Économie administrée, corruption et engrenage de la violence en Algérie - article ; n°161 ; vol.41, pg 49-74
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Tiers-Monde - Année 2000 - Volume 41 - Numéro 161 - Pages 49-74
Après un examen critique des théories qui attribuent la corruption, à la rente pétrolière et au fonctionnement rentier de l'économie ou de l'État, ou encore à la nature néo-patrimoniale du pouvoir, l'auteur préfère centrer son analyse sur le caractère administré de l'économie. Elle montre comment la colonisation, puis l'option socialiste, ont entraîné un grand désordre en matière de droits de propriété, faisant de la corruption un phénomène insaisissable et en expansion. Engagées dès le milieu des années 1980, les réformes visant à libéraliser l'économie sont impuissantes à l'enrayer, tant que la légalité des transactions n'est pas nettement définie et protégée par la loi. Or, ce processus bute sur un conflit qui a pour enjeu la légitimité des institutions et du système juridique en vigueur en Algérie.
Fatiha TALAHITE — Administrated economy, corruption and the build up of violence en Algeria. After a critical examination of theories which attribute corruption to oil revenues and to the rental functioning of the economy or of the State, or to the neo-patrimonial nature of power, the author prefers to focus the analysis on the administrated economy. She shows how colonization and, later, the socialist option caused a large disorder in property rights, making corruption an elusive and expansive phenomenon. The reforms engaged since the mid 80s and aimed at liberalization have proven ineffective since the legal framework of transactions is neither clearly defined nor protected by law. But this comes up against a conflict which stakes is the legitimacy of the institutions and of the legal system prevailing in Algeria.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 119
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Fatiha Talahite
Économie administrée, corruption et engrenage de la violence
en Algérie
In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°161. pp. 49-74.
Résumé
Après un examen critique des théories qui attribuent la corruption, à la rente pétrolière et au fonctionnement rentier de l'économie
ou de l'État, ou encore à la nature néo-patrimoniale du pouvoir, l'auteur préfère centrer son analyse sur le caractère administré
de l'économie. Elle montre comment la colonisation, puis l'option socialiste, ont entraîné un grand désordre en matière de droits
de propriété, faisant de la corruption un phénomène insaisissable et en expansion. Engagées dès le milieu des années 1980, les
réformes visant à libéraliser l'économie sont impuissantes à l'enrayer, tant que la légalité des transactions n'est pas nettement
définie et protégée par la loi. Or, ce processus bute sur un conflit qui a pour enjeu la légitimité des institutions et du système
juridique en vigueur en Algérie.
Abstract
Fatiha TALAHITE — Administrated economy, corruption and the build up of violence en Algeria. After a critical examination of
theories which attribute corruption to oil revenues and to the rental functioning of the economy or of the State, or to the neo-
patrimonial nature of power, the author prefers to focus the analysis on the administrated economy. She shows how colonization
and, later, the socialist option caused a large disorder in property rights, making corruption an elusive and expansive
phenomenon. The reforms engaged since the mid 80s and aimed at liberalization have proven ineffective since the legal
framework of transactions is neither clearly defined nor protected by law. But this comes up against a conflict which stakes is the
legitimacy of the institutions and of the legal system prevailing in Algeria.
Citer ce document / Cite this document :
Talahite Fatiha. Économie administrée, corruption et engrenage de la violence en Algérie. In: Tiers-Monde. 2000, tome 41
n°161. pp. 49-74.
doi : 10.3406/tiers.2000.1050
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2000_num_41_161_1050ÉCONOMIE ADMINISTRÉE,
CORRUPTION ET ENGRENAGE
DE LA VIOLENCE EN ALGÉRIE
par Fatiha Talahite*
Après un examen critique des théories qui attribuent la corruption, à
la rente pétrolière et au fonctionnement rentier de l'économie ou de
l'État, ou encore à la nature néo-patrimoniale du pouvoir, l'auteur pré
fère centrer son analyse sur le caractère administré de l'économie. Elle
montre comment la colonisation, puis l'option socialiste, ont entraîné un
grand désordre en matière de droits de propriété, faisant de la corruption
un phénomène insaisissable et en expansion. Engagées dès le milieu des
années 1980, les réformes visant à libéraliser l'économie sont impuissant
es à l'enrayer, tant que la légalité des transactions n'est pas nettement
définie et protégée par la loi. Or, ce processus bute sur un conflit qui a
pour enjeu la légitimité des institutions et du système juridique en
vigueur en Algérie.
