Drogues et criminalité : point de vue critique sur les idées véhiculées  ; n°3 ; vol.21, pg 303-314
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Déviance et société - Année 1997 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 303-314
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Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

S. Brochu
Drogues et criminalité : point de vue critique sur les idées
véhiculées
In: Déviance et société. 1997 - Vol. 21 - N°3. pp. 303-314.
Citer ce document / Cite this document :
Brochu S. Drogues et criminalité : point de vue critique sur les idées véhiculées. In: Déviance et société. 1997 - Vol. 21 - N°3.
pp. 303-314.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1997_num_21_3_1635Déviance et Société, 1997, Vol. 21. No 3, pp. 303-314
actualités bibliographiques:
DROGUES ET CRIMINALITÉ :
POINT DE VUE CRITIQUE SUR LES IDÉES VÉHICULÉES
S.BROCHU*
Mots-clés: Drogues - Crime - Relation drogue/crime - Politique criminelle
Key-words: Drugs - Crime - Link drug/crime - Criminal Policy
La justice à beau suivre son cours,
elle n'en est pas plus instruite
Sol
Extrait du monologue La justice sans balance
On associe facilement drogue illicite et délinquance. Il est d'ailleurs établi depuis long
temps qu'il existe un lien entre l'abus de substances psycho-actives et la criminalité (Facy,
1991 ; Gossop, Roy, 1977; Hammersley, Forsyth, Lavelle, 1990; Kokkevi et al, 1993; Korf,
1994; pour ne nommer que quelques études).
Pourtant, rien n'est moins certain que la nature exacte du lien entre la drogue et le
crime. En fait, il y a des centaines de personnes qui, sans consommer, « squattent » le
phénomène de la consommation: les gens des médias, des groupes de pression... Vivant
de la consommation illicite des autres, ils nous offrent une compréhension subjective,
voire même bancale, du phénomène qu'ils exploitent. La population s'abreuve de ces
discours supportant la répression et la prohibition. La drogue illicite et la criminalité
deviennent ainsi des figures emblématiques de négatifs absolus1 dans l'imaginaire
social. Dans un tel contexte, que peut-il ressortir sinon l'intoxication des «bien-pen
sants» par une «overdose» de préjugés tentant de combler des connaissances lacu
naires.
Dans ce texte, nous présenterons les conclusions des études scientifiques portant sur la
relation drogue 2-crime tout en tentant de nous libérer du dogmatisme nord-américain
ultra-répressif en matière de substances psycho-actives3 pour tenter de conserver un
regard sobre sur le résultat des écrits scientifiques récents dans le domaine. Pour ce faire,
nous analyserons d'abord la consommation de drogues parmi les contrevenants. A l'i
nverse, nous tenterons également de mieux cerner les comportements délinquants manifest
és par les toxicomanes. Cette discussion nous conduira alors à l'analyse plus spécifique de
la nature de la relation drogue-crime.
* Université de Montréal, Ecole de criminologie, Centre international de criminologie comparée.
1 Selon l'expression de Lallemand (1995).
2 Seules les substances psycho-actives illicites feront l'objet de discussions dans cet ouvrage.
3 Dans cette analyse, nous priviligierons donc les études européennes. 304 Déviance et Société
I. La drogue parmi les personnes judiciarisées
Au cours des 20 dernières années, les présidents américains ont adopté un thème
fétiche: la guerre à la drogue. Ils sont devenus toxicomanophages en tentant, à tour de
rôle, de gagner ce combat... et leur réélection du même coup ! A l'instar des Etats-Unis,
les dirigeants politiques de plusieurs pays occidentaux ont été gagnés par l'idée que l'i
ntervention à privilégier auprès des toxicomanes s'avère la répression. On croit ainsi, par
une pensée magique, que l'interdit, la menace et la punition maîtriseront la consommat
ion.
Malgré ces politiques prohibitionnistes susceptibles de rendre l'accès au produit plus
difficile, les prix des drogues illicites ne sont pas à la hausse en Europe (Farell, Mansur,
Tullis, 1996). Bien au contraire, de nouvelles drogues (par ex. ecstasy) font leur apparition
en force.
