« Deux sortes de peintures » - article ; n°1 ; vol.22, pg 35-69
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1997 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 35-69
Philippe Déan : Deux sortes de peinture.
Les Essais sur la peinture sont issus de la volonté de rassembler les connaissances de Diderot afin de penser l'image selon des critères qui assurent l'unité et l'idéal de sa signification. Dans une addition tardive aux Essais, le critique d'art divise cependant la peinture en deux sortes dont l'opposition mine la volonté de synthétiser sa pensée sur l'image. L'une accorde une place prépondérante au détail dans son régime de signification. C'est lui qui assure la lisibilité, la décomposition de sa totalité en parties qui attestent le réalisme et le sens de l'image. L'autre au contraire pose la notion de détail pour mieux en relativiser la portée théorique et reconnaître que la peinture peut être aussi brouillage et aveuglement par rapport au modèle. Une telle divergence d'effets impose une nécessaire disjonction des modes d'être du regard et du savoir, ainsi qu'un déplacement des catégories de la connaissance. À travers cette dialectique d'effets contradictoires, c'est bien la reconnaissance d'une économie irrationnelle des images dont Diderot se fait le témoin.
Philippe Déan : « Two Sorts of Painting »
The Essais sur la peinture resulted from Diderot's desire to bring together his knowledge in order to think about pictorial representation according to criteria which could provide a unified ideal explanation of its meaning. In a late addition to the Essais, he nevertheless divided painting into two opposing types, which undermined his desire to synthesize his thinking on the subject. In the first type, detail plays the dominant role in its sytem of meaning and ensures ease of understanding, the breaking down of the whole into parts which bear witness to realism and a feeling for the picture. The other, on the contrary, posits the notion of detail only in order to reduce its theoretical importance and to recognise that painting can also be a blurred version of its model. This great difference in effect imposes a necessary separation of modes of seeing and knowing, as well as a displacement of the categories of knowledge. Through this dialectic of contradictory effects, Diderot is in fact recognising an irrational economy of pictures.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Philippe Déan
« Deux sortes de peintures »
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 22, 1997. pp. 35-69.
Citer ce document / Cite this document :
Déan Philippe. « Deux sortes de peintures ». In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 22, 1997. pp. 35-69.
doi : 10.3406/rde.1997.1376
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1997_num_22_1_1376Résumé
Philippe Déan : Deux sortes de peinture.
Les Essais sur la peinture sont issus de la volonté de rassembler les connaissances de Diderot afin de
penser l'image selon des critères qui assurent l'unité et l'idéal de sa signification. Dans une addition
tardive aux Essais, le critique d'art divise cependant la peinture en deux sortes dont l'opposition mine la
volonté de synthétiser sa pensée sur l'image. L'une accorde une place prépondérante au détail dans
son régime de signification. C'est lui qui assure la lisibilité, la décomposition de sa totalité en parties qui
attestent le réalisme et le sens de l'image. L'autre au contraire pose la notion de détail pour mieux en
relativiser la portée théorique et reconnaître que la peinture peut être aussi brouillage et aveuglement
par rapport au modèle. Une telle divergence d'effets impose une nécessaire disjonction des modes
d'être du regard et du savoir, ainsi qu'un déplacement des catégories de la connaissance. À travers
cette dialectique d'effets contradictoires, c'est bien la reconnaissance d'une économie irrationnelle des
images dont Diderot se fait le témoin.
Abstract
Philippe Déan : « Two Sorts of Painting »
The Essais sur la peinture resulted from Diderot's desire to bring together his knowledge in order to
think about pictorial representation according to criteria which could provide a unified ideal explanation
of its meaning. In a late addition to the Essais, he nevertheless divided painting into two opposing types,
which undermined his desire to synthesize his thinking on the subject. In the first type, detail plays the
dominant role in its sytem of meaning and ensures ease of understanding, the breaking down of the
whole into parts which bear witness to realism and a feeling for the picture. The other, on the contrary,
posits the notion of detail only in order to reduce its theoretical importance and to recognise that
painting can also be a blurred version of its model. This great difference in effect imposes a necessary
separation of modes of seeing and knowing, as well as a displacement of the categories of knowledge.
Through this dialectic of contradictory effects, Diderot is in fact recognising an irrational economy of
pictures.Philippe DEAN
Deux sortes de peintures »
De son propre aveu, l'année 1765 représente pour Diderot un point
culminant dans son entreprise de connaissance des arts1 lancée depuis les
premiers articles de Y Encyclopédie. Ce moment d'acmé se double d'une
réussite littéraire atteinte dans l'écriture des Salons. Le Salon de 1765 est,
selon son propre mot, « la meilleure chose que j'ai faite depuis que je
cultive les lettres »2. De fait la confrontation du Salon et des Essais sur la
peinture met en évidence que la qualité littéraire accompagne
nécessairement la position de maîtrise du savoir pictural. Écrits dans son
prolongement direct, les Essais sur la peinture rédigés en 1766, ont été
conçus « pour faire suite au Salon de 1765 ». À suivre l'opinion commune
des commentateurs, on pourrait croire que la rédaction de Y Encyclopédie
achevée, Diderot a voulu délier sa prose d'écrivain en se libérant d'un
régime d'énonciation contraint par une position de savoir obligée. Il n'en
est rien. Les Essais se donnent comme la synthèse la plus aboutie de ses
connaissances en arts et visent l'instruction des peintres. Et puisque les
Salons ne se départaient pas d'une intention de juger les peintres et leurs
œuvres, il fallait affiner les catégories du jugement. C'est à cette fin que les
pages finales du Salons de 1765 s'affichent :
« Pour cet effet, nous oserons donner un petit traité de peinture et
parler à notre manière et selon la mesure de nos connaissances, de dessin,
de la couleur, du clair-obscur, de l'expression et de la composition »3.
