Divination et possession chez les Mofu, montagnards du Nord-Cameroun - article ; n°1 ; vol.41, pg 71-132
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1971 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 71-132
62 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Extrait

Jeanne-Françoise Vincent
Divination et possession chez les Mofu, montagnards du Nord-
Cameroun
In: Journal de la Société des Africanistes. 1971, tome 41 fascicule 1. pp. 71-132.
Citer ce document / Cite this document :
Vincent Jeanne-Françoise. Divination et possession chez les Mofu, montagnards du Nord-Cameroun. In: Journal de la Société
des Africanistes. 1971, tome 41 fascicule 1. pp. 71-132.
doi : 10.3406/jafr.1971.1686
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1971_num_41_1_1686J. de la Soc. des Africanistes
XLI, i, 1971, p. .71-13:2.
DIVINATION ET POSSESSION CHEZ LES MOFU,
MONTAGNARDS DU NORD-CAMEROUN
PAR
Jeanne-Françoise VINCENT
Souligner la situation privilégiée qu'occupe la divination dans une société africaine
risque bien d'être banal. Nombreux en effet sont les observateurs qui ont montré
comment la divination intervenait non seulement dans les moindres démarches de
la vie quotidienne mais aussi lors des décisions engageant le groupe tout entier. Ce
constat d'importance n'a pourtant pas suscité, comme on aurait pu le croire, de nomb
reuses études du phénomène en tant que tel.
Sans doute la tâche peut-elle paraître ingrate puisqu'elle consiste d'abord à clas
ser et comprendre : les divers domaines de la pratique divinatoire, les types de pro
cédés utilisés — c'est bien là le plus ardu d'ailleurs — enfin les activités du person
nel spécialisé. Ce premier stade est pourtant essentiel : il faut avoir démonté la tech
nique qu'emploie le devin pour apprécier son objectivité ou plus exactement la liberté
dont il dispose à l'intérieur du système.
A un niveau plus profond de compréhension la divination offre également un grand
intérêt. Elle apparaît en effet comme le véritable « phénomène social total ». Elle
permet d'abord d'appréhender concrètement les conflits d'ordre familial ou social
ainsi que les angoisses et tensions relevant du domaine religieux. Et aussi, de façon
spontanée, elle révèle l'idée que se font les gens de l'organisation idéale de leur
société tout en dévoilant leur conception du surnaturel.
C'est en fonction de cette double démarche que nous présenterons la divination
propre aux Mofu, montagnards du Nord-Cameroun.
Nous nous préoccuperons d'abord des procédés car les modalités de la
méritent en elles-mêmes l'attention : les formes que prend cet art sont, on le sait,
d'une extraordinaire variété qui ne fait que traduire la diversité des types de civi
lisation. Or, dans les études sur la divination, particulièrement celles qui ont trait
à des civilisations disparues — babylonienne, ou romaine, voire celtique, par
exemple — les auteurs regrettent de n'avoir pas assez de descriptions précises des
procédés employés ni de renseignements concernant la place du devin dans sa
société г. Nous examinerons donc en détail les techniques Mofu — puisqu'il est encore
1. Cf. « La divination », ouvrage collectif publié sous la direction d'A. Caqcot et M. Leibovici, Paris, P. U. F.,
1968. 72 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
possible de les étudier à loisir — techniques diverses et souvent subtiles, les unes
accessibles aux individus ordinaires, les autres réservées à quelques spécialistes ins
pirés par des génies particuliers. Nous nous attacherons particulièrement aussi à la
personne et au statut des devins Mofu, ces interprètes des signes, figures abstraites
parfois presque mathématiques, et événements de tous les jours.
Enfin à partir des nombreuses consultations divinatoires que nous avons enregis
trées nous essaierons d'exposer la représentation Mofu du monde naturel et surna
turel : ainsi serons-nous introduits au cœur même de la mentalité et des croyances
de ces montagnards.
