Ivresse et violence : désinhibition ou excuse ?  ; n°4 ; vol.18, pg 431-445
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Déviance et société - Année 1994 - Volume 18 - Numéro 4 - Pages 431-445
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Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 136
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

S. Brochu
Ivresse et violence : désinhibition ou excuse ?
In: Déviance et société. 1994 - Vol. 18 - N°4. pp. 431-445.
Citer ce document / Cite this document :
Brochu S. Ivresse et violence : désinhibition ou excuse ?. In: Déviance et société. 1994 - Vol. 18 - N°4. pp. 431-445.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1994_num_18_4_1359Déviance et Société, 1994, Vol. 18, No 4, pp. 431-446
Actualités bibliographiques
DÉSINHIBITION IVRESSE ET VIOLENCE OU EXCUSE : T
S. BROCHU*
La criminologie a toujours été fascinée par le rôle joué par l'alcool sur les
comportements anti-sociaux. Dès sa naissance, le courant positiviste identifiait la
consommation d'alcool en tant que facteur criminogène conduisant un individu à
devenir délinquant. Plus tard, l'approche sociologique la relégua au second plan
en privilégiant l'étude de la structure sociale dans son ensemble. L'alcoolisation
était alors considérée comme secondaire étant un moyen d'évasion permettant
de fuir une réalité trop difficile à supporter. L'accroissement de la consommation
de substances psycho-actives (incluant l'alcool) dans les années 70 et '80 permit
une nouvelle «prise de conscience» du rôle possible de l'alcool sur la criminalité.
La consommation d'alcool et d'autres drogues revint à nouveau au premier plan
en tant qu'explication de la délinquance.
C'est ainsi que les statistiques courantes associent fréquemment la consom
mation de substances psycho-actives à la violence:
En 1987, près de 31% des affaires d'homicide classées mettaient en cause des
victimes ou des suspects ayant consommé de l'alcool ou des stupéfiants.
(Centre canadien de la statistique juridique, 1987, 58).
Même si ces études à caractère épidémiologique ne sont pas en mesure
d'attribuer un rôle moteur à la consommation de substances psycho-actives au
niveau du passage à l'acte agressif, plusieurs personnes expliquent une montée
présumée de la violence par l'intoxication des infracteurs. En effet, on pense
qu'une substance ayant un impact sur le système nerveux central affecte néces
sairement le comportement de son utilisateur (Blum, 1981). Il n'est d'ailleurs pas
rare d'entendre un contrevenant prétendre que les effets de l'alcool lui a fait
perdre le contrôle de ses réactions tout en le conduisant à agir de façon agressive.
* Ecole de Criminologie et Centre International de Criminologie comparée, Université de
Montréal.
1 Cette étude a été réalisée grace à une subvention du Conseil québécois de recherche sociale.
431 I. Alcool et violence
A faible dose, l'alcool peut agir tel un stimulant mineur. C'est ainsi que l'on
peut observer des personnes qui deviennent plus enthousiastes ou excitées à la
suite d'une faible consommation d'alcool. On s'en sert pour effacer la fatigue
d'une dure journée de labeur ou pour faire une conquête charmante, mais diffi
cile. Pour d'autres cependant, l'intoxication alcoolique constitue une point de
départ de la violence:
A un niveau inférieur, l'alcoolisme exacerbe les discordes, aussi fugitives que
fréquentes, envenime les différends, et les rixes prennent vite des proportions
considérables. Sous l'empire de l'alcool, on tue d'autant plus aisément qu'inin-
tentionnellement: la mort survient sous l'effet du hasard, de coups fortuits,
dans des bagarres dont on a oublié la raison; ces raisons ont souvent été
minimes: les individus montrent en effet une vulnérabilité extrême à l'humiliat
ion. Ils répondent instantanément à ce qu'ils ressentent comme injure. Ces
conduites qui renvoient encore à la négation sociale dont elles découlent en
partie provoquent des échauffourées aussi innombrables qu'imprévisibles et
dangereuses (Selim, 1989, 116).
