?ernyševskij esthéticien et critique - article ; n°1 ; vol.24, pg 107-128
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

?ernyševskij esthéticien et critique - article ; n°1 ; vol.24, pg 107-128

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue des études slaves - Année 1948 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 107-128
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Charles Corbet
Černyševskij esthéticien et critique
In: Revue des études slaves, Tome 24, fascicule 1-4, 1948. pp. 107-128.
Citer ce document / Cite this document :
Corbet Charles. Černyševskij esthéticien et critique. In: Revue des études slaves, Tome 24, fascicule 1-4, 1948. pp. 107-128.
doi : 10.3406/slave.1948.1472
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1948_num_24_1_1472CERNYSEVSKIJ( °
ESTHÉTICIEN ET CRITIQUE,
PAR
CHARLES CORBET.
On ne saurait exagérer l'importance historique de l'œuvre de
Çernysevskij en milieu russe. Jusqu'à nos jours, la «science des
lettres» soviétiques se réclame de Çernysevskij et de son disciple
Dobroljubov. Aussi est-il très désirable que l'on se forme chez
nous une idée exacte des principes esthétiques et critiques de
Çernysevskij; hors de cette connaissance, il n'est pas d'analyse
possible des phénomènes littéraires qui se sont déroulés en Russie
de 1917 à nos jours.
Une étude sur les idées esthétiques et critiques de Çernysevskij
ne saurait malheureusement former un tout qui se suffise à lui-
même. Cesy idées ne sont que le prolongement des vues et des pas
sions de Çernysevskij dans le domaine de la morale et de la
politique. était et se proclamait utilitariste : «Ce
qui ne sert à rien n'a aucun droit à l'estime ». L'esthétique et la
critique de Çernysevskij se trouvent en conséquence sous la dépen
dance étroite de ce qu'il concevait comme l'utilité.
Le cadre même de la présente élude la voue à laisser dans
l'ombre les sources vives qui ont suscité et alimenté les idées
esthétiques et critiques de Çernysevskij ; nous n'en pensons pas
moins que, telle qu'elle est, elle sera susceptible d'intéresser les
esprits curieux des développements d'ordre esthétique dont
s'accompagnent les prodigieuses transformations sociales qui
s'étendent aujourd'hui à tout l'Est de l'Europe.
О Nous citons Çernysevskij d'après l'édition du Commissariat de l'Instruction
publique, Petrograd, 1918.
Revue des Etudes slave», t. XXIV, 19A8, fąsc, \-k. Да. 108 CHARLES CORBET.
I. Préliminaires.
Six années seulement s'écoulèrent entre la mort de Belinskij
(1868) et les débuts de Cernyševskij au Sovremennik (i854).
Cernyševskij avait exactement vingt ans l'année de la mort du
grand critique réaliste. Et pourtant, quand on passe de la lecture
de Belinskij à celle de Cernyševskij, on a l'impression d'un déca
lage beaucoup plus considérable dans le temps. C'est qu'alors le
contraste entre lés générations, entre les pères et les enfants, étnit
en Russie beaucoup plus accusé que dans le reste de l'Europe. La
Russie rattrapait à pas rapides le retard de son développement
intellectuel sur l'Occident. Il s'était écoulé Д9 années entre le pre
mier ouvrage de Fichte eiY Essence du Christianisme de Feuerbach ;
il s'en écoula seulement 19 entre lá première ferveur schellin-
gienne de Belinskij et la rédaction de la thèse de Çernysevskij sur
les grands problèmes de l'esthétique.
La carrière esthétique de Çernysevskij fut extrêmement brève.
En і 85 Д, il donne ses Rapports esthétiques de l'art et de la réalité;
en i855 et і 856, ses Essais sur la période de Gogoľ; son Lessing,
ouvrage médiocre, parut dans le Sovremennik en 1 856 et 1867.
Ses études critiques sur Puškin , Gogoľ, Ostrovskij , Léon Tołstoj ,
Sčedrin , prennent place dans les mêmes années. Çernysevskij
ne poussa pas plus loin sa carrière d'esthéticien et de critique. C'est
qu'il avait trouvé un remplaçant, on pourrait presque dire un
double, dans la personne de Dobroljubov, qui devait tirer toutes
les conséquences littéraires de son système et qui ľéclipsa comme
critiqué. A partir du moment où il s'en fut remis à son disciple et
