Endogamie et exogamie dans le mariage arabe - article ; n°2 ; vol.2, pg 80-105
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Description

L'Homme - Année 1962 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 80-105
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 62
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Cuisenier
Endogamie et exogamie dans le mariage arabe
In: L'Homme, 1962, tome 2 n°2. pp. 80-105.
Citer ce document / Cite this document :
Cuisenier Jean. Endogamie et exogamie dans le mariage arabe. In: L'Homme, 1962, tome 2 n°2. pp. 80-105.
doi : 10.3406/hom.1962.366486
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1962_num_2_2_366486ENDOGAMIE ET EXOGAMIE DANS LE MARIAGE ARABE
par
JEAN CUISENIER
Parmi les traits caractéristiques du système de parenté arabe, le mariage
avec la fille de l'oncle paternel, bent el amm, est très probablement le plus remar
quable1. Ce n'est pourtant pas sans un certain étonnement que les observateurs
le signalent en des sociétés du monde arabe aussi différentes que les tribus archaï
ques de l'Iraq méridional, les montagnards du Liban, les Bédouins de Palestine,
les grandes familles damasquines ou les paysans égyptiens. Ainsi, à Chibaych,
dans les marécages du Sud de l'Iraq, Chakir Mustafa Salem compte, sur
ioo mariages, 38 unions avec la fille de l'oncle paternel, 13 avec d'autres agnats,
soit 51%, proportion qui monte à 62% si l'on considère la hamula, groupe agna-
tique un peu plus vaste, et à 71 % si l'on considère les membres de la même tribu2*
J. Berque, de son côté, observe dans un gros bourg du Delta égyptien les mêmes
pratiques, associées à de multiples traits de solidarité agnatique3. Des très rares
études livrant une information statistique en cette matière, l'impression se dégage
nettement que le mariage entre cousins parallèles est l'un des phénomènes les
plus significatifs qu'une interprétation structuraliste du système de parenté arabe
ait à considérer.
C'est ce que n'ont pas manqué de relever les travaux déjà menés dans cette
voie. Ceux-ci partent généralement, pour développer leurs interprétations, d'un
modèle simplifié de la société bédouine. La structure de cette société est telle,
en effet, que les unités sociales qui la composent se définissent non par elles-
mêmes, mais par opposition à une unité de même niveau. On peut donc, avec
F. Murphy et L. Kasdan, la schématiser par le diagramme I. Dans cette repré
sentation, A est le chef d'un lignage patrilinéaire de quatre générations ; B, D, C,
1. Systèmes de parenté, Entretiens interdisciplinaires sur les sociétés musulmanes, École
Pratique des Hautes Études, 1959.
2. Chakir Mustafa Salem, Al-Chibaych, Bagdad, 1956.
3. J. Berque, Histoire sociale d'un village égyptien au XXe siècle, Paris, 1957. LE MARIAGE ARABE 8l
etc., sont des chefs qui lui doivent allégeance. En période de paix, A dirige les
activités de sa propre famille, au niveau I. Mais si E est impliqué dans un conflit
avec F, A sera du côté de E, et C sera avec F. A et C commanderont leurs fractions
respectives pendant les hostilités. Si en une autre occasion, F est attaqué par H,
les parentales seront impliquées jusqu'au niveau III et s'opposeront l'une à
l'autre en deux groupes, sous la conduite respectivement de A et de B. Enfin, si
une unité quelconque de niveau IV attaque l'une ou l'autre fraction du lignage,
le groupe entier sera impliqué,
sous le commandement de A,
dans un effort commun contre
l'antagoniste4. Dans une telle ~^ ^ m
structure, l'unité de référence
varie par conséquent avec la
situation dans laquelle le groupe -/-} -\-\ M
se trouve placé, et tout germain
mâle est un point virtuel de a' c B B
segmentation. De là deux inter
prétations possibles du mariage
entre cousins parallèles : celle
de F. Barth, pour qui ce type de
mariage est le moyen de renfor
cer la lignée dans ses rivalités Diagramme I.
avec d'autres lignées et de limi
ter la tendance au fractionnement5 ; celle de F. Murphy et L. Kasdan, pour qui
c'est au contraire un moyen de créer, dans une parentale englobant à la limite
tous les Arabes, des unités subordonnées et relativement fermées sur elles-mêmes6.
