Espace et temps chez les Kikuyu du Kenya - article ; n°142 ; vol.37, pg 33-48
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Description

L'Homme - Année 1997 - Volume 37 - Numéro 142 - Pages 33-48
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Adam
Espace et temps chez les Kikuyu du Kenya
In: L'Homme, 1997, tome 37 n°142. pp. 33-48.
Citer ce document / Cite this document :
Adam Michel. Espace et temps chez les Kikuyu du Kenya. In: L'Homme, 1997, tome 37 n°142. pp. 33-48.
doi : 10.3406/hom.1997.370246
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1997_num_37_142_370246Michel Adam
Espace et temps chez les Kikuyu du Kenya1
Michel Adam, Espace et temps chez les Kikuyu du Kenya. — Chez les Kikuyu, l'un des prin
cipaux groupes bantous du Kenya, le temps social est inséré dans une temporalité métaphys
ique englobante. L'achèvement du parcours individuel, qui consacre le bon déroulement de
la temporalité sociale, n'est pas dissocié de la conquête de l'espace humanisé, prolongement
et métaphore du corps organique, ultérieurement transmis aux héritiers du lignage. Chef de
terre et homme « achevé » forment les deux facettes de la réussite.
Les Kikuyu, Gikuyu, ou A-kikuyu (seule forme grammaticalement correcte)
sont issus d'un groupe d' agro-pasteurs sédentaires formant au Kenya la
plus importante population de langue bantoue (4 millions de personnes).
À l'instar de celle de leurs voisins nilotiques et couchitiques, leur culture, toutef
ois, est le produit d'une synthèse complexe à laquelle s'est mêlée, depuis près
d'un siècle, la marque du christianisme qui a fait disparaître une partie des
anciennes traditions. Les Kikuyu occupent, au centre du pays, une contrée mont
agneuse, mais au sol fertile, qui fut dans les années 50, le siège de la rébellion
mau mau. Aujourd'hui surpeuplée (400 habitants au km2), cette région fait
l'objet d'une exploitation agricole intensive (maïs, café, thé). Celle-ci entretient
une certaine prospérité et accélère le changement social et culturel. Cependant,
la pression démographique maintient un important mouvement migratoire, à la
fois rural (vallée du Rift et nord du mont Kenya) et urbain. Majoritaires à
1. Texte rédigé à partir d'un exposé (Séminaire de l'Équipe IV du Laboratoire d'Ethnologie et de
Sociologie comparative, Université de Paris X-Nanterre, 31 mars 1992). Le présent travail s'appuie
sur trois enquêtes effectuées entre 1986 et 1990 dans la région de Nyeri. Les Kikuyu sont répartis
entre plusieurs sections territoriales, celles du nord ayant davantage intégré l'influence des Maasai.
Pour les Kikuyu méridionaux, les principales sources ethnographiques sont Kenyatta (1938) et
Leakey (1977). Les Kikuyu du nord, dont il sera surtout question ici, ont été décrits par Routlege
(1910), Cagnolo (1933), Lambert (1956) et Muruiki (1974). L'auteur adresse ses plus vifs
remerciements à Gérard Philippson pour ses remarques critiques ainsi qu'à l'Institut français de
Recherche en Afrique (Nairobi) qui a soutenu cette recherche.
L'Homme 142, avril-juin 1997, pp. 33-48. 34 MICHEL ADAM
Nairobi, les Kikuyu tirent parti d'un niveau d'instruction élevé pour assurer leur
promotion dans la fonction publique et l'enseignement, sans perdre de vue,
néanmoins, la mémoire ou la perspective d'une attache foncière, très fortement
valorisée.
À une altitude moyenne de 1 800 m, le cœur du pays kikuyu se présente
comme une haute vallée accidentée et dissymétrique dominée au nord-est par le
massif enneigé du mont Kenya et à l'ouest par la chaîne ruiniforme des
Aberdares surmontant, sur son versant opposé, la profonde fracture du Rift.
À peu près circonscrit sur cet axe par les lignes des crêtes, le pays se perd au nord
et au sud dans les confins de vastes pénéplaines, autrefois fréquentées par
les Maasai. Formant contreforts des sommets, les deux versants du synclinal
modèlent une succession de collines allongées, s' affaissant dans la partie cen
trale de la combe en une sorte de couloir sinueux. Entre ces collines, peu élevées
mais très abruptes, se dessinent d'étroites vallées ou des ravines plus ou moins
parallèles creusées par des eaux vives. L'ensemble du pays figure une sorte
d'arête de poisson incurvée en son centre et dont la tête, aplatie, regarderait vers
les étendues peu peuplées du nord tandis que la queue rejoint, par gradations
successives, les faubourgs industrieux de Nairobi.
