Familles et communautés villageoises du Japon pré-moderne, diversité géographique et évolutions historiques - article ; n°1 ; vol.36, pg 55-89
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Familles et communautés villageoises du Japon pré-moderne, diversité géographique et évolutions historiques - article ; n°1 ; vol.36, pg 55-89

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Description

Ebisu - Année 2006 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 55-89
Exploitant les résultats de la recherche en démographie historique, cet article tente de rendre une image fidèle des réalités de l'ie et des communautés rurales du Japon à l'époque Tokugawa (ou pré-moderne). Sous l'influence des thèses de Karl Marx et Max Weber sur les sociétés paysannes d'Europe, le paradigme dit « ie-mura ron » — littéralement, « théorie de la famille et du village » — a occupé jusqu'ici une place centrale dans l'étude de la société japonaise traditionnelle. Or, il n'est pas certain que l'« ie-mura ron » permette de restituer les réalités de la famille et des villages de l'époque. Nous confrontons les 1 1 propositions fondamentales constitutives de cette théorie aux résultats de l'analyse des données factuelles réalisée en démographie historique. L'analyse distingue trois ensembles de phénomènes : la reproduction de la population, les migrations, puis les structures familiales et la composition des groupes domestiques. L'examen révèle une importante diversité régionale et au moins trois sous- ensemble géographiques (le Japon du nord-est, du centre et du sud-ouest) notablement dissemblables et un phénomène de convergence, à la fin de l'époque Tokugawa, des structures familiales vers celle la famille-souche en tant que l'ie typique
This article, based on the findings from Japanese historical demography studies, discusses the reality of the ie and the village community in Tokugawa Japan. The central paradigm of the study of the Japanese traditional society has been the ie-mura ron (literally the theory of the family and the village), constructed on the influence of the concept of the peasant society in Europe that can be traced back to Karl Marx and Max Weber. This article tries the empirical verification of 1 1 basic propositions of the ie-mura ron, using the results of historical demography to examine the validity of the paradigm. The research findings are reviewed in three areas : the reproduction of population, geographical mobility and the family and its members. The conclusion sheds light on the regional diversity of Tokugawa Japan, that can be divided at least into three areas (the northeast, the central and the southwest) and the changes towards convergence to the typical ie or the stem family that occurred at the end of the Tokugawa period.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Emiko Ochiai
Guillaume Ladmiral
Familles et communautés villageoises du Japon pré-moderne,
diversité géographique et évolutions historiques
In: Ebisu, N. 36, 2006. pp. 55-89.
Citer ce document / Cite this document :
Ochiai Emiko, Ladmiral Guillaume. Familles et communautés villageoises du Japon pré-moderne, diversité géographique et
évolutions historiques. In: Ebisu, N. 36, 2006. pp. 55-89.
doi : 10.3406/ebisu.2006.1451
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2006_num_36_1_1451Résumé
Exploitant les résultats de la recherche en démographie historique, cet article tente de rendre une
image fidèle des réalités de l'ie et des communautés rurales du Japon à l'époque Tokugawa (ou pré-
moderne). Sous l'influence des thèses de Karl Marx et Max Weber sur les sociétés paysannes
d'Europe, le paradigme dit « ie-mura ron » — littéralement, « théorie de la famille et du village » — a
occupé jusqu'ici une place centrale dans l'étude de la société japonaise traditionnelle. Or, il n'est pas
certain que l'« ie-mura ron » permette de restituer les réalités de la famille et des villages de l'époque.
Nous confrontons les 1 1 propositions fondamentales constitutives de cette théorie aux résultats de
l'analyse des données factuelles réalisée en démographie historique. L'analyse distingue trois
ensembles de phénomènes : la reproduction de la population, les migrations, puis les structures
familiales et la composition des groupes domestiques. L'examen révèle une importante diversité
régionale et au moins trois sous- ensemble géographiques (le Japon du nord-est, du centre et du sud-
ouest) notablement dissemblables et un phénomène de convergence, à la fin de l'époque Tokugawa,
des structures familiales vers celle la famille-souche en tant que l'ie typique
Abstract
This article, based on the findings from Japanese historical demography studies, discusses the reality of
the ie and the village community in Tokugawa Japan. The central paradigm of the study of the
Japanese traditional society has been the "ie-mura ron" (literally "the theory of the family and the
village"), constructed on the influence of the concept of the peasant society in Europe that can be traced
back to Karl Marx and Max Weber. This article tries the empirical verification of 1 1 basic propositions of
the "ie-mura ron", using the results of historical demography to examine the validity of the paradigm.
The research findings are reviewed in three areas : the reproduction of population, geographical mobility