Produire un petit organon de la science picturale dans lequel l'activité
du regard serait analysée en fonction de cinq catégories de savoir (dessin,
couleur, clair-obscur, expression, composition) n'était possible qu'à
1. Correspondance, t. V, Paris, Minuit, 1959, pp. 166-167.
2. Ibid. Cité par E. M. Bukdahl dans son introduction au texte des Essais sur la
peinture, suivi des Salons de 1759, 1761 et 1763, Hermann, 1984, p. 11.
3. Salon de 1765, Hermann, 1984, p. 328. Cf. Œuvres Esthétiques, éditées par Paul
Vernière, Paris, Garnier, 1968, p. 659. Les références à cette édition seront abrégées par les
initiales O. Esth.
Recherches sur Diderot et sur Y Encyclopédie, 22, avril 1997 36 PHILIPPE DÉAN
condition d'en déclarer d'emblée la soumission au modèle d'organisation
et de classification des savoirs des Belles Lettres. Buisson l'annonçait
clairement dans sa préface de l'édition de 1795 :
« On verra... quels secours peuvent tirer les arts de la perspicacité du
véritable homme de lettres et des réflexions du philosophe. (...) L'imitation
de la nature, l'idée du Beau, la connaissance approfondie des passions ont
été l'objet de leurs études : c'est la base de tous les arts ; c'est celle de la
peinture et de la sculpture, comme de l'éloquence et de la poésie »4.
Poursuivant ainsi une vieille tradition humaniste qui, depuis 1435 et le
De Pictura d'Alberti, fondait intellectuellement la pratique de la peinture,
Diderot s'arroge le prestige d'instruire les peintres en sa qualité d'homme
de Lettres et de philosophe. Il reprend le découpage théorique de la
représentation picturale en catégories dont le principe et l'organisation
logiques trouvent leur origine dans le modèle de la rhétorique antique5.
Aussitôt posées dans son introduction, ces cinq parties sont associées,
dans leur fonctionnement, à l'art de l'éloquence et de la poésie, soit à une
rhétorique et à une poétique, poursuivant ainsi le débat de l' ut pictura poesis.
L'application de ce précepte demandait au poème de confondre ses pouvoirs
de représentation avec ceux d'une image, mais n'en exigeait pas moins de
l'image de fonctionner sur un modèle langagier. Charles Alphonse Du
Fresnoy en 1667, traduit par Roger de Piles, formulait explicitement ce jeu
d'identité réciproque présupposée par la circularité des codes :
« La peinture et la poésie sont deux sœurs qui se ressemblent si fort
en toutes choses, qu'elles se prêtent alternativement l'une à l'autre leur
office et leur nom. On appelle la première poésie muette, et une
peinture parlante »*\
Si la peinture est chose de l'esprit, c'est afin d'unifier sa pratique,
c'est dans le but de subsumer ses pouvoirs sous l'autorité de concepts
unitaires. Cinq termes techniques, autant « d'expressions magiques »7, cinq
4. Ibid., p. 660.
5. Cf. J. Lichtenstein, La couleur éloquente, Flammarion, Paris, 1989. Sur la
permanence de ce découpage théorique au XVIIIe siècle voir le Parallèle de l'éloquence et
de la peinture de Charles-Antoine Coypel, Mercure de France, Paris, 1751.
6. DeArte Graphica, traduction Roger de Piles, L'art de peinture, 2ème éd., Paris, N.
Langlois, 1673 (lère éd., 1668), v. 1-4, t. II, p. 3. Cf. également ibid., p. 93. L'importance
d'un tel texte peut se mesurer au nombre de rééditions qui se sont succédées jusqu'au dix-
neuvième siècle, ainsi qu'à la multiplication des traductions en italien, anglais, allemand qui
en assurèrent la renommée au dix-huitème siècle. Même formulation chez L. de Vinci : « La
peinture est une poésie muette et la poésie une peinture aveugle » Traité de Peinture (1478-
1518), trad. A. Chastel, éd. Berger- Levrault, Paris, 1987, § 23 p. 90. Voir également, entre
autres références, le Dictionnaire iconologique de Lacombe de Prezel, Paris, 1779, p. 9.
7. O. Esth., op. cit., p. 19. « DEUX SORTES DE PEINTURES » 37
concepts théoriques, autant de clés qui visent à expliquer le fonctionnement
de la peinture depuis la Ren

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