Confréries religieuses, noblesse indienne et économie agraire - article ; n°122 ; vol.32, pg 99-113
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Description

L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 122 - Pages 99-113
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olinda Célestino
Confréries religieuses, noblesse indienne et économie agraire
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 99-113.
Citer ce document / Cite this document :
Célestino Olinda. Confréries religieuses, noblesse indienne et économie agraire. In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp.
99-113.
doi : 10.3406/hom.1992.369526
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_3695265-3
Olinda Celestino
Confréries religieuses, noblesse indienne
et économie agraire
Olinda Celestino, Confréries religieuses, noblesse indienne et économie agraire. —
Par delà les changements et les bouleversements, le continent latino-américain reste
encore profondément attaché à la religion catholique et l'on peut se demander d'où
elle tire sa force, force qui tient à la souplesse d'adaptation aux diverses conditions
socio-historiques et à la multifonctionnalité sociale de cette religion. Mais, de leur
côté, les élites indigènes ont su admirablement tirer parti de ses institutions, notamment
des confréries, en les utilisant autant pour transformer l'ordre social que pour le
stabiliser.
En organisant leurs nouvelles colonies, les conquérants espagnols prirent
pour modèle les institutions civiles et ecclésiastiques de la Péninsule ibérique.
Pour ces colonisateurs et évangélisateurs, la fondation de confréries religieuses,
institutions laïques du culte, fut l'un des moyens les plus efficaces de l'implan
tation coloniale et de la christianisation. Il leur fallut cependant les adapter
aux conditions américaines et réélaborer leur finalité ainsi que leurs structures
en fonction de la nouvelle réalité sociale. Pour l'analyse de cette « adaptation-
adoption », la vallée du Mantaro, dans les Andes du Pérou central, nous
servira d'exemple, car il est aisément généralisable à l'ensemble de la société
andine.
Les données sur lesquelles nous nous appuyons proviennent essentiellement
de deux visitas ou « inspections » : l'une, ecclésiastique, eut lieu en 1750, l'autre,
civile, en 1795. Dans les deux cas, le représentant de l'Église, envoyé par
l'archevêque de Lima, et le représentant du gouvernement civil, par
l'Intendance de Tarma, parcoururent les quatorze paroisses, aujourd'hui commun
autés paysannes installées sur les rives de la rivière Mantaro, qui occupaient
avec leurs annexes les 1 000 km2 de cette vallée, située à 300 km de Lima,
entre 3 000 et 5 000 m d'altitude. Au XVIIIe siècle, ces paroisses recouvraient
le territoire des anciennes unités incas dont elles conservaient les noms : Hatun-
jauja, Lurinhuanca, Ananhuanca, et constituaient la province de Hatunjauja.
Malheureusement, ces deux « inspections » sont très incomplètes car, comme
L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 99-113. 100 OLINDA CELESTINO
le signalent les inspecteurs eux-mêmes, de nombreux biens appartenant aux
confréries furent dissimulés, et il nous fallut recourir à d'autres sources
d'information pour parvenir à une description plus proche de la réalité
historique.
L'adoption des confréries
Dans la société indigène, ce furent les curaca, chefs indigènes, qui partici
pèrent le plus activement à la fondation et au développement de cette institu
tion. En effet, dès le début de la conquête, l'élite indigène de la vallée avait
fait alliance avec les Espagnols, ce qui lui permit de continuer à dominer la
vie sociale et politique de la région et surtout d'accroître son pouvoir écono
mique. Dans certains cas, à certaines époques, la puissance des curaca a dépassé
dans ce domaine celle des Espagnols. Leur acculturation fut très rapide et ils
perçurent très tôt les avantages économiques qu'ils pouvaient tirer des confréries.