and the family and its members. The conclusion sheds light on the regional diversity of Tokugawa
Japan, that can be divided at least into three areas (the northeast, the central and the southwest) and
the changes towards convergence to the typical ie or the stem family that occurred at the end of the
Tokugawa period.n° 36, Automne-Hiver 2006 Ebisu
F AMILLES ET COMMUNAUTES VILLAGEOISES DU
JAPON PRÉ-MODERNE, DIVERSITÉ GÉOGRAPHIQUE
ET ÉVOLUTIONS HISTORIQUES
OCHIAI Emiko
Université de Kyoto
L'étude des sociétés rurales du Japon pré-moderne se réfère à un cadre
théorique précis, Xie-mura ron IsCf^Ira (litt. « théories famille-village »),
dont les notions de base sont le village, la communauté villageoise, l'/> et la
famille. Cette problématique vise à mettre en lumière les relations génétiques
existant entre le village et la famille, conçue comme l'unité élémentaire
constitutive de la communauté rurale. À la différence des controverses
relatives au développement du capitalisme japonais, controverses qu'Aruga
Kizaemon WMHinftrP1! tenait pour « soumises à la doctrine occidentale »,
Xie-mura ron s'est édifiée sur les résultats d'études et d'enquêtes d'emblée
concentrées sur les réalités japonaises. Pour autant, Xie-mura ron présente
de nombreux points communs avec l'étude des sociétés paysannes telle
qu'elle a été réalisée en Europe, sous l'influence des travaux de Karl Marx
ou de Max Weber.
Nous nous proposons dans cet article de réexaminer le bien-fondé
de ces propositions à la lumière des résultats des études de démographie
historique réalisées depuis plus d'une décennie. La démographie historique
a permis de réfuter nombre des postulats attachés à l'histoire des sociétés
paysannes européennes. Dans quelle mesure ses méthodes peuvent-elles
contribuer à une meilleure connaissance des sociétés rurales japonaises à
l'époque pré-moderne ?
I. Les sociétés paysannes et la démographie historique
I. 1. Propositions fondamentales sur Vie et les communautés rurales
Enumérons tout d'abord les propositions qui ont valeur de paradigme
dans Xie-mura ron. Bien entendu, en raison de la quantité considérable
de travaux consacrés à Xie, il n'est pas aisé d'en donner une définition qui
soit à la fois exacte et relativement consensuelle. Mais l'objet de cet article OCHIAI Emiko 56
n'étant pas d'élaborer une nouvelle définition de ce que fut Vie japonaise,
nous nous permettons de négliger les détails qui sont encore l'enjeu de
controverses et de présenter ces paradigmes dans les termes de Hosoya
Takashi iffl^1.
- Proposition 1 : Vie est la cellule de base de la sociabilité et de l'activité
économique.
-2 : Vie procède de la continuité généalogique.
- Proposition 3 : Vie appartient au type de la famille-souche.
-4 : Vie est patriarcale2.
-5 : Vie procède de la conservation des patrimoines fonciers
dans leur intégralité.
- Proposition 6 : Vie est l'unité élémentaire constitutive des communautés
rurales.
-7 : Vie et le village contiennent l'excédent démographique.
- Proposition 8 : Vie est menacée de désintégration par les processus de
différenciation sociale affectant les populations paysannes.
-9 : Vie est une coutume spécifique au Japon.
- Proposition 10 : Vie est invariable au cours de l'histoire.
-11 : les structures villageoises diffèrent en un type
septentriono-oriental et un type méridiono-occidental.
Parmi ces onze propositions fondamentales, les propositions 1 à 6
attribuent des caractéristiques distinctives à Vie et aux villages pour en
constituer les prototypes ; les propositions 7 et 8 traitent des caractères
de Vie et des villages en système capitaliste moderne, mais peuvent
également être appliquées à l'époque Tokugawa, sous réserve de quelques
accommodements dans la chronologie ; enfin, les propositions 9 à 1 1
s'inscrivent dans un cadre théorique métahistorique ayant pour objet la
définition de l'« identité japonaise ».
I. 2. Méthode de vérification
Nous nous proposons de confronter les paradigmes constitutifs de Vie-
mura ron aux résultats de l'analyse démographique des données compilées
dans les registres de déclaration de foi (^P^ifiS shûmon aratame-cho) et les
registres de population (ÀS'J^iJfi ninbetsu aratame-cho). Ces résultats sont
1 Hosoya Takashi fflÇtEv, Gendai to Nihon nôson shakaigaku Mftt
(L'Époque contemporaine et la sociologie rurale au Japon), Sendai i\iia, Tôhokudaigaku
Shuppankai fctt^fcHJKâ, 1998, p. 12, 129, 130, 131, 135 et 147.
2 Le terme « patriarcal » (kafuchôteki %'>Lfkfà) fait souvent référence dans les débats à
l'autorité exercée par le chef de famille sur les membres du foyer et les biens patrimoniaux.
Cependant, dans cet article, il désigne surtout les possibilités que se ménage le chef de
famille partant à la retraite pour assurer sa subsistance, (ndt) et communautés villageoises du Japon pré-moderne 57 Familles
regroupés en trois classes de phénomènes : ( 1 ) reproduction démographique
et mouvements de population, (2) mobilité géographique, (3) structure
familiale et composition de groupes de co-résidence.
Nous utilisons la « Base de Données : Familles et Population du Japon
à l'Epoque Tokugawa » (MU II B$iiÀPf~^^-^), élaborée par
l'équipe de l'EurAsian Project, et principalement les données relatives à
trois sous-ensembles régionaux permettant l'analyse de séries continues sur
une longue période :
- Le Tôhoku 'Mit, avec le village de Shimomoriy

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