Imaginez-vous, suisses et suissesses...  Note sur un consensus - article ; n°1 ; vol.3, pg 49-72
26 pages
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Description

Langage et société - Année 1978 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 49-72
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Jeanne Borel
Marianne Ebel
" Imaginez-vous, suisses et suissesses... " Note sur un
consensus
In: Langage et société, n°3, 1978. Février 1978. pp. 49-72.
Citer ce document / Cite this document :
Borel Marie-Jeanne, Ebel Marianne. " Imaginez-vous, suisses et suissesses.. " Note sur un consensus. In: Langage et société,
n°3, 1978. Février 1978. pp. 49-72.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1978_num_3_1_1060SUISSES ET SUISSESSES..." "IMAGINEZ-VOUS,
NOTE SUR UN CONSENSUS
MARIE-JEANNE BOREL/ CENTRE DE RECHERCHES SÉMIOLOGIQUES
MARIANNE EBEL UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL
I. LE LANGAGE COMME PRATIQUE
1. Nous proposons ici un essai d'analyse développé en parallèle
avec une recherche plus globale centrée sur l'analyse de la circulation de
discours xénophobes tenus en Suisse à partir des années 60. Un débat por
tant sur la question de 1 ' Ueberf remdung (surpopulation et emprise étran
gère) s'est réinstauré dans ce pays, à l'échelle nationale, depuis plus de
15 ans. A trois reprises des initiatives populaires "contre 1' emprise étran
gère" ont été soumises au vote, suscitant des campagnes vives et massives.
Plusieurs quotidiens ont, à cette occasion, ouvert une rubrique spéciale
invitant leurs lecteurs à prendre position. De nombreuses lettres sont ain
si parvenues aux rédacteurs de ces journaux. Dans ce qui suit, nous avons
retenu une dizaine de lettres de lecteurs adressées en automne 74 à La
Suisse et à 24 Heures, quotidiens romands. Ces lettres peuvent se répartir
en deux groupes principaux : celles qui appellent à voter OUI ou expliquent
pourquoi leur auteur souscrit à l'initiative de l'Action Nationale (un par
ti minoritaire d'extrême droite) contre la surpopulation et l'emprise étran
gère, celles qui appellent à voter NON.
Précisons d'emblée un certain nombre de points :
* nous ne cherchons pas à voir s'il y a, du point de vue des positions so- -soc
iales des auteurs de ces lettres, des différences notables entre ceux
qui affirment être favorables à l'initiative de l'Action Nationale et les
autres. Nous ne voulons pas "percer" l'identité sociale (économique, poli
tique) des auteurs de ces lettres.
* nous n'analysons pas ces lettres pour elles-mêmes comme reflets de méca
nismes psychologiques individuels; nous cherchons à voir, ce qui est bien
différent, comment des représentations sociales se construisent dans une
situation historique déterminée, comment les agents s'y représentent leur
place, comment leurs discours fonctionnent, comment les rapports de forces
sociaux s'y inscrivent.
* la méthodologie que nous envisageons se situe dans un rapport conflictuel
tant avec la linguistique de la langue comme système de règles formelles
stables qu'avec certaines démarches sociologiques cherchant dans le lan
gage le simple "reflet" de phénomènes sociaux. Nous considérons le langa
ge comme une pratique, un processus social de production de discours dont
il s'agit d'étudier le fonctionnement en situation. (1)
2. Dans un certain sens, les idées qui nous guident dans les limites
de cet article sont proches de celles de Mikhail Bakhtine (Volc>chinov) qui,
dès les années 20, posait le problème de la nature sociale du langage. L'ou-
vrage auquel nous nous référons ici (2) est certes déjà ancien, mais les
perspectives de recherches qu'il ouvre sont, à l'heure actuelle, loin d'être
épuisées .
Considérant avant tout la langue dans son usage pratique Bakhtine
met l'accent sur l'énonciation, définie comme réalité sociale, produit de
l'interaction d'individus socialement organisés. Selon lui, le langage est
inséparable de son contenu idéologique et possède donc, comme tout ce qui
est idéologique, une valeur sémiotique.
