Iles et continents Une nouvelle de Ye Si - article ; n°1 ; vol.59, pg 58-69
13 pages
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Description

Perspectives chinoises - Année 2000 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 58-69
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ye Si
Annie Curien
Iles et continents Une nouvelle de Ye Si
In: Perspectives chinoises. N°59, 2000. pp. 58-69.
Citer ce document / Cite this document :
Si Ye, Curien Annie. Iles et continents Une nouvelle de Ye Si. In: Perspectives chinoises. N°59, 2000. pp. 58-69.
doi : 10.3406/perch.2000.2510
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/perch_1021-9013_2000_num_59_1_2510Littérature
Iles
Continen
5B erspectives chinoises N° 53 • MAI - JUIN SOOO Ye Si, de son vrai nom Leung Ping-kwan (Liang Pingjun),
est un écrivain et universitaire de Hong Kong. Spécialiste
de littérature comparée, il s'intéresse depuis longtemps aux
littératures et cultures étrangères, en particulier françaises et
anglo-saxonnes. Il a étudié pendant plusieurs années aux
Etats-Unis. Son oeuvre traite principalement de la question
du métissage culturel qui est abordée à travers les relations
entre Hong Kong et la Chine continentale ainsi que les rap
ports entre l'Orient et l'Occident. Cette problématique se
développe aussi dans le temps, par un dialogue, exigeant et
complexe, avec la Chine traditionnelle. La réflexion sur l'écri
ture, qui irrigue ses œuvres, va puiser ses images dans
d'autres formes d'expression artistique, comme la peinture
ou, dans « Iles et continents », la sculpture.
Cette nouvelle a été publiée en 1987, puis Ye Si en a établi
une nouvelle version en 1999: c'est cette version qui est
traduite ici. Dans un mouvement de balancement continu,
sorte de tempo de flux et reflux, ce récit décrit les hésita
tions et les troubles qui traversent la pensée des différents
protagonistes, partagés entre la vie en exil aux Etats-Unis, le
retour à Hong Kong et des incursions sur les terres de la
Chine communiste. Un homme, qui fait des études en
Amérique, écrit à son ami, rentré à Hong Kong ; il lui livre
ses sentiments, évoquant les liens qui l'attachent à une
jeune fille. Ainsi commence la nouvelle, longue méditation
sur les hommes qui se situent au croisement des continents
et des cultures, dans un monde changeant obsédé par le
commerce, et qui sont cernés par des incompréhensions et
des illusions de toutes sortes. (Annie Curien)
contemporain, je m'y arrête et regarde les statues en
1 bronze de Zuniga. Ses femmes sont accroupies ou
bien assises, ou encore, un enfant dans les bras, elles
Comme je ne parvenais plus à lire, j'ai eu l'idée sont fièrement debout ; le bronze, bigarr'é, se déco
d'aller à la plage. Lorsque j'arrive en bas de l'imlore ; ce sont des mères-terre face aux vicissitudes du
meuble, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil monde qui ont les pieds à jamais posés fermement
à la boîte aux lettres. Alors, afin d'éviter lesjacasse- dans la boue et qui, de leur corps, réchauffent les
ries de la propriétaire, j'emprunte une autre sortie nourrissons ; elles portent à l'épaule des cliarges de
pour gagner la rue. Après quelques pas, soucieux, je corbeilles en bambou. Elles sont incapables de vaga
me retourne et viens ouvrir la boîte : j'ai la mort bonder dans la fragilité, incassables. Une aiguille de
dans l'âme. Je me dis que mon comportement est né pin tombe lourdement ; leurs larges épaules vertes
vrosé, que les autres, en me voyant, doivent s'éton rouillées ne sont pas ébranlées. Je suis là, appuyé
ner. Mais je suis aujourd'hui incapable d'entretenir sur la rampe, à regarder les statues. Il me vient plu
des relations avec autrui dans la vie réelle. Me voilà sieurs fois à l'esprit de te parier de cette qualité des
au bord de la mer : une femme vêtue de noir s'ap femmes de Zuniga ; mais à chaque fois je ne peux
proche de moi, elle veut savoir si j'ai une voiture. trouver les mots pour m'exprimer. Je descends sur la
Avec circonspection, je lui demande pourquoi, elle plage, j'empr~unte les escaliers, juste à ce moment je
dit qu'elle doit filer quelque part. Je n'ai pas de voi vois le soleil qui se couche sur la mer. Ce sont de
ture, alors elle marche à côté de moi. Elle paraît fine, belles scènes de couchants qui s'offrent ici, mais
pâle, décharnée; elle marche un moment en silence maintes fois je n'ai pas le cœur à les admirer ; sur
près de moi, puis elle s'écarte. Elle a l'air inquiétant, ce continent américain où je me trouve, une ligne cô-
je suis impuissant. Je marche jusqu'au Centre d'art tière continue s'étend à l'infini ; devant, c'est l'océan
N* 53 • MAI - JUIN 2OOO erspectives chinoises S3 Littérature
immense illimité; dans les lointains où fumées et un mot : des condisciples chinois de mon départe
ment proposent que nous passions la fête ensemble. nuages se confondent, des ombres d'îles dans le
Quelle fête approche ? Je suis apparemment désaiii- vague. Des oiseaux marins tournoient devant moi.
