F. de Curel, notes psychologiques - article ; n°1 ; vol.1, pg 119-173
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Description

L'année psychologique - Année 1894 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 119-173
55 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1894
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Alfred Binet
F. de Curel, notes psychologiques
In: L'année psychologique. 1894 vol. 1. pp. 119-173.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. F. de Curel, notes psychologiques. In: L'année psychologique. 1894 vol. 1. pp. 119-173.
doi : 10.3406/psy.1894.1047
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1894_num_1_1_1047IV
M. FRANÇOIS DE CUREL
(notes psychologiques)
Nous avons consacré une étude à part à M. de Gurel parce
que les renseignements qu'il a bien voulu nous donner sur lui-
même, sur sa manière de travailler, sur sa psychologie d'au
teur, sont à la fois si abondants et si précis que l'observation
qu'on va lire est peut-être la plus complète que l'on possède
actuellement sur l'imagination créatrice.
Nous avons eu avec M. de Curel un grand nombre d'entre
tiens ; il a bien voulu, en outre, répondre par écrit à un très
grand nombre de questions, prenant grand plaisir à nos ana
lyses psychologiques. « Ne me remerciez pas, nous écrit-il dans
une de ses dernières lettres, cette correspondance m'intéresse
beaucoup. Elle me rend plus familier avec moi-même. Ce n'est
pas un petit service que de me faire faire connaissance avec un
individu qui me touche de si près. Questionnez donc sans vous
gêner, et à la moindre contradiction dans mes réponses, att
aquez-moi, je tâcherai d'être plus exact, plus clair ou plus comp
let. »
Nous diviserons notre étude en deux parties.
Dans la première, nous donnerons une description générale
des procédés psychologiques de M. de Gurel, que
nous avons déjà fait paraître dans notre Bulletin du Laborat
oire de 1893, et qui, quoique incomplète sur certains points,
est cependant, de l'aveu de M. de Gurel, absolument exacte.
Cette première étude, qui constituera une vue d'ensemble, sera
suivie des nombreuses lettres que M. de Gurel a bien voulu
nous écrire pour élucider certaines questions que nous lui avions
posées : dans ces documents, M. de Gurel prend la parole pour 120 l'année psychologique. 18&4
son compte, et nous nous contenterons de présenter nos obser
vations en note.
I
M. de Gurel s'est révélé auteur dramatique il y a trois ans par
une pièce jouée au Théâtre-Libre : Y Envers d'une sainte. Il a
ensuite fait jouer au même théâtre les Fossiles, au Vaudeville
V Invitée, et au Théâtre-Français Y Amour brode.
Une production aussi rapide a fait croire à quelques critiques
que l'auteur, n'ayant pas réussi à se faire jouer jusqu'ici, pui
sait dans une provision de manuscrits; c'est inexact : M. de
Curel ne' possède aucune réserve de pièces, et il ne travaille
qu'à une seule pièce à la fois. Il a une grande puissance de tra
vail : sept heures en moyenne par jour ; pendant les premiers
jours, il a le travail irrégulier, distrait, et ne peut compter que
sur quatre heures de suite ; plus tard, il atteint douze heures,
sans autre repos que le déjeuner '.
Nous pensons qu'il peut être intéressant de donner la durée
complète de travail pour les pièces qu'il a écrites.
1? Envers d'une sainte, fait à Goin-sur-Seille (Lorraine), du
5 au 25 mai 1891, conception du sujet comprise. La pièce n'a
point subi de retouches.
Les Fossiles, faits à Paris, pendant les répétitions de Y Envers
dune sainte, du 5 au S27 octobre 1891 ; la pièce a subi quelques
retouches qui ont pris environ quatre jours.
V Invitée, fait à Coin-sur-Seille du 17 mai au 9 juin 1892, sur
un sujet qu'il avait dans la tête depuis Y Envers dune sainte,
mais qui était si peu déterminé que la scène que l'auteur avait
en vue s'est trouvée élimine'e, dès le premier jour de travail, de
son scénario. Cinq jours de travail environ pendant les répéti
tions.