Ce relief, très compartimenté, rend les communications difficiles à l'inté
rieur du territoire. Il exerce un effet protecteur, mais isole les communautés ins
tallées, comme le veut l'usage bantou, sur les sommets des collines (ng'ongo,
sing. : rügongo). À son tour, l'extrême dispersion de l'habitat contribue à l'aut
onomie des maisonnées et témoigne de l'attachement à la vie privée et au quant-à-
soi. Depuis la disparition de la forêt primaire et des friches naguère pâturées, la
mosaïque des cultures et des vergers forme un paysage verdoyant et bocage.
Entrecoupée de rideaux d'arbres plantés et de bouquets de bananiers, sillonnée de
chemins minuscules, pentus et glissants, la campagne ne laisse plus guère entre
voir aucun espace qui n'ait été vivement recomposé par la présence humaine.
En contrebas des massifs montagneux, le haut plateau kikuyu est bordé de
steppes arides parcourues par des éleveurs transhumants : au sud-ouest et au nord,
les Maasai, de langue et de tradition nilotique et leurs cousins Samburu ; au nord-
est, les Oromo couchitiques, eux-mêmes repoussés vers l'ouest par
l'expansion continue des Somali. Proches parents des Kikuyu, d'autres groupes
bantous, également agro-pasteurs (Embu, Mbeere, Kamba, Meru), occupent les
piémonts méridionaux et orientaux du mont Kenya et débordent sur les plaines et
les collines avoisinantes. Au nord-ouest de la zone, enfin, subsistent d'anciens iso
lais de chasseurs-collecteurs, aujourd'hui convertis à l'élevage et acculturés à la
sphère nilotique (Okiek-Dorobo). Confrontées à de grandes irrégularités climat
iques, toutes ces populations, à l'exception des Embu et des Meru, se caractérisent
par la mobilité, certaines d'entre elles ayant établi leurs quartiers à une époque
récente. Comme on l'a vu ailleurs en Afrique, la persistance de complémentarités
économiques (dans lesquelles les Kikuyu sont eux-mêmes partie prenante) et de
rivalités (recherche de pâturages dans les périodes de sécheresse, vol de bétail dans
les périodes d'épizootie) a commandé l'alternance de la paix et de la guerre. Espace et temps au Kenya 35
La société kikuyu est clairement acéphale. L'ensemble des individus sont
affiliés à neuf patricians (mîhïrïga, sing. : muhïrïga), non territorialisés et non
exogames. Les clans n'ont guère d'existence autre que referentielle, à la diffé
rence des patrilignages (mbarï) dont la genèse par segmentation dépend de la
possession d'un patrimoine foncier (gïthaka). Traversant l'organisation ligna-
gère et clanique, et contribuant à son affaiblissement, un double système de
grades et de classes d'âge d'un côté, de classes générationelles de l'autre, déter
minait autrefois, à l'échelle de chaque section territoriale, l'attribution collégiale
des pouvoirs politiques et religieux. Probablement associée à un genre de vie
(agro-pastoralisme expansionniste et guerrier), cette configuration sociale origi
nale (que les Kikuyu partagent avec leurs voisins Meru et d'autres peuples des
cercles nilotique et couchitique) figure parmi les opérateurs du cadre spati
otemporel accessible à l'observation.
1. « Le temps, affirmait Jules Lagneau (1950 : 62), marque de mon impuissance,
l'étendue de ma puissance. » L'impuissance vis-à-vis du temps qui fuit est chez
les Kikuyu dissimulée par l'insertion du temps linéaire dans la temporalité cir
culaire du temps métaphysique. Mais celui-ci, à son tour, se perd dans le temps
« hors du », qui est celui des origines. Comparables sur ce point à d'autres
sociétés africaines, les Kikuyu assignent au temps métaphysique une nature
duelle, à la fois cosmique et humaine :
— il a une origine, c'est-à-dire une cause ; cause première d'où tout le reste
découle ;
— le déroulement du temps manifeste le retour au point de départ comme la
chute des corps témoigne à chaque occasion de la p

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