I. Présentation des Mofu et inventaire de leurs procédés divinatoires.
Situons d'abord rapidement les Mofu dans le Cameroun ; le nord du Cameroun
se présente comme un triangle effilé d'environ 35 000 km2 s'étirant entre le 10e et
le 13e parallèle, densément peuplé puisqu'il ne compte pas moins de 1 010 000 habi
tants parmi lesquels on distingue des Foulbé et Islamisés, 270 000 environ, et des
Kirdi, de loin les plus nombreux, 740 000 environ К
Le terme commode de Kirdi — ou « païens » — rassemble en fait des populations
fort différentes par leur mode et leurs conditions de vie ; on peut introduire parmi
elles une distinction essentielle en séparant les Kirdi de plaine des Kirdi de mont
agne. La partie ouest du Nord-Cameroun — exactement l'angle ouest de ce triangle,
soit 7 000 km2 — est occupée en effet par un plateau montagneux de hauteur moyenne
800 à 1 400 m, peuplé par environ 340 000 Kirdi (cf. croquis de localisation).
Parmi ceux-ci les Mofu représentent un groupe assez important de 30 000 personnes
le troisième par le nombre après les Matakam ou Mafa leurs voisins (qui sont, eux,
plus de 100 000) et après les Fali (45 000) situés dans l'extrême sud de la zone mon
tagneuse (cf. la carte de situation du groupe Mofu). Les Mofu occupent le rebord est
du plateau ainsi que quelques montagnes-îles s'avançant dans la plaine de Maroua ;
ce sont donc des montagnards en contact direct vers l'est avec les Foulbé des plaines,
au milieu desquels s'insèrent divers groupes Giziga, mais s'appuyant également à
d'autres populations montagnardes : divers de la région de Mora au nord,
bloc solide représenté par les Matakam ou Mafa à l'ouest, « Mokon » et « Giziga mon
tagnards » enfin au sud.
Précisons tout de suite que ce terme de Mokon nous est propre. Nos enquêtes nous
ont en effet amenée à conclure que sous l'appellation unique de Mofu étaient regrou
pées abusivement deux populations — représentant plusieurs ensembles de massifs —
qui ne se reconnaissent quant à elles aucune parenté. Chacune ayant toujours dépendu
administrativement d'une préfecture différente, on s'explique que cette confusion
puisse se maintenir depuis quarante ans. Pourtant les points d'opposition sont nom
breux : habitation et greniers, poteries et costume des femmes, conceptions et fêtes
religieuses par exemple. Aussi, quant à nous, nous n'appelons « Mofu » que les Mofu
du Nord peuplant la préfecture du Diamaré et c'est en ce sens que nous l'emploie
rons dans cette étude. Pour les « Mofu » du Sud dépendant du Margui-Wandala nous
adoptons, faute de mieux, ce terme de « Mokon » employé par les Mofu du Nord pour
x. Ces chiffres de 1968, communiqués par le Ministère du Plan, couvrent les quatre préfectures du Logone et
Chari, Mayo-Danaï, Margui-Wandala et Diamaré ainsi que la sous-préfecture de Guider dans la préfecture de la
Benoué. DIVINATION 'ET POSSESSION CHEZ LES MOFU 73
Croquis de localisation des
Kirdi montagnards du Nord-Cameroun
désigner leurs voisins г. Il n'est pas inutile non plus de signaler que le terme de
« Mofu » est récusé par les intéressés, même ceux du Nord. Selon eux ce nom de
« Mofo » concerne uniquement leurs voisins Mafa et c'est par erreur qu'il leur a été
appliqué par les premiers administrateurs, le déformant légèrement en « Mofu ». Eux
se dénomment simplement ndu ma ngwaay 2, mot à mot « hommes des rochers » ou
« montagnards ».
Les observations qui suivent ont été effectuées au cours de huit missions d'un mois
en 1968, 69 et 70 dans les massifs de Durum, Wazan et Duvangar, ces trois massifs
contigus constituant un ensemble linguistiquement et culturellement homogène de
13 000 personnes. Des études comparatives ont également été menées dans le massif
de Masakal (1 000 personnes), et dans le massif de Gemjek (3 000 personnes) l'un
situé au sud, l'autre au nord des trois massifs frères et parlant chacun sa propre
langue 3.
1. Il est intéressant de noter dans une étude récente des traditions historiques des Peuls du Diamaré que ceux-ci,
voisins des Mofu, les divisent également en deux groupes entièrement distincts. Ils réservent aussi le terme de
Mofu aux seuls Mofu du Nord déclarant : « Du côté de Goudour, ce ne sont plus des Moufou. Toutes les populations
de la région (...) appartiennent à un même groupe ethnique » qu'ils désignent sous l'appellation de « Kora Dâba ».
-E. Mohammadou, «

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