La corruption résulte de l'imbrication d'éléments multiples ne
s'interprétant pas nécessairement en termes de liaisons causales. Si
la recherche d'une cause unique répond au besoin de désigner
un coupable privilégié et s'inscrit dans une dangereuse illusion
purificatrice, l'analyser à travers une profusion de causes, formes et
conséquences, se mêlant et se confondant, revient à diluer le phé
nomène, le rendre impossible à saisir et le banaliser. Sans
nier l'existence de facteurs déterminants1, nous avons voulu mettre
l'accent sur la dimension normative du problème. Or, la logique
* Chercheur cnrs (fre 2148), Centre d'Économie de Paris Nord (cepn).
1. Voir Jean Cartier-Bresson, Les analyses économiques des causes et des conséquences de la cor
ruption. Quelques enseignements pour les pays en développement, Mondes en développement, t. 26, n° 102,
1998, p. 25-40.
Revue Tiers Monde, t. XLI, n° 161, janvier-mars 2000 50 Fatiha Talahite
des normes n'est pas une logique causale mais une logique
d'imputation1.
Dans une première partie, nous examinerons les analyses de la cor
ruption en Algérie, selon qu'elles mettent en avant la rente pétrolière,
la nature néo-patrimoniale de l'État ou le caractère administré de
l'économie. Puis nous montrerons comment, alors que la perception
de la corruption s'est aiguisée depuis que le pays a amorcé une transi
tion politique et économique, le contournement systématique de
l'exigence de démocratisation a accru l'opacité qui entoure la gestion
du bien public. De plus en plus grave et étendue, la corruption est
devenue un élément moteur dans l'engrenage de la violence.
1. Les analyses de la corruption en Algérie
Chaque système économique et politique sécrète ses formes parti
culières, mais également ses propres modalités de définition, prévent
ion, dénonciation et sanction de la corruption. Dans le cas de
l'Algérie, les analystes se sont polarisés sur la rente pétrolière et sa
redistribution clientéliste, mais ont négligé le fait que, par bien des
aspects, le système algérien s'apparente à celui d'autres pays à éco
nomie dirigée récemment engagés dans des processus dits de « transi
tion à l'économie de marché ».
Économie rentière, État rentier, comportements rentiers :
catégories économiques ou jugements de valeur ?
De nombreux travaux expliquent l'échec du développement écono
mique dans les pays pétroliers à l'aide du concept de rente2 dont ils
font dériver ceux d'État rentier, économie rentière, comportements rent
iers... S'il a quelque pertinence dans le cas de l'Algérie, l'usage syst
ématique et souvent peu rigoureux de ces notions limite l'analyse et
réduit les perspectives de prise en compte d'autres dimensions pour-
1. Voir Hans Kelsen, Théorie générale des normes, Vienne, 1979 ; Paris, PUF, 1996 ; et Jean-Pierre
Rouzé et Fatiha Talahite, La science économique peut-elle tirer un enseignement de la science des nor
mes ?, in Eveline Serverin et Arnaud Berthoud (eds), La production des normes entre état et société civile.
Les figures de l'institution et de la norme entre états et sociétés civiles, Paris, L'Harmattan, 2000.
2. Cette thèse joue du paradoxe en faisant d'une richesse - les ressources énergétiques - l'une des
principales causes de la persistance du sous-développement et de l'absence de démocratie. Non seulement
elle naturalise le sous-développement, mais elle en fait une malédiction. Voir Giacomo Luciani, Allocation
Versus Production States : A Theoretical Framework, in Beblawi (éd.), The Rentier State, London-New
York, Croom-Helm, 1987 ; et Rente pétrolière, crise financière de l'État et démocratisation, in Salamé
(dir.), Démocraties sans démocrates, Paris, Fayard, 1994. Économie administrée, corruption et engrenage de la violence 51
tant essentielles. Pour ce qui est de la corruption, l'existence de res
sources énergétiques est-elle vraiment déterminante ?
D'abord, nous pouvons établir que la corruption existait bien
avant la découverte des ressources pétrolières. Les récits historiques
sur la période coloniale1 sont pleins de descriptions des concussions de
l'administration. Dès les débuts, après la phase guerrière et la reddi
tion des tribus, « la corruption coloniale altère l'autorité des chefs de
tribus qui se voient confier, pour prix de leurs loyaux services, des
pouvoirs exorbitants, administratifs, judiciaires, fiscaux, inconnus jus
qu'alors »2. Des travaux d'historiens montrent comment l'économie
coloniale, qui commence avec la dépossession des indigènes et le pil
lage de leurs richesses, s'est édifiée sur la rente foncière. Or, les terres
sont attribuées aux colons européens par l'administration, ce qui lui
confère un pouvoir considérable, dont elle use et abuse. À partir
de 1861, par sa centralisation, elle « prétend régenter toute la vie poli
tique et économique du pays », Distributrice de la manne foncière* elle
devient responsable des crédits et du capital. Les fon

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