la vigilance critique
Parmi les acteurs principaux de la scène littéraire française auxquels le tournant
des XIXe et XXe siècles a offert un rôle majeur, figure un personnage aujourd'hui relat
ivement oublié, bien qu'il ait apporté une contribution non négligeable aux divers théâ
tres culturels de son temps: Camille Mauclair, de son vrai nom Séverin Faust, né en
1872, est un protagoniste incontournable de ces années charnières durant lesquelles
son œuvre parvient à maturité et le place au cœur de l'effervescence intellectuelle et
artistique. Ce polygraphe remarquablement prolixe, servi par une longue carrière, pra
tique avec curiosité tous les genres - roman (le premier Prix Goncourt lui échappe de
peu en 1903), poésie, théâtre, essai - et rédige publications d'art, monographies urbai
nes, récits de voyages, biographies, articles ou chroniques d'une telle diversité qu'il
apparaît tout à fait inclassable. Son itinéraire personnel, qui le conduit des milieux
symbolistes d'avant-garde liés aux sympathisants anarchistes vers des positions de
plus en plus réactionnaires, xénophobes et antisémites, affiche également une certaine
originalité.
S'il n'y a point lieu de s'attarder ici sur l'éclectisme esthétique ou sur le
dévoiement idéologique de l'auteur - d'ailleurs peut-être en partie responsables, l'un
comme l'autre, de son infortune actuelle -, il convient en revanche de privilégier le
troisième trait caractéristique de son parcours: l'intense activité déployée dans le
domaine de la critique, tant littéraire qu'artistique et musicale, de 1895 à 1914 envi
ron. Durant ces deux décennies, en effet, Mauclair multiplie les analyses portant sur
les bouleversements socio-culturels majeurs de la fin du siècle, de l'essor de la presse
quotidienne d'information à l'avènement de la culture de masse, en passant par la
redéfinition des genres et des disciplines qui affecte le statut des écrivains et des artistes
ainsi que celui des critiques. L'on se propose donc ici de montrer comment, tout en
établissant un diagnostic en apparence très classique sur les difficultés que rencontre
alors la critique littéraire française, Mauclair réussit à percevoir les enjeux essentiels
de la situation et à envisager des solutions originales.
Le décor: une crise de la critique littéraire
Dans les dernières décennies du XIXe siècle, le contexte de trouble général de la
culture ', d'interrogations sur l'avenir des disciplines reflexives2, et de mutations litté-
1. «L'époque actuelle constitue un des moments critiques où la pensée humaine est en voie de
transformation», écrit Gustave Le Bon en préambule de sa Psychologie des foules, PUF, coll. «Quadrige»,
(rééd.), 1981, p. 1. À l'instar de nombreux autres observateurs, il identifie «l'âge moderne» comme une
«période de transition et d'anarchie» marquée par le passage d'un système d'idées et de valeurs tradition
nelles à un nouveau paradigme intellectuel, spirituel et artistique.
2. Par exemple les sciences ou la philosophie. Voir A. Rasmussen, «Critique du progrès, «crise de la
science»: débats et représentations au tournant du siècle», Mil Neuf Cent, n° 14, 1996, p. 89-113 et J.-L.
Fabiani, «Enjeux et usages de la «crise» dans la philosophie universitaire en France au tournant du siècle»,
Annales ESC, n° 2, mars-avril 1985, p. 377-409.
ROMANTISME n° 121 (2003-3) 82 Marie Carbonnel
raires 3, se traduit dans nombre d'ouvrages et d'articles par un discours récurrent fai
sant état d'une grave «crise» de la critique: définitivement disparu pour les uns,
condamné à une mort imminente selon les autres, le genre semble parvenu «à un point
de faiblesse incroyable» 4. À l'instar d'un Antoine Albalat, d'un Camille Vergniol,
d'un Johannes Gros ou d'un Gustave Kahn5, Camille Mauclair prend acte de son décès
tout au long des écrits qu'il confie à la Nouvelle Revue, à la Revue des revues, à la
Grande Revue, à la Quinzaine entre 1899 et 1905. Ses descriptions confirment
d'ailleurs celles de ses confrères, car tous s'accordent sur les trois symptômes de ce
malaise inédit. En premier lieu, ils constatent que la déchéance de la critique littéraire
résulte d'un paradoxe: «nous avons encore des critiques, et même en nombre considér
able, - mais nous n'avons plus une critique française», affirme Mauclair. «On attaque
les uns, on déplore la disparition de l'autre»6. C'est à ce type de contradiction qu'en
1882, dans la Revue des Deux Mondes, Elme-Marie Caro attribuait la responsabilité de
la médiocrité croissante de l'art de juger les œuvres 7; vingt ans plus tard, il semble
que l'argument conserve toute sa validité: les observateurs n'ont de cesse de déplorer
l'aggravation de cette tendance à l'augmentation numérique des critiques — ou, plus
précisément, de ceux qui se prétendent tels (feuilletonistes, chroniqueurs, courriérist
es...), mais qui, en s'arrogeant ce titre, en ternissent le prestige. Non seulement ces
«tâcherons» de l'écrit ne parviennent pas à constituer un groupe cohérent et respectab
le, mais encore leurs activités ne représentent que de pâles substituts d'une critique
digne de ce nom et ont eu finalement raison de celle-ci.
Car le deuxième indice de sa mort réside dans son exclusion progressive hors de
son cadre de prédilection, la presse. «C'est à peine si, dans une ville comme Paris, on
voit Le Temps et Les Débats s'offrir le luxe d'une critique régulière occupant un
feuilleton comme au temps jadis», s'indigne Mauclair. La remarque vaut pour d'autres
grands titres {Le Journal, L'Écho de Paris, Le Figaro), peu empressés de maintenir la
tradition littéraire. Et il conclut, déçu: «Deux tribunes critiques, c'est tout ce que le
journalisme de Paris peut offrir, et encore grâce à l'esprit réactionnaire du Temps et
des Débats» 8. Il se fait ici l'écho d'un sentiment de rejet qu'éprouvent alors bien des
hommes de plume; à l'amertume s'ajoute souvent, chez les victimes, une rancœur non
dissimulée à l'égard de la concurrence infligée aux Lettres par les rubriques phares des
organes d'information modernes (report

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents