« Ifá sait la parole, l histoire, les proverbes » (Yoruba, Nigeria) - article ; n°1 ; vol.57, pg 161-173
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Description

Journal des africanistes - Année 1987 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 161-173
The approach to the notion of speech by the Yorubas is treated on two levels. The level of the real where the basic terms and proverbs linked to speech are analysed and the spiritual level where the myth of origine is examined. The analysis of the myth establishes a relation between the two levels : speech, conceived as an extraordinary energy fragmented in order to be accessible to man, is reunified by the proverb which is its most accomplished manifestation.
L'approche de la notion de parole chez les Yoruba est traitée sur deux plans. Le plan du manifeste où sont analysés les termes de base et les proverbes liés à la parole et le plan du divin où un mythe d'origine est examiné. L'interprétation du mythe établit une relation entre les deux plans : la parole, conçue comme une énergie extraordinaire qui se serait fragmentée pour être accessible aux hommes, est réunifiée par le proverbe qui en est la manifestation la plus accomplie.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Michka Sachnine
« Ifá sait la parole, l'histoire, les proverbes » (Yoruba, Nigeria)
In: Journal des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2. pp. 161-173.
Résumé
L'approche de la notion de parole chez les Yoruba est traitée sur deux plans. Le plan du manifeste où sont analysés les termes
de base et les proverbes liés à la parole et le plan du divin où un mythe d'origine est examiné. L'interprétation du mythe établit
une relation entre les deux plans : la parole, conçue comme une énergie extraordinaire qui se serait fragmentée pour être
accessible aux hommes, est réunifiée par le proverbe qui en est la manifestation la plus accomplie.
Abstract
The approach to the notion of speech by the Yorubas is treated on two levels. The level of the real where the basic terms and
proverbs linked to speech are analysed and the spiritual level where the myth of origine is examined. The analysis of the myth
establishes a relation between the two levels : speech, conceived as an extraordinary energy fragmented in order to be
accessible to man, is reunified by the proverb which is its most accomplished manifestation.
Citer ce document / Cite this document :
Sachnine Michka. « Ifá sait la parole, l'histoire, les proverbes » (Yoruba, Nigeria). In: Journal des africanistes. 1987, tome 57
fascicule 1-2. pp. 161-173.
doi : 10.3406/jafr.1987.2169
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1987_num_57_1_2169MICHKA SACHNINE
Ifá sait la parole, l'histoire,
les proverbes
Ifá ni amôrà-màtàn-môwe1
L'approche de la notion de parole chez les Yoruba se fera sur deux
plans. L'un que je nommerai le plan du réel ou du manifeste, c'est celui des
mots et des proverbes, l'autre étant celui du mythe et du symbole. Bien que
les données en ma possession soient encore parcellaires2 j'essaierai d'interprét
er le mythe et d'établir une relation entre le divin et l'humain.
Avant d'aborder l'analyse sémantique des termes de base liés à la parole,
je voudrais dire la passion des Yoruba pour leur langue et montrer par quel
ques exemples comment s'exprime la conscience aiguë qu'ils ont de sa beauté,
de sa richesse, de sa complexité.
yorùba gbayï (gbà + iyl)
/ yoruba / recevoir + respect montré envers une personne /
Le est digne de respect.
yoruba léwà (ni + çwà) (le terme ewà s'applique le plus souvent aux
/ / avoir + beauté / femmes et aux enfants)
Le yoruba est beau.
yoruba dùn-un so (dun s'emploie d'abord pour dire d'un mets
/ / être bon / dire / qu'il est délicieux)
Le yoruba est doux à parler.
yoruba ko le tán
/ / nég. / pouvoir / finir /
Le yoruba ne peut finir (on ne peut arriver au bout de cette langue).
yoruba jlnlè (fin + ilè)
/ / être profond + terre /.
Le yoruba est profond.
1. Ifá désigne à la fois le dieu de la sagesse et de la divination et le corpus de textes liés à cette divination.
Dans ces textes sont rassemblées la mythologie, la cosmogonie, la philosophie, la religion et l'éthique
yoruba. Ils sont explication du monde et code moral.
2. Je tiens à remercier vivement le professeur Akiwowo (du Département de sociologie de l'université d'Ifè)
qui, dans le peu de temps qu'il a pu m'accorder, a ouvert un vaste champ d'investigations en me livrant
des éléments de ce qui fut pour lui une longue recherche. Notre entretien, parce qu'il fut limité par
le temps, est allé dans de nombreuses directions sans qu'il ait été possible d'en approfondir aucune.
