Genre – thème – style – genre : les synthèses de Fëdor Glinka - article ; n°3 ; vol.70, pg 575-592
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Description

Revue des études slaves - Année 1998 - Volume 70 - Numéro 3 - Pages 575-592
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Leonid Heller
Genre – thème – style – genre : les synthèses de Fëdor Glinka
In: Revue des études slaves, Tome 70, fascicule 3, 1998. L'esрасе poétique. En hommage à Efim Etkind. pp. 575-
592.
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Heller Leonid. Genre – thème – style – genre : les synthèses de Fëdor Glinka. In: Revue des études slaves, Tome 70, fascicule
3, 1998. L'esрасе poétique. En hommage à Efim Etkind. pp. 575-592.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1998_num_70_3_6530- THEME - STYLE - GENRE GENRE
GLINKA* LES SYNTHÈSES DE FËDOR
PAR
LEONID HELLER
II existe un paradoxe Fëdor Glinka. Il y aura bientôt deux cents ans que ses
ouvrages prennent le chemin des librairies, et ils s'y trouvent sans doute de plus
en plus souvent. Mais est-il vraiment connu ?
L'assertion d'un critique soviétique selon laquelle cet écrivain, au siècle
dernier, « était occulté par la science nobiliaire-bourgeoise » du fait de son
appartenance à la « poésie éprise de liberté1 » n'est guère convaincante. Il ne fait
en revanche aucun doute que la gloire du combattant des campagnes napoléo
niennes et du membre des associations décembristes lui a ensuite garanti les
bonnes grâces périodiques des éditeurs. Des extraits de ses écrits de guerre ont
paru en 1941 dans la « Bibliothèque de l'officier » — il s'agissait alors de gal
vaniser les esprits. En 1949, c'est dans le contexte de la campagne « anti-cosmop
olite » que sort à Petrozavodsk, lieu d'exil de l'écrivain, un recueil composé
ď œuvres patriotiques et « folkloriques locales ». Glinka figure dans toutes les
anthologies des poètes-décembristes, la Petite et la Grande Série de la « Biblio-
tèque du poète » lui réservent de surcroît chacune un volume en 1951 et 1957,
années qui désignent en quelque sorte l'apogée du stalinisme et le début du
dégel. La présence de Glinka dans la culture soviétique s'est ainsi manifestée
discrètement, mais de manière constante, quitte à s'intensifier (ou à être stimulée
sur commande) de façon évidente dans les moments de crise.
Au cours des trois premières années de la perestroïka, trois recueils de ses
œuvres au moins ont vu le jour rien qu'à Moscou2, et l'on continue actuellement
de le rééditer. Cette curieuse position d'écrivain « pour toutes les époques » a
été assignée à Glinka dans la mesure où il prêtait le flanc aux manipulations
Avant toute chose, j'aimerais remercier mon ami Antoine Baudin pour son aide
précieuse dans la mise en français de cet article et, surtout, pour la traduction, brillante à mes
yeux, de tous les extraits tirés de l'œuvre de Glinka cités ici.
1. V. Bazanov, « Ф. H. Глинка », in : F. Glinka, Избранные произведения, L.,
Biblioteka poèta, Boľšaja serija, 1957.
2. F. Glinka, Письма русского офицера, M., Moskovskij rabočij, 1985 ; id., Сочи
нения, M., 1986 ; id., M., 1987.
Rev. Étud. slaves, Paris, LXX/3, 1998, p. 575-592. 576 LEONID HELLER
idéologiques. Il est en effet aisé d'isoler dans ses œuvres tels motifs civiques et
patriotiques en brouillant, voire en dissimulant le contexte, dès lors que ses vers
comme sa prose se composent de nombreux segments relativement courts
(strophes, chapitres, sous-chapitres). À tel point que ses diverses rééditions ne
reflètent l'œuvre de Glinka que d'une manière très mutilée. Certaines pièces ne
sont jamais réimprimées. Mais même les célèbres Lettres d'un officier russe
(Pis'ma russkogo oficera) subissent d'importantes coupures : l'on en expurge
qui les protestations d'amour pour l'empereur, incompatibles avec le stéréotype
du dekabrist, qui les passages par trop « germanophiles », qui les amples digres
sions sentimentales ou ethnographiques, qui les quiètes rêveries à propos des
« villages de guerre », ces mêmes colonies militaires d'Arakčeev qui seront
quelques années plus tard l'objet majeur de la fureur des décembristes (y
compris Glinka) et finiront par devenir le symbole même de la tyrannie tsariste.
