Diderot et l abbé Baudeau : les colonies de Saratov et la civilisation de la Russie - article ; n°1 ; vol.14, pg 23-83
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Diderot et l'abbé Baudeau : les colonies de Saratov et la civilisation de la Russie - article ; n°1 ; vol.14, pg 23-83

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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1993 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 23-83
Gianluigi Goggi (with the collaboration of Georges Dulac) : Diderot and abbé Baudeau : the Saratov Colonies and the Civilisation of Russia.
Baudeau published in Jan-Sept 1776 six articles on Russia in the Ephimérides du citoyen, in which he discussed Catherine II's reforms, particularly her project of establishing colonies in the Saratov area near the river Volga, in order to attract foreigners. According to Baudeau these colonies would be the starting-point for a process of civilisation from the bottom up and from within Russia that would create a third estate and thus radically transform society. The novelty of this programme is emphasized by the word civilization which Baudeau uses frequently in these articles. This term (whose use spread in the 1760s thanks to him and to the marquis of Mirabeau) takes on a special meaning: it is not the slow, gradual and somehow natural process which, for the Scottish thinkers, characterizes the natural history of society, but instead a political project intended to transform society from the barbarian to the civilized stage, via certain intermediate stages. The importance of these hitherto ignored articles can be seen in the fact that Diderot certainly read them and that they played a role in the genesis of his political fragment Sur la Russie (1772), afterwards developed in the Mémoires pour Catherine II.
61 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Mr Gianluigi Goggi
Georges Dulac
Diderot et l'abbé Baudeau : les colonies de Saratov et la
civilisation de la Russie
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 14, 1993. pp. 23-83.
Abstract
Gianluigi Goggi (with the collaboration of Georges Dulac) : Diderot and abbé Baudeau : the Saratov Colonies and the Civilisation
of Russia.
Baudeau published in Jan-Sept 1776 six articles on Russia in the Ephimérides du citoyen, in which he discussed Catherine II's
reforms, particularly her project of establishing colonies in the Saratov area near the river Volga, in order to attract foreigners.
According to Baudeau these colonies would be the starting-point for a process of civilisation from the bottom up and from within
Russia that would create a third estate and thus radically transform society. The novelty of this programme is emphasized by the
word civilization which Baudeau uses frequently in these articles. This term (whose use spread in the 1760s thanks to him and to
the marquis of Mirabeau) takes on a special meaning: it is not the slow, gradual and somehow natural process which, for the
Scottish thinkers, characterizes the "natural history of society", but instead a political project intended to transform society from
the barbarian to the civilized stage, via certain intermediate stages. The importance of these hitherto ignored articles can be seen
in the fact that Diderot certainly read them and that they played a role in the genesis of his "political fragment" Sur la Russie
(1772), afterwards developed in the Mémoires pour Catherine II.
Citer ce document / Cite this document :
Goggi Gianluigi, Dulac Georges. Diderot et l'abbé Baudeau : les colonies de Saratov et la civilisation de la Russie. In:
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 14, 1993. pp. 23-83.
doi : 10.3406/rde.1993.1206
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1993_num_14_1_1206Gianluigi GOGGI
Diderot et l'abbé Baudeau :
les colonies de Saratov
et la civilisation de la Russie
certain le dans et baron homme 1. la — monsieur matinée de Dans de même lettres son du de journal nom 28 Zanthier», suisse, mars dont de relate voyage, on 1768, trouve qu'on les entre Georges propos peut quelques Diderot sans Louis sur traces doute la et Schmid, Russie un dans identifier visiteur, philosophe échangés, la correavec «un
spondance diplomatique de l'époque1. Voici le récit que Schmid donne
de cette conversation :
Un certain monsieur de Zanthier qui, pendant la dernière guerre, avait
servi comme volontaire dans l'armée de Prusse et qui, ensuite, est entré
au service de la Russie, nous interrompit. Maintenant il est au service de
la France. Diderot semblait avoir des relations amicales avec lui : à moi, il
me paraissait un peu gascon. Monsieur de Zanthier était de l'avis que les
Russes, une fois disciplinés et le nombre de la population augmentant,
se verraient obligés d'utiliser à l'avenir leur bravoure et leur esprit
guerrier pour conquérir des contrées plus tempérées, étant donné l'étendue
et l'état sauvage de leur empire. Ils entreprendraient de nouvelles
grandes invasions pour se lancer vers les régions situées plus au sud,
peut-être contre la Turquie et l'Allemagne. «Ne craignez rien, dit
Diderot, la population russe ne peut jamais gagner une telle importance.
Le climat y est trop rude. Il faut toujours y avoir des forêts immenses, et
le bois ne pousse qu'avec une lenteur extrême» (Seifert, 1987, p. 240).