Mais ne faut-il pas convenir, avec C. Lévi-Strauss, que ces deux interprétations
reviennent au même, dans la mesure où, pour l'une comme pour l'autre, le mariage
avec la cousine parallèle ne peut s'expliquer par la seule structure de la parenté,
et qu'il est nécessaire, pour en rendre compte, d'invoquer d'autres déterminants,
tels que les règles de la transmission des titres et des biens7 ? Le mariage avec la
cousine croisée, échange d'une femme contre une autre femme, permet en effet
à la société de se perpétuer indéfiniment, de cycle en cycle, conformément à un
modèle donné immuable. Le mariage avec la cousine parallèle, au contraire, où
4. R. Murphy et L. Kasdan, « The structure of Parallel Cousin Marriage », The American
Anthropologist, vol. 61, n° 1, feb. 1959, pp. 17-29.
5. F. Barth, Principles of social organization in Southern Kurdistan, Universitets Etno-
grafiske Museum Bulletin, n° 7, Oslo.
6. F. Murphy et L. Kasdan, art. cit., p. 24.
7. C. Lévi-Strauss, intervention aux Entretiens interdisciplinaires sur les Sociétés
musulmanes consacrés aux systèmes de parenté, recueil cité, 1959.
6 JEAN CUISENIER 82
une femme n'est pas échangée contre une autre femme, mais offerte en garantie
d'une alliance entre agnats, donne à la société une dimension absolument nouvelle,
l'historicité, par quoi elle échappe aux cycles caractéristiques des structures
élémentaires de la parenté8.
Les questions qui nous paraissent alors se poser sont les suivantes : dans quelle
mesure la structure du mariage entre cousins parallèles est-elle déterminée par les
autres éléments du système social ? Dans quelle mesure est-elle indépendante ?
Et puisque les mariages observés dans un groupe ne sont jamais tous de la lignée
agnatique, selon quelles proportions se répartissent-ils en mariages endogamiques
et mariages exogamiques ? La limite à l'endogamie de lignée agnatique s'expli-
que-t-elle seulement comme un écart entre la réalité et le modèle qui la simplifie ?
A-t-elle, au contraire, une signification structurale ?
En étudiant l'endogamie de lignée agnatique chez les Ouled Arfa de l'Ansariin,
fraction de tribu Drid installée en Tunisie septentrionale, nous nous proposons
de montrer que la structure d'un système de parenté où prévaut le mariage entre
cousins parallèles est si forte que, même lorsque les déterminants extérieurs au
système ont disparu, les alliances continuent à être contractées avec une remar
quable stabilité dans les proportions. Pour la connaissance de cette structure,
la détermination des proportions selon lesquelles les alliances se répartissent dans
le sens de l'endogamie et dans le sens de l'exogamie apparaît alors comme la pre
mière tâche, une tâche qui ne peut être menée à bien par de simples sondages,
mais qui exige que soit restitué le système complet des alliances du groupe consi
déré sur plusieurs générations. Or, dès qu'un groupe atteint une certaine ampleur,
et que l'enquête peut remonter assez haut dans les généalogies, il devient pratique
ment impossible de saisir, à l'aide des diagrammes de Morgan, le jeu des alliances
entre agnats : les lignes s'entrecroisent en un inextricable écheveau et le diagramme,
loin d'aider à rendre intelligible la structure parentale du groupe, recouvre plutôt
celle-ci d'une nouvelle obscurité. Il importe donc de trouver des moyens d'inves
tigation mieux appropriés à cet objet. Nous pensons que les procédés et les règles de
la comptabilité, jointes à une technique de figuration graphique des échanges matr
imoniaux sous forme de réseau, fournissent des instruments particulièrement bien
adaptés à l'analyse d'une société où le type prédominant de mariage est le mariage
entre cousins parallèles. Nous montrerons donc, sur l'exemple des Ouled Arfa, com
ment on peut construire un réseau d'alliances et de filiation entre agnats mettant
en lumière, par deux voies différentes, le rôle architectonique que joue dans le
système de parenté arabe le mariage avec la fille de l'oncle paternel. Le chemin sera
ainsi préparé à l'esquisse d'un modèle très simple, destiné à expliquer la fréqu

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