V Amour brode et la Figurante ont pris environ le double du
(1) D'après les renseignements recueillis par nous, il paraît que la
faculté de produire rapidement est très fréquente, presque constante chez
les auteurs dramatiques : ils ont souvent l'occasion d'en donner la
preuve pendant la répétition de leurs pièces. On raconte par exemple que
M. Dumas a refait en un jour un acte de Francillon, s'étant aperçu pen
dant les répétitions que l'acte primitif était défectueux. De même, M. de
Gurel a refait en une nuit le second acte de l'Amour brode. On pourrait
citer plusieurs autres exemples tout aussi topiques. BINET. — F. DE CüREL 121 A.
temps que la pièce ci-dessus, c'est-à-dire vingt à vingt-cinq
jours de premier travail et vingt jours de placage.
Comme hérédité littéraire, M. de Curel n'offre rien de particul
ier, si ce n'est un grand-père qui a écrit des ouvrages estimés
sur la chasse. Enfant, il pensait déjà au théâtre ; et quand son
précepteur le laissait seul dans la salle d'étude, il sortait de son
tiroir une collection de crayons, qui représentaient des person
nages et leur faisait jouer des comédies qu'il composait au
petit bonheur, sans point de départ ni point d'arrivée.
La famille de M. de Gurel le destinait à l'industrie ; les circons
tances en ont décidé autrement ; à Paris, jusqu'à trente-six ans,
il a fait de la littérature et perdu son temps ; dans le roman il
s'épanouissait trop, il s'espaçait, il se perdait. La discipline du
théâtre, qui veut que l'on fasse court et clair, l'a corrigé de ses
défauts et lui a donné plus de concentration. M. de Curel re
ssemble un peu à un psychologue qui ferait du théâtre. Le point
de départ de ses pièces est psychologique ; ce qui le tente, c'est
une situation curieuse qui pose un problème quelconque ; il se
demande ce qui, dans telle circonstance, peut se passer dans
notre cœur. Il en a été ainsi pour. Y Envers d'une sainte. M. de
Curel songeait à ceci : une femme a été arrêtée pour assassinat;
grâce à de hautes protections, on arrive à suspendre l'action
de la justice, à faire passer la femme pour folle et à l'enfermer
dans une maison de santé. Les années s'écoulent ; la femme
arrive à se sauver, et tout à coup, à l'improviste, elle revient
chez elle, ouvre la porte de la chambre où ses enfants jouent.
C'est sous cette forme de tableau que lui est venue l'idée de la
pièce, tableau si détaillé et concret qu'il imaginait l'étonnement
des enfants, la frayeur de la bonne appelant au secours, et le
mari arrivant pour empêcher sa femme d'avancer dans la
chambre.
Avec cette idée de pièce dans la tête, M. de Gurel se met à sa
table pour écrire ; puis en réfléchissant à ce retour inopiné d'une
mère, il remarque que l'intérêt du sujet est dans les sentiments
qu'une personne doit éprouver quand elle revient après une
longue absence, dans un endroit plein de souvenirs, et qu'elle se
retrouve face à face avec sa vie passée. Voilà l'idée psycholo
gique qui lui paraît séduisante, l'idée de peindre une nuance
particulière de sentiment. Puis, en réfléchissant encore il trans
forme son sujet et, dans l'espace de dix minutes, il abandonne
la première idée pour essayer de peindre les sentiments d'une
religieuse dans une situation un peu analogue ; il suppose alors 122 l'année psychologique. 1894
une jeune fille qui, autrefois, dans un moment de délire furieux,
a voulu tuer la femme de l'homme dont elle s'est éprise ; pour
expier son crime, elle est entrée dans un couvent, a prononcé
des vœux et a vécu dans la retraite pendant vingt ans ; puis,
elle a appris que l'homme qu'elle a aimé vient de mourir; alors,
peut-être par soif de liberté, peut-être par sentiment de curios
ité, elle sort de son exil, retourne dans sa famille et se trouve
en présence de la veuve et de l'enfant. C'est le point de départ
de Y Envers d'une sainte.
Un an après l'auteur eut le désir de faire une nouvelle pièce ;
il n'est point de ceux, nous le répétons, qui collectionnent des
idées de pièces. Il pensa qu'il pouvait en quelque sorte revenir
en arrière et reprendre son premier scénario qu'il avait aban
donné peut-être à tort. Il chercha donc à peindre c

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