L'un des derniers recueils publiés a conservé presque intégralement les
amples fragments « polonais » des Lettres d'un officier... où l'écrivain envisage
de manière critique les Polonais et leur histoire. Mais on en a exclu la fin de
cette partie (dans l'édition canonique), qui constitue à ma connaissance la
première biographie en langue russe de Tadeusz Kościuszko, une tentative pour
dépeindre le type idéal du leader national. On l'a remplacée dans ce volume par
un roman que Glinka a consacré à un autre héros national* Bogdan Xmeľnickij,
l'ennemi des Polonais. Le recueil en question a paru à Kiev en 1991.
Il vaudrait la peine d'étudier les diverses rééditions de Glinka et leurs
variantes : elles aideraient à reconstituer ce qui était admis dans la culture sovié
tique (ou postsoviétique) et à quel moment, à observer les fluctuations des
rapports entre la Russie et ses voisins.
Par ailleurs, la littérature critique et anthologique sur Glinka n'est pas très
riche, bien que l'on ne puisse pas dire non plus qu'il ne figure pas dans les
manuels et les traités d'histoire. Au contraire, il en est régulièrement fait ment
ion. Mais on l'y envisage, de manière accessoire ou tout à fait fugace, presque
exclusivement aux points d'intersection avec la « littérature décembriste » et à
travers le filtre immuable de la thématique civique, morale et patriotico-
guerrière. L'une des éditions du temps de la perestroïka comporte une erreur
caractéristique à cet égard. Présentant comme une innovation littéraire (débuts
de ľ« ethnographie poétique3 ») les Observations faites au cours d'un voyage
dans quelques gouvernements, l'auteur de la préface ne réfère pas ceux-ci,
comme il conviendrait, aux Lettres d'un officier..., mais aux Lettres à un ami
(Pis'ma к drugu). Ce second livre avait paru presque simultanément à la réédi
tion du premier et en constituait comme un complément « théorique » : ils diffè
rent à la fois par leur conception et par leur structure. Répétée à plusieurs
reprises, une telle erreur de la part d'un spécialiste témoigne à quel point
l'œuvre de l'écrivain reste méconnue.
Ses aspects littéraires ont été trop peu étudiés. L'aspiration de Glinka à réa
liser une synthèse des traditions respectives de Lomonosov et de Karamzin a
certes été relevée4, mais la spécificité de ses recherches n'a pas été analysée, si
3. S. Serkov, Ju. Uderevskij, « Писатель, воин, гражданин — Ф. Н. Глинка », in :
Glinka, Письма русского офицера, 1985, р. 5, 7-8, 25.
4. Р. ex. ibid., n. 3, р. 9. LES SYNTHÈSES DE FËDOR GLINKA 577
l'on excepte quelques observations sur sa poésie des années 1820 et 18305.
N'aurait-on pas ici les effets d'une tradition qui remonte aux années 1830 déjà et
qui considérait avec une certaine condescendance le Glinka mystique et moral
iste ? Puskin estimait son originalité tout en le traitant de « Fita Kutejkin », nom
de pédant comique. Et il est intéressant de trouver chez Brockhaus et Efron une
formule déjà parfaitement soviétique dans son style pour évaluer le long poème
plus tardif de Glinka, la Goutte mystérieuse (Tainstvennaja kaplja) : « est
dépourvu de qualités artistiques6 ». Cette œuvre mystico-religieuse a disparu de
la mémoire des historiens de la littérature, et c'est dommage, car l'intérêt pour
elle aurait pu ramener également à la surface toute une série de tentatives faites
pour créer un poème épique russe dans l'esprit de Milton et de Klopstock. Des
tentatives sans doute peu convaincantes, mais légitimes — et pas si impro
ductives que cela, même considérées dans un sens négatif : après la Révolution,
elles ont constitué un fond pour les écrits parodiques quasi- et antireligieux de
Majakovskij, de Lunačarskij ou des poètes du Proletkuľt.
Pour résumer : même les études sérieuses sur Glinka laissent entendre que
l'on sait tout de lui, qu'on le comprend parfaitement et qu'il ne suscite pas la

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