Dans le Brésil bahianais : le témoignage de Minas Velhas - article ; n°2 ; vol.14, pg 325-336
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1959 - Volume 14 - Numéro 2 - Pages 325-336
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fernand Braudel
Dans le Brésil bahianais : le témoignage de Minas Velhas
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 14e année, N. 2, 1959. pp. 325-336.
Citer ce document / Cite this document :
Braudel Fernand. Dans le Brésil bahianais : le témoignage de Minas Velhas. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
14e année, N. 2, 1959. pp. 325-336.
doi : 10.3406/ahess.1959.2822
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1959_num_14_2_2822ANTHROPOLOGIE
ET HISTOIRE
Dans le Brésil bahianais :
le témoignage de Minas Velhas
Harris, fait On craindre lit, de Columbia on un relit livre avec University. général, plaisir théorique, Son le livre titre, délicat, Town mais fort and intelligent, heureusement Country in de Brazil Marvin l'a1,
nnonce est inexacte. C'est d'un voyage, puis d'un séjour dans une petite
ville brésilienne, qu'il est uniquement question. Dès les premières pages,
nous arrivons à Minas Velhas, au cœur de l'Etat de Baliia, loin dans
l'intérieur ; nous y sommes encore quand le livre s'achève, sans jamais
en cours de route nous être ennuyés une seconde en compagnie d'un
guide qui sait voir, comprendre, faire comprendre. La peinture est d'ail
leurs si vive, le texte à ce point attachant que l'ouvrage se lit « comme
un roman ». C'est dans mon esprit un compliment exceptionnel, car il
est rare qu'un ouvrage, scientifiquement conduit, sous le signe de
la plus étroite objectivité, puisse à ce point vous déprendre du temps
présent et vous conduire, comme devant un spectacle, aux sources, —
ici encore vivantes, — d'une réalité, d'une « civilisation » urbaine révol
ue. Un historien peut rêver d'un paysage de ce genre, mais le voir,
désuet, archaïque, de ses propres yeux, le toucher du doigt, c'est un
plaisir autrement vif, et quel enseignement ! Hâtons-nous d'en jouir !
Même à Minas Velhas, la vie nouvelle a ses attraits : un jour, elle bous
culera tout cet ordre ancien, fragile, qui s'y maintient par miracle. -
Au milieu d'un pays ingrat, montagneux, plus qu'à demi désert, Minas
Velhas — les Anciennes Mines — a été plantée par l'aventure minière
exigeante du xviue siècle : elle a été l'une des importantes villes de l'or
de l'immense intérieur brésilien, celles-ci, précoces, nées dès la fin du
xvne siècle, celles-là, les plus nombreuses, avec les premières décades
1. Marvin Harris, Town and Country in Brazil, New York, Columbia University-
Press, 1956, in-8°, x-302 p.
325 ANNALES
du xviiie. A Minas Velhas, l'exploitation remonte à 1722, peut-être un
peu plus tôt. Le statut urbain de la ville date en tout cas de 1725 au
moins et, dès 1726, elle avait son Hôtel où l'or était fondu et prélevé le
quint qui revenait au roi de Portugal. En 1746-1747, le quint s'éleva
ainsi à 13 livres d'or, soit 65 livres de production. A quoi s'ajoutaient
évidemment la fraude et l'or en transit. Tant que l'or des filons et des
sables a été abondant, aucun problème, à vrai dire, ne s'est posé à la
ville active : les vivres affluaient vers elle de partout, parfois de fort
loin. Mais, avec la fin du xvme siècle, la prospérité aurifère s'en va, à
Minas Velhas comme dans l'ensemble du Brésil.
A ce désastre, la ville aura cependant survécu, tant bien que mal,
malgré sa situation anormale, précaire par nature. Elle a continué sur
sa lancée, puis elle a su acquérir et retenir la médiocre fortune d'un
centre administratif de dernier ordre ; cahin-caha, elle est ainsi arrivée
jusqu'au temps présent, après bien des déboires, car sa primauté admin
istrative — sa seconde richesse — a été assez vite contestée et son
« district » dès lors remanié, démantelé, retaillé... En 1921, dernier coup,
presque mortel : Vila Nova, sa voisine assez prospère, s'est détachée
d'elle, avec un district constitué à son intention et, bien entendu, une
fois de plus, au détriment de la vieille ville et de sa circonscription.
