Clientélisme politique et corruption - article ; n°161 ; vol.41, pg 75-87
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Tiers-Monde - Année 2000 - Volume 41 - Numéro 161 - Pages 75-87
Les termes « clientélisme » et « corruption » méritent d'être clarifiés, tant au niveau des concepts que des interactions entre les phénomènes auxquels ils renvoient. Doit-on opposer corruption politique et clientélisme ? Si l'on adopte une position de neutralité axiologique, les deux phénomènes possèdent une forme de légitimation sociale et le clientélisme s'oppose à la corruption — échange marchand, mais pas à la corruption — échange social. Cependant, un point de vue normatif est souhaitable pour mettre fin à des pratiques qui apparaissent de plus en plus comme perverses.
Jean- François MEDARD — Clientelism and political corruption. The terms « clientelism » and « corruption » deserve to be clarified, both in conceptual terms as well as from the mechanisms of the phenomena which they refer to. Should we oppose political corruption and clientelism ? If we adopt an axiologically neutral attitude, both phenomena imply some form of social legitimacy. Clientelism may be opposed to corruption in terms of commercial exchange, but not to corruption in terms of social exchange. A normative viewpoint is however preferable if we are to do away with these increasingly perverse practices.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 201
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-François Médard
Clientélisme politique et corruption
In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°161. pp. 75-87.
Résumé
Les termes « clientélisme » et « corruption » méritent d'être clarifiés, tant au niveau des concepts que des interactions entre les
phénomènes auxquels ils renvoient. Doit-on opposer corruption politique et clientélisme ? Si l'on adopte une position de
neutralité axiologique, les deux phénomènes possèdent une forme de légitimation sociale et le clientélisme s'oppose à la
corruption — échange marchand, mais pas à la corruption — échange social. Cependant, un point de vue normatif est
souhaitable pour mettre fin à des pratiques qui apparaissent de plus en plus comme perverses.
Abstract
Jean- François MEDARD — Clientelism and political corruption. The terms « clientelism » and « corruption » deserve to be
clarified, both in conceptual terms as well as from the mechanisms of the phenomena which they refer to. Should we oppose
political corruption and clientelism ? If we adopt an axiologically neutral attitude, both phenomena imply some form of social
legitimacy. Clientelism may be opposed to corruption in terms of commercial exchange, but not to corruption in terms of social
exchange. A normative viewpoint is however preferable if we are to do away with these increasingly perverse practices.
Citer ce document / Cite this document :
Médard Jean-François. Clientélisme politique et corruption. In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°161. pp. 75-87.
doi : 10.3406/tiers.2000.1051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2000_num_41_161_1051CLIENTÉLISME POLITIQUE
ET CORRUPTION
par Jean-François Médard*
Les termes « clientélisme » et « corruption » méritent d'être clarifiés,
tant au niveau des concepts que des interactions entre les phénomènes
auxquels ils renvoient. Doit-on opposer corruption politique et clienté
lisme ? Si l'on adopte une position de neutralité axiologique, les deux
phénomènes possèdent une forme de légitimation sociale et le clienté
lisme s'oppose à la corruption — échange marchand, mais pas à la cor
ruption — échange social. Cependant, un point de vue normatif est sou
haitable pour mettre fin à des pratiques qui apparaissent de plus en plus
comme perverses.
Les termes « clientélisme » et « corruption » sont fréquemment
accolés l'un à l'autre. Ce rapprochement des deux termes suggère
qu'ils sont connexes, c'est-à-dire qu'ils se recoupent largement sur le
plan conceptuel et analytique sans se confondre, et que de surcroît, sur
le plan empirique, les phénomènes auxquels ils renvoient sont fr
équemment associés. D'où l'intérêt d'une double clarification, relative
aux concepts en premier lieu, et aux interactions entre les phénomènes
auxquels renvoient ces concepts.
En ce qui concerne les concepts, la superposition des termes sug
gère qu'on considère le clientélisme politique comme relevant de la
corruption, alors que le fait de les distinguer montre que le terme de
corruption est confondu implicitement avec la corruption marchande
fondée sur un échange strictement économique, comme le pot de vin.
Donatella Delia Porta oppose ainsi la corruption politique, définie
comme un troc, décisions politiques contre argent, et le clientélisme,
* Professeur, Centre d'études d'Afrique noire, Institut d'études politiques de Bordeaux.