Nous avons déjà eu l'occasion de vérifier l'exactitude de la relation
de Schmid et de montrer l'intérêt que présentent les propos échangés
par Diderot et M. de Zanthier2. Nous nous proposons cette fois d'étudier
la genèse de l'argumentation employée par Diderot, et d'éclairer quelques
1. Voir V Annexe I.
2. Goggi 1991. Voir la liste des abréviations à la fin de l'article.
Recherches sur Diderot et sur V Encyclopédie, 14, avril 1993 GIANLUIGI GOGGI 24
aspects du débat sur la civilisation de la Russie tel qu'il se développe en
France vers le milieu des années 60.
2. — «Forêts immenses » et sous-développement démographique.
Voyons tout d'abord comment on peut caractériser l'argumentation
de Diderot3. Dans la littérature consacrée à la Russie, la relation établie
entre ses forêts immenses et son démographique est
généralement simple, directe : l'existence de vastes forêts s'accompagne
d'un faible peuplement, c'est une situation de fait. A partir de ce rapport
de cause à effet, la situation démographique peut être modifiée : il suffit
d'abattre les forêts.
A cette relation simple Diderot tend à en substituer une plus complexe,
qui détermine un blocage de la situation où se trouve la Russie. Elle
résulte de l'âpreté du climat russe et de la nécessité de disposer de bois de
chauffage pour la combattre. On pourrait lever l'obstacle que les forêts
immenses opposent au développement démographique, mais, en coupant
les forêts, on exposerait les hommes au froid. Telle est donc la situation
bloquée où se trouve la Russie : d'une part, des forêts immenses qui
enlèvent beaucoup d'espace aux hommes et qu'il faudrait couper pour
accroître la population ; de l'autre, la nécessité de ces forêts pour fournir
à la population le bois de chauffage qui lui sert à se défendre du froid4.
On peut donc conclure que selon Diderot la relation, de simple
qu'elle était, devient complexe, si l'on tient compte du climat de la Russie
et de la fonction des forêts qui sont des réservoirs de bois de chauffage.
C'est bien dans cette relation complexe que réside le caractère spécifique
de son argumentation.
3. — La reprise de l'argumentation de Baudeau.
Pour retrouver une argumentation semblable à celle de Diderot, il
faut se reporter à un texte publié par l'abbé Baudeau dans les Éphémérides
du citoyen du 6 janvier 1766 sous le titre Du monde politique5.
Avec le projet de présenter aux lecteurs un tableau de «tous les
3. Diderot reprend la même argumentation dans un passage de la première édition
de Y Histoire des deux Indes (H 70, t. II, liv. V, p. 204; voir Goggi 1991) et dans une
addition de la troisième édition de l'ouvrage de Raynal (H, X, liv. XIX, ch. 2, p. 43). Ce
dernier passage est repris dans le manuscrit Sur la civilisation de la Russie (Mél., p. 376).
4. Il est à remarquer que, dans la Russie du xvme siècle, une série de mesures légis
latives visa à protéger les forêts et en régler la coupe (voir Eeckaute 1968 et Jones 1984
(a), pp. 64 et 148-149). Il est difficile d'établir si Diderot a connu des aspects de cette
législation.
5. EPH, 1766, II, 17-32. Dans les références qui suivent la mention « 1766» est sous-
entendue. Le tome est indiqué en chiffres romains, la page en chiffres arabes. Les autres
cinq livraisons Du monde politique, toutes consacrées à la Russie, paraissent aux dates
suivantes : EPH, 10 mars, III, 32-48 : 15 septembre, VI, 65-80 ; 19 septembre, VI, 81-96 ;
22 septembre, VI, 97-112 ; 26 septembre, VI, 113-128. Sur ces livraisons, voir les remarques
de Dubois 1910 et de Jobert 1941, pp. 22-23. DIDEROT ET L'ABBÉ BAUDEAU 25
empires de l'univers connu » (EPH, II, 17-18 : « Le but des Éphémérides
étant d'éclairer la Nation sur ses vrais intérêts, & d'animer son zèle
pour tous les objets qui peuvent concourir à la prospérité de la Patrie,
nous devons donner dans nos feuilles une esquisse du grand tableau de
l'Univers politique»), l'abbé commence par la partie septentrionale de
l'Europe, c'est-à-dire par la Russie. Son analyse part de l'intention de
faire comprendre aux «lectrices mêmes» des Éphémérides du citoyen,
ce qu'est, dans le moment présent, l'empire de Russie « par rapport aux
vrais & solides intérêts de la France, ce qu'elle en peut espérer, ce
qu'elle n'en doit pas prétendre, ce qu'elle en pourroit appréhender en
certaines circonstances, relativement à sa gloire & à son bonheur»
(EPH, II, 19).
Or, de ce point de vue, l'empire de la Russie pourrait sembler
« effrayant » : en effet il «paroît immense au premier coup d'œil, quand
on n'envisage que la superficie ». Bien que sa majeure partie soit « occupée
par des Forêts et des déserts»6, «la politique foible & timide regarde
quelquefois avec frayeur ces va

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