Il se dégage un consensus selon lequel l'alcool constitue la substance psycho-
active la plus fréquemment associée à une criminalité expressive (Miller et
Potter-Efron, 1989). Ainsi, il est permis de croire que près de la moitié des per
sonnes accusées d'homicides se trouvent sous «l'emprise» de l'alcool au moment
du délit (Ladouceur, Temple, 1985; Langevin, Lang, 1990; Lindqvist, 1986;
Murdoch, Pihl, Ross, 1990; Pernanen, 1981; Wieczorek, Welte, Abel, 1990).
Cette forte proportion laisse supposer que la relation entre l'intoxication et la
manifestation d'une criminalité expressive n'est pas fortuite.
De plus, il apparaît que les agresseurs présentent généralement un taux
d'alcoolémie fort élevé qui se situe bien au-dessus de la limite légale pour la
conduite d'un véhicule à moteur (Scott, 1968).
Des chercheurs ont même observé une diminution de la criminalité de vio
lence lors d'épisodes de réduction de la disponibilité de boissons alcooliques
(Olsson, Wikstrôm, 1982).
1. Les acteurs en cause
Beaucoup d'études réalisées au cours des dernières années ont adopté une
philosophie écologico-systémique. Ainsi, les chercheurs se sont attardés à étudier,
non seulement le comportement de l'infracteur, mais également celui de la vic
time. On s'est alors aperçu que l'agresseur n'était pas le seul à se trouver en état
d'ébriété lors de la commission de crimes violents. Ces recherches ont démontré
que de nombreuses victimes de violence physique ou d'homicide (généralement
près de la moitié) se trouvaient également sous l'effet d'une intoxication (Abel,
432 Abel et Zeidenberg, 1985 ; Collins et Schlenger, 1988; Goodman et al., 1986; 1986;
Lenoir, 1984; Lindqvist, 1986; Michaux, Develay-Le Gueut, Piquet, 1986;
Murdoch, Pihl, Ross, 1990; Shepherd et al, 1988). A titre d'exemple, Goodman et
ses collaborateurs (1986) indiquent que 46% des 4092 victimes d'homicide qu'ils
ont étudié avaient un taux d'alcoolémie supérieur à la norme légale pour la
conduite automobile dans la majorité des Etats nord-américains (100 mg/10 ml).
Pour leur part, Sacco et Johnson (1990) affirment qu'alors que les personnes qui
ne consomment pas d'alcool présentent le taux de victimation violente le moins
élevé, celles qui boivent 14 verres ou plus d'alcool par semaine s'exposent à des
risques une fois et demie supérieurs à ceux des membres du groupe précédent.
Les risques de victimation apparaissent donc être en fonction du style de consom
mation alcoolique qui s'avère lui-même en forte relation avec l'âge des personnes
concernées et leurs lieux de consommation privilégiés (bars, parties ainsi que
d'autres rencontres sociales) (Jensen, Brownfield, 1986).
Deux hypothèses principales peuvent être formulées afin d'expliquer ce lien
apparent entre la consommation alcoolique et la victimation. La première expli
cation rallie autour d'elle un grand nombre de partisans. Cette hypothèse sou
tient que l'état d'ébriété de la personne a contribué à sa victimation. On doit
cependant considérer une seconde hypothèse selon laquelle ces deux comporte
ments (consommer des boissons alcooliques et subir un acte violent) ne seraient
reliés que de façon artificielle.
Analysons plus en détail la première explication. Une victime ivre constitue
aux yeux de plusieurs une proie plus facile qu'une personne qui maîtrise toutes
ses capacités intellectuelles et physiques. A ce titre, l'intoxication - et par exten
sion la consommation d'alcool - constitue un facteur victimogène (Langevin
et al, 1982; Michaux, Develay-Le Gueut, Piquet, 1986; Norton, Morgan, 1989;
Welte, Abel, 1989). Ainsi, un homme qui se trouve en état d'intoxication pourra
mal jauger la force de son opposant en comparaison avec ses propres capacités
physiques. Il ne percevra pas suffisamment rapidement les signes indiquant l'état
de rage dans lequel se trouve son adversaire. Dans ces circonstances, on discute
ainsi du rôle de l'alcool:
L'alcool peut être considéré comme un facteur victimogène lorsque le choix de
telle ou telle personne comme objet du crime est dû à son état d'ivresse, lorsque
l'attitude de la victime, alors sous l'effet de l'alcool, est un élément qui va
déclencher le crime ou déterminer le passage à l'acte. (Mosès, 1986, 88).
F

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