Revue Tiers Monde, t. XLI, n° 161, janvier-mars 2000 76 Jean-François Medard
échange de faveurs contre des suffrages électoraux1. Le clientélisme
s'oppose alors à la corruption marchande, comme une forme de cor
ruption fondée sur un échange social s'oppose à une autre forme de
corruption fondée sur un économique, en s'inspirant des dis
tinctions de James Scott2 et de Jean Padioleau3. En traitant ainsi les
phénomènes clientélaires comme relevant de l'analyse de la corruption,
ne risque-t-on pas alors de ne pas respecter l'exigence de neutralité
axiologique propre à la démarche scientifique ? Cela pose le problème
des représentations du clientélisme politique et de la corruption. Enfin,
la distinction entre en tant que corruption-échange social
et corruption économique est une distinction purement analytique.
Non seulement il y a toujours une dimension économique dans
l'échange social, mais surtout les pratiques clientélaires et la corrup
tion économique sont étroitement imbriquées.
I. LE CLIENTÉLISME POLITIQUE:
UNE PRATIQUE DE CORRUPTION-ÉCHANGE SOCIAL
Le clientélisme politique repose sur un ensemble de pratiques qui
instrumentalisent politiquement certains types de relations personnelles.
Au fondement du clientélisme politique se trouvent des relations de
clientèle sur la base desquelles vont s'édifier des réseaux de clientèle. La
relation de clientèle constitue une forme caractéristique d'échange
social fondée sur l'échange de don et de contre-don. Eisenstadt et
Roninger parlent au sujet du clientélisme d'un « mode de structuration
de l'échange social »4. Mais la relation de clientèle, comme l'échange
social, ne relèvent pas en tant que tel de la corruption. C'est le clienté
lisme politique, c'est-à-dire l'articulation des relations de clientèle à la
vie politique qui conduit à l'associer à la
1 . Donatella Delia Porta, Les cercles vicieux de la corruption, in D. Delia Porta et Yves Mény (dir.),
Démocratie et corruption en Europe, Paris, La Découverte, 1995, p. 44. Voir aussi, dans le même ouvrage,
la conclusion de D. Delia Porta et Yves Mény, p. 171-172.
2. James С Scott distingue la market corruption, corruption marchande et la parochial corruption,
corruption de proximité, voir J. C. Scott, An essay on the Political Functions of Corruption, Asian Stu
dies, vol. 5, n° 3, 1967, p. 501-522.
3. Jean G. Padioleau, De la corruption dans les régimes pluralistes, Revue française de sociologie,
vol. XVI, n° 1, janvier-mars 1975, p. 33-58. Il distingue la corruption-échange social et la corruption-
échange troc. Nous préférons distinguer la corruption échange-social et la corruption-échange écono
mique, cette dernière se subdivisant en corruption-échange marchand et corruption échange-troc.
4. Samuel Eisenstadt et L. Roninger, Patrons, Clients and Friends. Interpersonal Relations and the
Structure of Trust in Society, Cambridge, Cambridge University Press, 1984. Clientélisme politique et corruption 11
1 / La relation de clientèle :
une d'échange social entre inégaux
La plupart des définitions de la relation de clientèle, de la plus éla
borée à la plus concise, place la notion d'échange social entre inégaux
au cœur de la relation de clientèle. Ainsi, pour James C. Scott, une
relation de clientèle qui est « une relation d'échange entre des rôles,
peut être définie comme un cas spécial de liens dyadiques (à deux per
sonnes) qui implique une amitié largement instrumentale dans laquelle
un individu de statut socio-économique plus élevé (le patron) utilise sa
propre influence et ses ressources pour fournir de la protection, des
avantages, ou les deux, à une personne de statut inférieur (client), qui,
pour sa part, rétribue en offrant un soutien général et de l'assistance, y
compris des services personnels au patron »1. Il s'agit pour
J.-F. Médard ď « un rapport de dépendance personnelle non lié à la
parenté qui repose sur un échange réciproque de faveurs entre deux
personnes, le patron et le client qui contrôlent des ressources
inégales »2. L'exclusion de la relation de parenté permet de distinguer
le clientélisme du népotisme mais, à la limite, avec l'extension des liens
de parenté jusqu'au « tribalisme », la relation de parenté rejoint la
relation de clientèle. Selon Luigi Graziano, c'est « une association asy
métrique dyadique fondée sur un échange de faveurs »3. Enfin, Chris
topher Clapham, pour aller à l'essentiel, se réfère à l'idée ď « échange
entre inégaux »4. Mais c'est aller trop loin dans la concision : mieux
vaudrait parler d'une « relation d'échange social entre inégaux ».
L'ensemble de la problématique anthropologique de l'échange-don
(ou échange symbolique) depuis

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