Je suis là dans le vent, le fil ondoyant de mes pensées culépar rapport à la marche du temps. Ma mère men
tiré par les choses et les gens lointains et flous de tionne le fait que mon oncle veut lui emprunter de
Vautre rive. Je parle à l'océan immense, sans jamais l'argent, elle dit qu'il faut s'efforcer d'obtenir un prêt
entendre d'écho. Les jours se suivent, j'entends juste pour lui, sinon il se retrouvera à la rue. Je le soup
la langue bouclante des vagues, les confuses paroles çonne d'abuser d'elle, mais avec l'océan qui nous sé
gazouillées des graviers qui expriment leurs signifi pare, tous les conseils que je peux donner ne sont
cations à eux, sans baragouinage superflu qui per d'aucune utilité, je me sens désarmé pour le lui ex
mettrait à quelqu'un de nourrir des fantaisies. Les pliquer. Au bout du compte, elle risque de le payer
cycles se suivent, la marée éclatante noie ma voix, cher, elle sera dans l'impossibilité de régler ses
rend les discours verbeux superflus. propres dettes. Avec cette distance qui nous sépare, je
m'inquiète pour elle, je prends du papier pour lui
écrire, mais après quelques phrases je déchire ma Le jeune homme pose la plume ; il regarde, étonné,
par la fenêtre. Un bateau sort lentement sur la mer im lettre ; dehors, je ne sais depuis quand, c'est tout noir,
mense, le soleil se reflète à la surface, il la fait miroiter j'ignore où je suis...
de points blancs ; chaleur du soleil, douceur des
vagues. Au plat-bord est assise une jeune femme, qui Ils se sont arrêtés sous le temple. Ils sont près de la
penche légèrement la tête ; un coup de vent éparpille rampe du quai. Ils sont séparés d'une longueur de ba
ses cheveux, les disperse et les taquine. Elle lève la teau, et orientés différemment. La femme regarde vers
main pour les retenir. Sa manche, en glissant, dévoile un bateau de pêche immobile sur l'eau à gauche, tan
son coude blanc comme neige, chétif, à la verticale, dis que l'homme se retourne et regarde à mi-mont
agne : il observe sept ou huit personnes qui grimpent haut derrière sa tête.
Elle se met debout et se rend à l'extrémité du bateau, en file indienne pour aller voir de vieilles stèles. Au
les mains sur les hanches, balançant la jambe droite, ses bout d'un moment, l'homme bouge et vient vers la
membres souples ont l'air d'avoir leur propre rythmique. femme. Mais lorsqu'il arrive près d'elle, il avance de
Entière concentration dans ces mouvements de gymn quelques pas supplémentaires, s'arrête sous le temple,
astique. Mais un moment plus tard elle se retourne en lève la tête pour regarder les bannières qui ne cessent
riant, et elle lui demande de venir ; montrant le paysage de frémir sans raison. Quelqu'un sort un appareil et
devant, elle s'absorbe avec lui dans la contemplation des prend des photos, l'homme recule, s'arrête près de la
rampe et donne un coup de pied dans un vieux papier îles apparaissant devant eux.
mouillé collé sous la rampe en fer.
Je pense au cauchemar qui m'a réveillé ce matin. L'homme jette un coup d'œil dans la direction de la
On dirait une austère gronderie de mon enfance ; je femme, sans dire un mot. Il se retourne encore, il
ne sais comment ces bribes insignifiantes m'ont re continue d'observer les personnes qui montent en ser
trouvé de si loin. Pourtant, je ne me souviens déjà pentant sur la montagne et disparaissent au sommet.
plus de ce que c'était, je me rappelle uniquement que Après avoir regardé

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