Définition de l aliénation - article ; n°1 ; vol.17, pg 301-350
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Définition de l'aliénation - article ; n°1 ; vol.17, pg 301-350

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Description

L'année psychologique - Année 1910 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 301-350
50 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1910
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Alfred Binet
Th. Simon
Définition de l'aliénation
In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 301-350.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred, Simon Th. Définition de l'aliénation. In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 301-350.
doi : 10.3406/psy.1910.7281
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1910_num_17_1_7281XII
DÉFINITION DE L'ALIÉNATION
On pourrait s'imaginer que la mode n'est plus de définir la
folie : car si les anciens consacraient à cette question de longs
développements, un peu nuageux, très philosophiques, en
revanche, les modernes ne s'en soucient plus ; les traités
d'aliénation se bornent à un historique des idées anciennes
sur la folie, ou bien ils commencent tout de suite leurs exposés
de détail; il semble que le fait réel, l'observation précise sont
les seules choses qui intéressent notre époque; et on renonce
à discourir sur la folie en général, parce que cela n'a pas de
portée pratique.
Mais ce n'est là qu'une apparence, et n'en soyons pas dupes.
Si on a cessé de discourir sur la folie en général, on s'occupe
de la manière la plus active de problèmes de grand intérêt
où la définition de la folie est implicitement contenue. On se
demande par exemple : quelle différence existe-t-il entre un
aliéné et un normal? Ou bien : quelle différence existe-t-il entre
un aliéné et un criminel? Ou encore : quelle différence existe-
t-il entre un aliéné et un malade à lésion circonscrite du ce
rveau? Discuter ces parallèles, établir la différence la plus pré
cise qu'on connaisse entre ce qui constitue l'aliénation et ce
qui n'en est pas, c'est bien essayer une définition de l'aliéna
tion. Comprenant ainsi que tous ces efforts vont vers le même
but, nous réunirons dans un même travail ces trois comparais
ons, et nous allons chercher à définir successivement l'aliéna
tion par rapport au normal, au criminel et à tous les malades
du cerveau qui ne sont pas proprement des aliénés.
I. — DISTINCTION ENTRE L'INDIVIDU SAIN ET L'ALIÉNÉ
C'est une distinction qui a toujours intéressé le grand
public; elle a le piquant d'une discussion littéraire, et de plus, 302 MÉMOIRES ORIGINAUX
par l'espèce d'inquiétude qu'elle inspire sur les limites de la
folie, elle donne une sensation d'intérêt mêlée d'un peu d'effroi.
Le profane se dit tout bas : « Je sais que j'ai tel trouble intel
lectuel et moral, dont je n'aime pas parler. Est-ce que je serais
fou? » Aussi, tous les livres sur « Les frontières de la folie »
et sur « Les Demi-fous » sont-ils d'un succès certain en
librairie. D'autres considérations moins frivoles s'ajoutent
pour augmenter l'attrait de la question. Il est important de
savoir distinguer le normal et le fou, parce que si cette dis
tinction est difficile ou sujette à erreur, la société court des
risques; le risque est double : d'une part, il peut arriver qu'on
commette des séquestrations arbitraires, c'est-à-dire
interne des gens sains d'esprit qu'on a pris pour des fous
et le public s'émeut toujours à la seule possibilité de cette
erreur si redoutable; d'autre part, on risque de laisser en
liberté des fous dangereux, qui font toutes sortes de désordre
ou accomplissent des homicides. De plus, l'importance du dia
gnostic de folie ne se fait pas seulement sentir dans les ques
tions d'internement; mais aussi dans la discussion de la capac
ité civile des individus ; l'aliéniste a parfois à se prononcer sur
la validité d'un contrat, d'une donation ou d'un testament; il
est clair que si l'individu qui dispose de ses biens est aliéné
au moment de l'acte, son consentement n'a pas de valeur juri
dique. Enfin, on peut à toutes ces considérations en ajouter
une dernière, celle de la science et de la philosophie : il y a un
intérêt primordial à définir la folie par rapport à l'état normal,
afin qu'on sache en quoi consiste un trouble morbide de l'intell
igence, et ce qui le sépare d'un fonctionnement qui est normal
et qui tout en restant normal peut être entaché d'erreur.