De ce qui a été dit, j'ai tenté de dégager une ligne de force sachant très bien ce que des données nouv
elles pourraient apporter de modifications. 162 IFÁ SAIT LA PAROLE, L'HISTOIRE, LES PROVERBES
LE PLAN DE LA LANGUE
Les trois termes èdè — çr$ — ohùn qu'on peut traduire respectivement
par « langue », « parole », « voix » seront examinés. Je laisserai le mot enu
« bouche » lié aussi à la parole mais qui, à mon avis, n'est pas à considérer
comme un terme central au même titre que les trois autres.
Èdè
« Langue » : comme code linguistique d'une communauté :
èdè yorùba la langue yoruba
èdè fàrànsÇ la française
èdè gÇèsï la langue anglaise, etc.
Associé au terme orttè « origine » èdè désigne « la nation », « le pays » ;
c'est dire que sans une langue un peuple n'existe pas :
orilè èdè yoruba le pays yoruba
orttÇ èdè Naijirià le Nigeria
Dans le sens de « langue » èdè peut être employé avec trois verbes :
sq lancer ; pousser, germer ; dire
gbý entendre, comprendre
/<) qui doit être associé à un nominal pour prendre le sens de « parl
er » ou de « dire » :
ó ri sq èdè yoruba il parle yoruba
ó ri gbô* èdè il comprend le yoruba
ó ri fo èdè yoruba il s'exprime en
sq èdè renvoie toujours à la langue maternelle du locuteur alors que gbo" èdè
ne s'applique qu'à un locuteur non natif. La distinction établie par les Yoruba
entre s'exprimer ou non dans sa propre langue est intéressante parce qu'elle
met en évidence cette conscience très forte qu'ils ont qu'un étranger ne peut
que rarement acquérir la maîtrise d'une langue qui n'est pas la sienne ; en
d'autres termes un étranger ko rriQ $ro so « ne sait pas parler » (cf. infra $rô).
Fq èdè implique seulement que le locuteur connaît plusieurs langues et que
c'est dans une de ces langues qu'il a choisi maintenant de s'exprimer.
6 ri fo èdè méjl
peut signifier deux choses, soit que la personne connaît deux langues, soit qu'elle
est hypocrite.
ó yé mi ó yé ç
/ il / être intelligible / moi // il / être intelligible / toi /
sùgbon èdè mi ko yé àlejà bi omQ oriilé
/ mais / langue / moi / nég. / être intelligible / hôte / comme / enfant /
celui de la maison /
Je comprends, tu comprends,
mais l'invité ne peut comprendre mon langage comme un enfant de la maison.
Ce proverbe éclaire bien le deuxième sens de èdè qui, certes, est l'in
strument de communication, le code linguistique, mais qui renvoie également MICHKA SACHNINE 163
à un système de références non verbales propres à un groupe particulier (la
famille par exemple). La langue est comprise par tous les membres de la com
munauté qui l'utilise ; mais le code, à savoir, l'implicite, la connivence, le sous-
entendu, bref tout ce qui est produit d'une histoire partagée, et qui est inclus
dans èdè, échappe à l'autre, « l'étranger ».
a) mi ô gbadùn èdè ti o ri pè yen
/ je / nég. / se réjouir / langue / que / tu / inac. / appeler / là /
Je n'apprécie pas ton « èdè » (ta façon de parler et tes manières).
b) то gbadùn èdè ti o ri /ф
/je / se réjouir / langue / que / tu / inac. / parler /
soit : j'aime bien cette langue (elle est agréable à entendre par ex.)
soit : je prends plaisir à ton « èdè » (à ce que tu dis et à ta façon d'en parler).
c) èdè búrukú lo ri pè yen
/ langue / mauvais /c'est + tu / inac. / appeler / là /
Ton « èdè » (ta façon de te comporter) est vraiment désagréable.
d) çrç búrukú lo ri sç yen
/ parole / mauvais / c'est + tu / inac. / dire / là /
Ce sont de mauvaises paroles que tu prononces là.
Employé avec pè « appeler, nommer », èdè dans les phrases [a) et c)] fait
référence au comportement d'un individu jugé négativement, soit parce qu'il
contrevient aux règles sociales, éthiques et morales de la communauté, soit parce
que ses manières ne sont pas conformes à ce qu'on attendrait de lui. Employé
avec /q, èdè dans la phrase [b)J garde son sens premier de « langue » et signifie
tout simplement qu'on a plaisir à entendre cette langue qu'on ne connaît peut-
être pas ; mais èdè peut aussi renvoyer au contenu du message et à la façon dont
il est développé sans que l'appréciation porte réellement sur la qualit

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