Ajoutez à ces avatars que, dans le tracé des routes carrossables, puis
des chemins de fer, Minas Velhas n'a pas eu de chance : la géographie a
joué contre elle. La voie ferrée s'arrête très loin de ses portes, à Bromado,
et le trafic automobile l'atteint depuis peu et de façon malaisée : un
camion par jour, avec sa grappe de voyageurs et ses marchandises hétér
oclites...
Aussi bien, qui aurait intérêt à aller jusqu'en cette ville perdue ?
Le voyageur hésite, parvenu face à la dernière montagne, à Vila Nova,
ville bourdonnante, que touche, en même temps que la route, le progrès
(l'électricité, la T.S.F., la Coca Cola...). Ce voyageur, s'il s'informe, ne
sera guère encouragé à gagner, à dos de mule, par la « cluse » du Rio das
Pedras (que coupe, entre autres, une gigantesque chute d'eau) la haute
vallée et les plateaux des gérais de Minas Velhas, battus par les vents,
peuplés d'arbustes rabougris, d'herbes rares. « Restez avec nous, con-
seille-t-on à l'auteur. Nous avons l'électricité et des noix de coco, une
abondance de fruits frais et de viande de porc... Minas Velhas est la
place la plus morte du monde. Rien n'y a progressé depuis deux cents ans.
Si vous voulez de la bière fraîche, vous feriez mieux de rester avec nous.
Il n'y a qu'un bar à Minas Velhas et il fait trop peu d'affaires pour que
ça vaille la peine d'un réfrigérateur 1... Us sont effroyablement arriérés.
Les affaires y sont exécrables. C'est un triste endroit, très morne, froid,
sans aucune activité. »
1. A Minas Velhas, pas d'électricité d'ailleurs.
326 LE BRÉSIL BAHIANAIS
La surprise est d'autant plus grande, pour le voyageur qui sait qu'il
a quitté la « civilisation », d'arriver à Minas dans une ville typiquement
ville, — impression que ne donnent guère les villes brésiliennes en train
de se faire, aujourd'hui, — une ville, ô miracle, avec ses rues pavées, ses
= Routes Etat de Bahia
500 KM 10 км
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caste t.r h с
Site et situation de Minas Velhas.
maisons1 alignées au long des trottoirs, fraîchement repeintes en blanc
et bleu, sa propreté générale, ses habitants décemment vêtus, ses enfants
sortant de l'école en blouse blanche et culotte bleue... Un pont de pierre,
des portes mobiles, des barrières, de pseudo-remparts, la grande place
avec sa haute église de pierre, elle aussi peinte à neuf, or, blanc, azur,
le jardin public et ses plates-bandes à entrelacs, orgueil de la ville, ren
dez-vous des promeneurs du soir... Le voyageur aurait-il atteint la ville
merveilleuse ?
II
Ensuite ? Le mieux est de s'intéresser aux spectacles, aux réalités de la
ville, selon le hasard des rencontres. Peu à peu, les problèmes se décou
vrent. Non, Minas Velhas ne vit pas, sans plus, des villages assez pauvres
et frustes de ses alentours : Serra do Ouro, Baixa do Gamba, Gravatâo,
Gilâo, Bananal, Brumadinho, villages de paysans blancs, comme le pre-
1. Faites en briques séchées au soleil, avec adjonction de quelques pierres, cou
vertes en tuiles.
327 ANNALES
mier, ou de paysans noirs comme le second, tous misérables d'ailleurs,
car la terre, trop morcelée, est d'une fertilité médiocre. Au total, ces vil
lages renferment 1 250 paysans. En face d'eux, Minas Velhas, à vrai
dire minuscule, n'en groupe pas moins presque 1 500 citadins. Un paysan,
à lui seul, peut-il supporter sur ses épaules le poids d'un citadin ? Non,
bien sûr. C'est trop lui demander, d'autant que le surplus de la récolte
— légumes, fruits, sucre, riz, haricots, manioc, un peu de maïs, ignames,
patates douces, café — ne va pas seulement sur le marché de la ville :
les vendeurs poussent jusqu'à Vila Nova, Gruta, ou Formiga... Il y a
ainsi concurrence, mais la vieille ville, mieux située, tient tout de même
le bon bout. Elle, défend aussi ses droits par les propriétés mêmes de ses
« bou

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