Certes, cette question est une des plus difficiles à résoudre,
et ceux qui s'y sont essayés s'en sont rendu compte ; beaucoup
se sont contentés de la traiter par la méthode de l'anecdote, et
après avoir rapporté un grand nombre de faits curieux ou
troublants, ils terminent par une conclusion evasive.
Nous noua placerons tour à tour à un double point de vue,
médical et sociologique.
Point de vue médical. — Pour le médecin, un aliéné est un
individu qui offre deux caractères principaux : d'abord c'est
un malade, et en outre il présente des troubles mentaux, qui
rentrent dans des cadres connus, précisément dans les cadres
de l'aliénation. ET SIMON. — DÉFINITION DE L'ALIÉNATION 303 BINET
1° L'aliéné est un malade. — II est admis par tous les
médecins que l'aliénation est un phénomène appartenant à la
pathologie ; et de fait on lui suppose ou on lui rencontre un
accompagnement de désordres somatiques; il peut y avoir un
dépérissement général, un mauvais état des fonctions organi
ques, Dans la mélancolie, par exemple, les digestives
sont troublées, la circulation périphérique est modifiée, etc.
Dans la démence sénile, les pertes de mémoire et l'incohérence
verbale correspondent à un état de sénescence du système
nerveux. Dans un certain nombre de maladies mentales, il
existe des lésions organiques importantes : par exemple dans
la paralysie générale, on observe une méningo-encéphalite
diffuse. Pour d'autres maladies mentales, on soupçonne des
phénomènes d'intoxication.
A un autre point de vue, les aliénés sont des malades : par
les malformations de leur corps, et par leur hérédité. Divers
auteurs assurent que les aliénés sont porteurs de stigmates de
dégénérescence, tels que déformations crâniennes, asymétrie
faciale, et que si les individus normaux ne sont pas indemnes
de ces stigmates, ils en présentent bien moins que les aliénés.
Quand à leur hérédité, on admet couramment que les aliénés
pris en masse ont plus d'antécédents pathologiques que le
reste de l'humanité. C'est pour cette raison qu'on les appelle
couramment des dégénérés et qu'on a même dit que la folie est
un phénomène de dégénérescence. On entend par là une héré
dité chargée qui produit chez les descendants une diminution
de tout l'être physique et moral. Il existe, il est vrai, des diver
gences entre les auteurs, et tandis que quelques-uns admett
ent que la dégénérescence englobe toute l'aliénation, d'autres
aliénistes supposent que certaines formes d'aliénation subis
sent l'influence d'une hérédité pathologique particulièrement
lourde, et méritent seules d'être appelées folie des dégénérés
(Magnan). Mais peu importent pour le moment ces nuances,
puisque tous les esprits compétents sont d'accord pour
admettre le rôle important que joue l'hérédité en aliénation.
Depuis Morel, depuis Moreau de Tours, on n'en doute plus.
Nous ferons remarquer, à propos de ce premier caractère,
qu'il ne suffit pas à constituer un aliéné ; car beaucoup d'aliénés
authentiques ne présentent aucun symptôme de désordre
physique; ainsi on est encore à chercher la maladie physique
des persécutés; les stigmates physiques de dégénérescence
sont-ils même plus nombreux chez les aliénés que chez les 304 MÉMOIRES ORIGINAUX
individus sains? Peut-être, si on se contente de moyennes; et
peut-être aussi, si on fait surtout entrer en ligne de compte
dans le calcul de moyennes les anormaux (idiots, imbéciles et
débiles) qui sont souvent surchargés de stigmates; mais ne
rencontre-ton pas des aliénés avérés qui en sont dépourvus
totalement? Et cependant ils n'en sont pas moins des aliénés.
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