ami de lą continualion cette tâche, Çernysevskij préféra se con
sacrer à des études politiques, économiques et sociales : il avait eu
le mérite de sentir que Dobroljubov était mieux doué que lui
pour la critique.
Bien que Çernysevskij, dans ses Essais sur la période de Gogoľ,
ait passionnément tenté de se représenter comme le continuateur
de Belinskij, ses idées fondamentales sont incompatibles avec
l'âme des thèses essentielles de son prédécesseur; elles respirent
même un esprit franchement contraire à la finesse esthétique et
au généreux libéralisme de ce dernier. 11 faudrait être soi-même
insensible aux plus grandes variations de température pour ne
point sentir qu'en passant de Belinskij à Çernysevskij on change de
climat sans transition. Tout est devenu sec et froid; l'ironie tourne CERNYŠEVSKIJ ESTHETICIEN ET CRITIQUE. 109
à l'allusion désobligeante; l'information prend la place de la cul
ture. « Cernyševskij , nous assure Plechanov, a commencé là où
Belinskij avait fini »M. La formule est exacte à la condition que
l'on comprenne bien que, si les thèses de Cernyševskij et celles de
Belinskij coïncident au point initial des unes et au point final des
autres, leurs deux courbes sont néanmoins tout à fait différentes :
la seconde n'est nullement la conlinuation de la première. Cernyš
evskij, critique autoritaire, est à Belinskij, libéral de la critique,
ce qu'en politique sont aux libéraux les doctrinaires des
années бо. Pour Belinskij, la poésie est «le plus haut dés arts» ^;
pour Cernyševskij, «non seulement la poésie le cède à la réalité la force et la clarté de l'impression subjective, mais elle le
cède aussi à tous les autres arts»(3). Cette opposition renferme
toutes les autres.
Ce violent contraste tient d'abord à la différence du tempéra
ment et du talent des deux hommes. Mais surtout une nouvelle
philosophie, ou plutôt une façon nouvelle de considérer les
choses, un matérialisme impénitent avait supplanté les pHilo-
sophies idéalistes dans tout un secteur de ľopinion. De plus, ci
rconstance aggravante, le feuerbachisme, comme l'hégélianisme
avant lui, s'était contaminé en Russie dé caractères propres au
milieu russe. Si les deux doctrines nées de ces deux philosophies
sur le terroir russe se ressemblent si peu , malgré un coefficient
unique de déformation , c'est que l'hégélianisme avait été accueilli
et interprété par les libéraux du cercle de Stankevic, tandis que la
pensée de Feuerbach se trouvait être transposée en termes russes
par les raznocincy.
C'est donc à l'Allemagne que la pensée russe emprunta une
fois de plus la base théorique dont elle avait besoin pour atteindre
ses fins du moment. La philosophie authentiquement nationale
que Kireevskij avait appelée de ses vœux et saluée par anticipation
ne naquit pas encore sur les rives de la Neva. Cette fois, ce fut
Feuerbach qui fournit aux Russes les armes dont ils avaient
besoin. Dès i85o, Hegel avait définitivement perdu en All
emagne même l'empire intellectuel qu'il s'était taillé aux dépens dé
M Istorija ruttkoj literatury XIX veka d'Ovsjaniko-Kulikovskij , tome 111 ,
p. 16З.
W Article intitulé Razdelenie poezii va rody i vidy, hbrannye sočinenija, p. 5.
Par la suite , Belinskij est devenu plus tiède à l'égard de la poésie , mais il n'en
aurait jamais parlé avec le dédain de Cernyševskij.
№ Estetiêeskie otnoienija. . ., Œuvres, tome X (a* partie), p. 1 38. '
110 CHARLES CORBET.
Schelling. Cet empire, comme celui d'Alexandre, s'était morcelé
entre un bon nombre de disciples devenus rapidement des apos
tats de la philosophie du maître.
Toute la de Feuerbach était fondée sur un renver
sement symétrique des rapports que Hegel avait déterminés entre
4'idéeet la réalité. Hegel avait soumis la réalité à l'idée; Feuer
bach soumit l'idée à la réalité. Au lieu que la réalité fût détermi
née par l'idée, ce fut l'idée qui fut engendrée par la réalité; et,
dans la mesure où cette réalité est matière, l'idéalisme fut rem
placé par le matérial

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents