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Langue Français

Extrait

Frédéric GROS,
Professeur d’éthique, Université Paris-XII
LE SOIN AU CŒUR DE L’ÉTHIQUE ET L’ÉTHIQUE DU SOIN
R
E
N
C
O
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T
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15
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 89 - JUIN 2007
L’IDÉE DE SOIN AU CŒUR DE
L’ÉTHIQUE DES ANCIENS
La relation de soin et d’accompagnement exige la
formulation, l’établissement, l’explicitation d’une
éthique spécifique et tout à fait singulière. En même
temps, on doit reconnaître que l’idée même de
«soin», et ses notions corollaires (je pense à l’idée
de «souci») était au cœur de l’éthique des Anciens,
même si elle s’est trouvée débordée par la morale
moderne d’une obéissance à la Loi : on est passé
d’une éthique de la construction de soi à une morale
du devoir. Je commencerai donc, dans cette intro-
duction, par rappeler l’importance de la notion
même de «soin» dans la philosophie morale des
Anciens. Socrate, qu’on a pris l’habitude de consi-
dérer comme le «premier» philosophe, utilise cette
idée de «soin» pour caractériser son message essen-
tiel. Il s’agit en effet pour lui de demander à chacun
s’il prend bien soin de son âme.
« Je vous vois, dit-il
quand il s’adresse à ses concitoyens dans l’Apologie,
prendre soin de votre corps et de vos plaisirs, de vos
richesses et de votre réputation, mais de votre âme est-
ce que vous vous attachez à en prendre soin ?»
La ques-
tion que la philosophie, dans son origine socratique,
pose donc à chacun est bien : est-ce que tu te sou-
cies correctement de toi-même, est-ce que tu es
pour toi-même un objet de soin ? La philosophie
ancienne, on le sait, se présente moins comme un
système spéculatif complet de connaissances que
comme une invitation pratique à la sagesse. Il s’agit
d’apprendre par la philosophie à prendre «soin de
soi-même», à avoir «souci de soi». Mais le «soi»
dont il s’agit n’est évidemment ni le corps ni même
la vie matérielle, mais la vie de l’âme.
Le terme grec pour «soin», «souci» est celui d’
epi-
meleia
qui sera rendu en latin par le terme de
cura
qui se retrouve dans le français «cure».
C’est d’ailleurs cette dimension de «soin», de
«souci» qui explique que la philosophie puisse se
présenter aussi facilement comme une entreprise
médicale : le stoïcien Epictète ne cesse de répéter
qu’on doit se rendre à son école comme on se rend
à l’hôpital, ou dans n’importe quelle structure de
soin. Epicure dit de son côté qu’il n’est jamais ni trop
tôt ni trop tard pour philosopher, car il s’agit d’as-
surer l’hygiène de l’âme. Enfin les derniers mots de
Socrate, avant de mourir, furent une demande de
sacrifice d’un coq à Esculape, dieu de la médecine.
La philosophie antique se présente donc largement
comme une thérapie de l’âme, par opposition à la
médecine qui serait la thérapie du corps. Ce dont
l’âme doit se soigner, c’est précisément de faux juge-
ments, d’opinions erronées, de notions creuses et
vides. Par exemple Epicure veut nous faire entendre
qu’il est stupide d’avoir peur de la mort, car la mort
est une idée vide qui ne correspond à rien : une fois
mort, on ne sent plus rien et l’on n’existe plus. Il
est donc absurde d’avoir peur d’un état dans lequel
on ne sentira plus rien. D’autre part Platon met tout
son génie à combattre l’opinion courante selon
laquelle on pourrait vivre heureux dans l’injustice.
Car pour Platon, la justice consiste en une construc-
tion intérieure par laquelle j’accorde en moi la pré-
éminence à ce qu’il y a de plus élevé et je repousse
les aspirations vulgaires. Si donc si je satisfais de bas
désirs au détriment de bonnes actions, cela passe
par un secret mépris de moi-même qui me ferme la
porte du bonheur. Enfin les Stoïciens veulent nous
apprendre à faire la différence entre «ce qui dépend
de moi» et «ce qui ne dépend pas de moi», afin
qu’on comprenne que tout ce qui nous arrive en
termes de succès ou d’échecs, de santé ou de mala-
die, dépend surtout de circonstances extérieures, et
que ce qui dépend de nous tient essentiellement
dans le sens que nous allons donner aux événe-
ments qui surviennent.
Mots clés :
Ethique, soins, relation, vertus morales, compassion sollicitude
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