Les confréries religieuses réunissaient des fidèles en vue d'organiser des cér
émonies cultuelles et des activités charitables ainsi que d'éducation chrétienne,
le tout réglementé par des statuts ou constitutions rédigés lors de leur fonda
tion ; elles prenaient alors un nom qui correspondait à des attributs divins,
à des mystères de la religion chrétienne, à des fêtes du seigneur Jésus-Christ
ou de la Sainte Vierge, ou encore à des saints sous l'invocation desquels elles
se plaçaient. Pour exercer leurs fonctions religieuses et sociales, elles dispo
saient d'un système de charges très hiérarchisé comportant un grand nombre
de grades, depuis le mayordomo, au sommet, jusqu'au simple gardien de trou
peaux, en passant par maints autres échelons que les confrères devaient occuper
annuellement. Ces charges étaient électives et, dans une certaine mesure, cette
pratique constitua donc un apprentissage précoce de la démocratie pour la société
andine.
Cependant, les confréries ne se limitaient pas à des pratiques chrétiennes,
elles consacraient une grande partie de leurs activités à la production agricole,
en particulier à l'élevage, en relation avec les secteurs minier et urbain et le
marché colonial en général. C'est ainsi que la production de viande, de lait
et de laine de la vallée du Mantaro fut liée à l'économie urbaine de Lima, aux
activités minières de Cerro de Pasco, de Yauli (devenu le deuxième Potosi pour
les Espagnols), et aux nombreuses mines qui existaient alors dans la région.
Les curaca furent les acteurs principaux de ce mouvement et ils développèrent
l'unique produit hautement commercialisable dans cette région andine, le bétail,
en augmentant leurs propres troupeaux, bien sûr, mais aussi en en dotant les
confréries dont ils étaient les fondateurs. Le travail de gardiennage reposait
essentiellement sur l'effort physique des bergers qui étaient attachés aux curaca
par des relations de dépendance personnelle. Ces derniers purent réaliser d'impor
tants profits puisque les confréries leur permettaient de maintenir des rapports
de domination sur la masse des Indiens dépendants devenus confrères. Ainsi noblesse, économie 101 Confréries,
les confréries, contrôlées par les curaca, constituèrent-elles finalement un nou
veau mode de dépendance de la paysannerie.
Le développement des troupeaux des confréries se fit progressivement.
D'abord, l'institution reçut quelques têtes de bétail sous forme de dons, legs
ou héritage, pour financer ses activités. Ces dons provenaient pour la plupart
de la noblesse indienne régionale, et parfois d'Espagnols (Celestino 1981). Ces
familles indiennes nobles s'étaient signalées dès le début de la colonisation par
l'aide qu'elles avaient accordée aux couvents franciscains et dominicains ainsi
qu'aux diverses institutions religieuses. En accomplissant ces actes de piété, elles
servaient ainsi « leurs Indiens » qui participaient aux fréquentes cérémonies et
fêtes religieuses. Bien entendu, ces nobles étaient souvent eux-mêmes mayor
domos des associations qu'ils avaient fondées en édifiant divers autels dans
les églises et couvents de leurs villages et même à Lima. Ainsi, par exemple,
en 1609, « grâce à l'apport économique des curaca de Limaylla, un groupe
de sculpteurs et de peintres commencèrent à dresser le magnifique autel baroque
de l'église San Jerónimo de Tunan » (Espinoza Soriano 1973b). En contrepartie
de leurs dons, les curaca réclamaient certains privilèges, par exemple celui
d'occuper les places d'honneur dans la procession de Corpus Christi ou lors
d'autres cérémonies religieuses.
Le transfert des biens des familles nobles aux confréries pouvait se faire
soit durant la vie du donateur, soit par testament (Celestino & Meyers 1981).
Lors de l'enregistrement de l'acte, le but et les moyens étaient toujours spécif
iés ; il s'agissait généralement de payer des messes, de la cire, du vin, de l'encens,
de l'huile et toutes choses nécessaires à la fête patronale des confréries. Celle
qui recevait le legs devait alors respecter une condition importante : « la non-
transférabilité du bien » en question. Cette stipulation de perpétuité assura la
longévité du capital des confréries. Elle explique que parmi les donations ment
ionnées dans les inspections du XV

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