Deux problèmes de l art épistolaire au XIXe siècle : besoin de communication et exigence stylistique - article ; n°1 ; vol.39, pg 175-190
17 pages
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Deux problèmes de l'art épistolaire au XIXe siècle : besoin de communication et exigence stylistique - article ; n°1 ; vol.39, pg 175-190

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1987 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 175-190
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Volker Kapp
Deux problèmes de l'art épistolaire au XIXe siècle : besoin de
communication et exigence stylistique
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1987, N°39. pp. 175-190.
Citer ce document / Cite this document :
Kapp Volker. Deux problèmes de l'art épistolaire au XIXe siècle : besoin de communication et exigence stylistique. In: Cahiers
de l'Association internationale des études francaises, 1987, N°39. pp. 175-190.
doi : 10.3406/caief.1987.2432
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1987_num_39_1_2432DEUX PROBLEMES DE L'ART EPISTOLAIRE
AU XIXe SIECLE :
BESOIN DE COMMUNICATION
ET EXIGENCE STYLISTIQUE
Communication de M. Volker KAPP
(Trêves)
au XXXVIIIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1986
La lettre occupe une place importante dans la vie quo
tidienne du XIXe siècle. Jamais auparavant elle n'a été un
moyen de communication aussi répandu. Or la critique li
ttéraire d'aujourd'hui tend à sous-estimer l'art épistolaire du
siècle dernier. Personne n'a étudié l'évolution de l'art épis
tolaire à l'époque, ni dressé une liste des manuels de cet art
qui sont alors publiés (1). Les savants éditeurs de la cor
respondance des grands auteurs s'intéressent à tout, sauf
à l'art épistolaire dans le sens rhétorique du terme.
Certes, le Romantisme se déchaîne contre la 'rhétorique.
Mais il serait prématuré d'en conclure que le genre épis
tolaire se libère de l'emprise des règles enseignées par les
traités d'éloquence. Tout au contraire, la rhétorique se maint
ient dans les programmes scolaires et l'art épistolaire se
vulgarise. En 1873, le Dictionnaire du XIXe siècle de
Larousse vante la diffusion universelle du genre de la
lettre :
(1) Les travaux de Jacques-Philippe Saint-Gérand contiennent des infor
mations qui m'ont été très précieuses. Voir surtout ses Repères pour une
histoire de la langue française au XIX1 siècle, dans : La Licorne 4 (1980),
p. 95-121, 5 (1981), p. 237-274, 7 (1983), p. 239-306. Je tiens également à
remercier Mme Françoise Karro (Paris), à qui je dois d'intéressantes
remarques. 176 VOLKER KAPP
Tout le monde ne compose pas des histoires, des romans
ou des traités philosophiques, tandis que tout le monde écrit
des lettres (2).
Ajoutons que, longtemps, la lettre fictive et la lettre
authentique ont également fait partie de la littérature épis-
tolaire, l'une ayant le même statut que l'autre et obéissant
aux mêmes règles. Mais, au xixe siècle, les manuels spécial
isés excluent les romans par lettres de leurs dévelop
pements sur l'art épistolaire : la lettre authentique éclipse
ainsi la lettre fictive, sans que cette préférence marquée
pour l'authenticité signifie un renoncement à la rhétorique
traditionnelle. Il s'agit seulement d'un changement de mod
èle : désormais, les apprentis épistoliers sont invités à
étudier et à imiter les lettres authentiques de Mme de Sévigné
ou de Voltaire, de Мше de Maintenon ou de Paul-Louis
Courier.
Il va de soi que toute lettre suit les règles de l'art épis
tolaire et les réflexions sur ce problème sont plutôt rares
dans la correspondance des grands auteurs du XIXe siècle.
Baudelaire avoue à Madame Aupick qu'une « lettre (lui)
coûte plus à écrire qu'un volume » (3). Il n'est pas de ceux
qui écrivent facilement, surtout quand il s'agit d'écrire à
sa mère. Il lui adresse le 26 mars 1860 la prière suivante :
Ne m'envoie pas un de ces torrents de reproches qui me font
tant de mal, à moi que tu crois insensible. ...Tu ne peux pas
t'imaginer les inquiétudes que tu me causes en me disant ces
choses-là. Alors je me mets à trembler, et tantôt par la crainte
de tes reproches, tantôt par la peur d'apprendre sur ta santé
des nouvelles affligeantes, je n'ose pas décacheter tes lettres (4).