Le langage comme pratique est toujours socialement orienté : tout
mot s'adresse à un interlocuteur, fût-il fictif comme dans le discours in
térieur par exemple, car il n'y a de signes qu'entre individus socialement
organisés ; le mot, et plus généralement l'énonciation, unité de base du
discours, varie selon que le locuteur s'adresse à une personne de la mène
classe, du inême groupe social ou non, selon qu'il est hiérarchiquement infé-
(1) Nous nous plaçons dans la perspective mentionnée par J. BOOTET dans
Langage et Société, supplément au no 1, sept. 1977: "Propositions pour
une sociologie des langages" .
(2) Le Marxisme et la philosophie du langage, essai d'application de la mé
thode sociologique en linguistique, 1929, traduction du russe par
M. Yaguello, Paris, Editions de Minuit, 1977. - - 51
férieur ou supérieur, selon qu'il est lié par des liens sociaux plus ou
moins étroits, etc. Les membres de classes différentes peuvent bien utiliser
la même langue, appartenir à une même communauté sêmiotique, mais ils ne
parlent pas pour autant le même langage ; les formes linguistiques des dis
cours ne s'agencent pas simplement en systèmes gouvernés par des règles for
melles, elles participent à leur manière aux rapports de force qui détermi
nent le fonctionnement social en général.
Le mot -comme tout signe idéologique- n'est pas simplement un reflet ou une
ombre de la réalité, mais un fragment matériel de la réalité sociale et his
torique qui le détermine. Bakhtine note que dans les conditions habituelles
de la vie sociale, en-dehors des périodes de conflit ouvert entre classes,
la "contradiction, enfouie dans tout signe idéologique ne se montre pas à
découvert" , dans la mesure où la classe sociale dominante tend à rendre
le signe mono-accentuel, lui conférant un caractère intangible, apparemment
au-dessus des classes. (2)
Sa réflexion critique, matérialiste, amène Bakhtine à rejeter comme
réductionnistes aussi bien les études qui ne définissent la langue que com
me un système de formes abstraites (objectivisme abstrait) que celles qui
considèrent la parole comme un acte individuel, expression de visées, d'in
tentions, d'impulsions ou de consciences individuelles. Mais comment rendre
compte de la façon dont la réalité sociale, politique et économique détermi
ne le langage ? comment décrire et analyser la manière dont le langage "re
flète et réfracte" la réalité en devenir ?
Pour Bakhtine il s'agit
* de ne jamais séparer l'idéologie de la réalité matérielle du signe, ce
qui revient à considérer le langage-discours à la fois dans sa forme et
dans son contenu (idéologique)
(1) BAKHTINE, Op. cit. , p. 44.
(2) Nous ne pouvons discuter ce point, pourtant essentiel, dans le cadre de
cet article. Renvoyons ici le lecteur aux développements sur la notion
de "pratiques langagières différenciées" in J. BOOTET, Pratique langa
gière à l'école primaire. (Thèse de 3e cycle, ronéo 297p., Université
Paris VTI, Département de Recherches linguistiques , mai 1977.)
et M. EBEL, P. FIAIA, "Recherches sur les discours xénophobes" (I, II) ,
Neuchâtel, Travaux du Centre de Recherches sémiologiques , nos 27-28,
juillet 1977 (thèses en préparation) . - - 52
* de ne pas couper les signes des formes concrètes de la comnunication so
ciale organisée, ce qui implique une analyse concrète des places d'où par
lent les interlocuteurs, une analyse de la situation sociale d'énoncia-
tion
* de ne pas couper la coninunication et ses formes de leur base matérielle,
c'est-à-dire des conditions de productions sociales, politiques et écono
miques et des moyens de mise en circulation des signes verbaux.
La description d'une "psychologie du corps social" telle que l'en
trevoyait Bakhtine ouvre, nous semble-t-il, des perspectives intéressantes
pour une théorie de 1 ' énonciation capable de saisir les phénomènes discur
sifs de façon non réductionniste. C'est dans ce cadre que nous cherchons
à nous situer, même si nous ne disposons pas pour l'analyse de nos lettres
de lecteurs d'une théorie de 1 ' énonciation toute constituée, prête à l'usa
ge. Le choix même d'une grille d'analyse capable de décrire quelques-uns
des aspects des discours qu'ont tenus, lors de la '

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