Par l'application de politiques répressives, on tente de détourner notre attention des
causes mêmes de cette consommation abusive: l'exclusion sociale et culturelle, le dénue
ment économique, la perte d'identité (Castel, 1994, Castel et al, 1992; Hammersley, Morr
ison, 1988; Swierstra, 1994; Van Hecke, 1995); tout en marginalisant davantage le
consommateur.
Dans ces circonstances, rien d'étonnant que les prisons et les pénitenciers accueillent
un nombre considérable de toxicomanes: l'emprisonnement du consommateur devient
la norme plutôt que la mesure de dernier recours. En France, une recherche conduite
par Kensey et Cirba (1989) démontre que 10,7% des personnes incarcérées ont
consommé une drogue au moins deux fois par mois dans les trois derniers mois qui ont
précédé leur incarcération. De ce nombre, 61,7% faisait usage d'une substance psy-
choactive sur une base quotidienne. Pour leur part, Ingold et Ingold (1986) estimaient
que les toxicomanes représentaient 27% des admissions des établissements pénitent
iaires parisiens.
Il est bien évident que la prévalence d'usagers de drogues en prison est accentuée par
les politiques d'intolérance face aux consommateurs. Ainsi, la décriminalisation des gestes
entourant l'achat de drogues de concert avec l'application de politiques de réduction des
méfaits diminueraient la prévalence de consommateurs rencontrés par le système pénal. A
l'heure actuelle, un grand nombre de toxicomanes s'y retrouvent un jour ou l'autre (Covell
et al, 1993).
Cette répression du toxicomane a pour effet pervers de façonner l'espace d'enferme
ment en un lieu de consommation de drogues illicites. Ainsi, les circuits de trafic et de
consommation de drogues en détention se forgent au rythme de l'incarcération des traf
iquants (Chayer, Brochu, en préparation; Pearson, 1992). L'imagination des consommat
eurs semble la seule limite insurmontable à l'introduction frauduleuse de la drogue en
détention. Aussi, plus de la moitié des détenus consomment des drogues durant leur séjour
en Le plus souvent il s'agit de cannabis, mais les opiacés sont également utilisés
laissant présager le partage de seringues souillées lorsque les autorités pénitentiaires ne
permettent pas l'accès à du matériel stérilisé (Covell et al , 1993 ; Facy, 1993 ; Kensey, Cirba,
1989; Ingold, Ingold, 1986; Maden, Swinton, Gunn, 1990; Turnbull, Stimson, Stillwell,
1994). Les dettes de drogues contractées par les toxicomanes intensifient la violence déjà
bien ancrée dans ces milieux. Tout ceci ne fait qu'accroître les difficultés de gestion péni
tentiaire (Lauwers, Van Mol, 1995). La prison ne semble pas outillée pour freiner ou
même ralentir la trajectoire toxicomane.
Examinons maintenant la contrepartie, la délinquance manifestée par les usagers et les
abuseurs de drogues illicites. Drogues et criminalité 305 BnocHv,
IL La délinquance parmi les usagers abusifs de drogues illicites
La consommation régulière de certaines drogues illicites s'avère dispendieuse. Ainsi, à
titre d'exemple, les héroïnomanes anglais dépenseraient en moyenne 10 000 £ par année
(Parker, Bottomley, 1996). L'argent devenant donc une source de préoccupation import
ante, plusieurs stratégies combinées permettent de boucler le budget.
Notre travail clinique antérieur et nos contacts avec les toxicomanes nous permettent
de conclure que ces derniers ne s'orientent habituellement pas vers la criminalité comme
premier choix à moins qu'ils ne soient déjà impliqués dans ce type d'activités à prime
abord.
Ainsi, pour les personnes qui n'étaient pas déjà impliquées dans la criminalité, la pre
mière stratégie économique d'accès à la drogue consistera à augmenter leurs activités
habituelles lucratives tout en réduisant l'ensemble des autres dépenses. Pour les gens qui
occupent un emploi, il s'agira de faire du temps supplémentaire rémunéré ou de trouver
un autre emploi à temps partiel après les heures régulières de travail (voir également Gra-
pendaal, Leuw, Nelen, 1991 ; Hammersley, Morrison, 1987; Korf, 1994; May, 1996).
Si cela ne s'avère pas suffisant, le consommateur pourra alors avoir recours à des acti
vités inhabituelles et peut-être même marginales pour lui. Ainsi, certains effectueront des
travaux en exigeant d'être payés «sous la table» ou tenteront de béné

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