Le dégoût que Baudelaire éprouve vient en premier lieu
du type d'information qu'il doit confier à un tel billet ou
qu'un tel écrit est présumé contenir. Il le dit d'ailleurs
lui-même dans une lettre du 31 décembre 1857 à Armand
Du Mesnil :
(2) Vol. X, Paris, 1873, p. 418.
(3) Œuvres complètes. Correspondance générale, Paris, 1947-1948,
tome I, p. 98.
(4) Œuvres générale, tome III, p. 76. ÉPISTOLAIRE AU XIXe SIÈCLE 177 L'ART
Je voudrais bien aussi être dispensé de formuler une demande
par écrit, pour la simple raison que ce genre de lettre est pour
moi une fatigue de cerveau plus grande que la confection d'un
poëme (5).
Les affaires quotidiennes le paralysent, c'est pourquoi il
écrit, suivant sa formule dans une lettre à Mme Aupick,
« imaginativement » (6) et reste bloqué quand il s'agit de
confier ses idées au papier. Mais il ne récuse pas la lettre
en tant que telle, sinon sa correspondance ne serait pas te
llement vaste.
Son agressivité vis-à-vis de sa mère ne se déchaînerait
pas dans sa correspondance si le genre épistolaire ne per
mettait pas des libertés inconnues jusqu'au XIXe siècle. C'est
le genre littéraire qui encourage à ouvrir son cœur, à s'adon
ner à la confidence, à se communiquer aussi librement que
dans le journal intime. Cette possibilité d'ouverture à un
autre peut rendre insupportable la lettre, quand elle passe
à l'attaque ; elle comporte, dans d'autres cas, une force
consolatrice, reconnue par Baudelaire qui se plaint auprès
d'Ancelle que sa lettre est « excellente..., mais impuissante
à calmer (ses) nombreuses colères » (7).
La franchise épistolaire est un effet de l'évolution du
genre à partir du modèle de la lettre authentique. Elle cause,
au début du XIXe siècle, l'essor de la lettre familière. Les
jeunes romanciers réalistes en écrivent abondamment. Ils
ressentent un besoin d'amitié, un désir de s'exprimer et
de s'entretenir avec un petit nombre de confidents, bref
d'écrire des lettres familières dans le style de Mme de
Sévigné, dont l'originalité consiste « dans l'emploi, en dehors
d'une liaison amoureuse, d'un vocubulaire et d'un style
qu'une tradition de cinquante années avait réservés, dans le
domaine épistolaire, à la lyrique amoureuse » (8). Flaubert,
. (5) Œuvres complètes. Correspondance générale, tome II, p. 114.
(6)I, p. 189.
(7) Œuvres générale, tome IV, p. 257.
(8) Bernard Bray, L'art de la lettre amoureuse. Des manuels aux romans
(1550-1700), La Haye -Paris, 1967, p. 12.
12 178 VOLKER KAPP
qui effraie Louise Colet par sa devise « de ne rien mettre de
(lui) dans (ses) œuvres... (et) de ne pas rapetisser l'Art à
la satisfaction d'une personnalité isolée » (9), ce même Flau
bert qualifie sa lettre à Ernest Chevalier du 24 août 1838 de
« lettre dans le genre de celles de Mme de Sévigné » (10). Il
le prie inlassablement de lui répondre « le plus vite pos
sible» (11) et d'écrire «d'aussi longues lettres» (12) que
lui-même. La correspondance de Stendhal avec sa sœur
cadette Pauline est encore plus révélatrice à cet égard.
Stendhal pousse sa sœur à lui écrire. Quand elle lui
envoie un billet, il réplique sur le champ qu'il aurait « désiré
un peu plus de longueur » (13). Il s'impatiente et demande :
Comment dans la vie tranquille que tu mènes, ne trouves-tu
pas un instant à sacrifier à un frère qui t'aime tendre
ment ? (14)
Cette tendresse est exigeante, car elle requiert des lettres
longues et fréquentes et elle les sollicite si souvent qu'elle
doit recourir à des procédés rhétoriques pour masquer la
répétition :
Pourquoi ne m'écris-tu pas, ma chère Pauline, moi qui suis
obligé de tracer lentement ces caractères informes avec une
plume de poulet ? Je mets tout en mouvement pour m'entre-
tenir avec toi, et toi qui es au milieu de belles plumes de
Hollande tu ne me dis jamais rien (15).
L'histoire du frère écrivant avec une plume de poulet est
inventée pour construire une antithèse avec les belles plumes
de H

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