« L architecture parlante », ou Ledoux vu par les romantiques - article ; n°92 ; vol.26, pg 43-53
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Romantisme - Année 1996 - Volume 26 - Numéro 92 - Pages 43-53
L'époque romantique se définit aussi par la spécificité du regard qu'elle jette sur les époques antérieures. En examinant la postérité romantique de Claude-Nicolas Ledoux, Nicolas Molok peut s'appuyer sur l'évocation énigmatique faite de l'architecte français, ou plutôt de son « double » Piranèse, dans un essai central de la philosophie russe naissante, Les Nuits russes d'Odoïevski, mais Ledoux est surtout pour N. Molok l'occasion d'étudier le problème de l'expression dans l'architecture, sa transmutation en langage. La notion d'architecture parlante apparaît comme une création du romantisme architectural français.
The romantic era is defined by the particular view that it gives of the preceding eras. In examining the romantic posterity of Claude-Nicolas Ledoux, Nicolas Molok is able to rely on the enigmatic evocation mode by french architecture, or rather on its double Piranèse, in an essay that is central to nascent Russian philosophy, Russian Nights by Odoievski. However, Ledoux provides above all the opportunity for N. Molok to study the problem posed by architectural expression and its transmutation in to language. The notion of expressive architecture appears to be a creation of French romantic architecture.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 45
Langue Français
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Extrait

M. Nicolas Molok
« L'architecture parlante », ou Ledoux vu par les romantiques
In: Romantisme, 1996, n°92. Romantisme vu de russie. pp. 43-53.
Résumé
L'époque romantique se définit aussi par la spécificité du regard qu'elle jette sur les époques antérieures. En examinant la
postérité de Claude-Nicolas Ledoux, Nicolas Molok peut s'appuyer sur l'évocation énigmatique faite de l'architecte
français, ou plutôt de son « double » Piranèse, dans un essai central de la philosophie russe naissante, Les Nuits russes
d'Odoïevski, mais Ledoux est surtout pour N. Molok l'occasion d'étudier le problème de l'expression dans l'architecture, sa
transmutation en langage. La notion d'architecture parlante apparaît comme une création du romantisme architectural français.
Abstract
The romantic era is defined by the particular view that it gives of the preceding eras. In examining the romantic posterity of
Claude-Nicolas Ledoux, Nicolas Molok is able to rely on the enigmatic evocation mode by french architecture, or rather on its
"double " Piranèse, in an essay that is central to nascent Russian philosophy, Russian Nights by Odoievski. However, Ledoux
provides above all the opportunity for N. Molok to study the problem posed by architectural expression and its transmutation in to
language. The notion of expressive architecture appears to be a creation of French romantic architecture.
Citer ce document / Cite this document :
Molok Nicolas. « L'architecture parlante », ou Ledoux vu par les romantiques. In: Romantisme, 1996, n°92. Romantisme vu de
russie. pp. 43-53.
doi : 10.3406/roman.1996.4264
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1996_num_26_92_4264Nicolas MOLOK
« L'architecture parlante », ou
Ledoux vu par les romantiques
Le terme d'architecture parlante par lequel on désigne aujourd'hui certains projets
de l'architecte français Claude-Nicolas Ledoux et, plus largement, toute l'architecture
des Lumières, n'existait pas encore à l'époque de Ledoux. L'architecte lui-même,
ainsi que plusieurs de ses contemporains, parlait du « système symbolique » de
l'architecture et de l'obligation de construire des édifices qui « parlent aux yeux » l. Il
se posait donc en héritier de définitions telles que « la peinture parlante » (c'est ainsi
que l'on nommait au XVIIe siècle la poésie) et « la poésie muette » (« muta poesis »),
autrement dit la peinture 2. C'est dans cette tradition que se range aussi la notion un
peu plus récente de « musique figée » (l'architecture selon les romantiques all
emands). Le terme d'architecture parlante, contrairement à toutes ces définitions méta
phoriques, ne décrit que l'architecture, et rien d'autre.
Ce terme fut employé pour la première fois dans la revue Le Magasin pittoresque
dans un article écrit par l'architecte et critique romantique français Léon Vaudoyer et
consacré à l'œuvre de Charles (sic !)-Nicolas Ledoux (c'est ainsi que, par erreur, les
romantiques appelaient du siècle précédent). Cette désignation antidatée n'est
pas exempte de contradictions : le terme nouveau, tout en remontant à la notion classique
de decorum et en définissant assez bien l'architecture de Ledoux, fait en même temps
partie du discours romantique et exprime l'attitude des romantiques envers Ledoux.
1.
Lorsqu'en 1782 le grand-duc Paul arriva à Paris sous le nom de Comte du Nord, il
visita l'hôtel Guimard, construit par l'architecte Ledoux pour la célèbre danseuse, et
fît connaissance avec l'architecte lui-même. Le grand-duc octroya à Ledoux le droit
de lui dédier le livre que celui-ci était en train d'écrire. On peut présumer (mais on
n'en sait rien exactement), que le grand-duc commanda aussi à Ledoux plusieurs pro
jets architecturaux. Plus tard, en 1789, Ledoux envoya en Russie 273 dessins, dont on
ignore aujourd'hui le sort. Les dessins furent transmis par l'intermédiaire du graveur
Johan-Georg Wille qui en parle dans son Journal 3. Enfin, après l'assassinat de Paul
1. Claude-Nicolas Ledoux, L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la légis
lation, Paris, 1804, p. 52, 115.
2. Voir, par exemple, R. de Pile {Dialogue sur le coloris, Paris, 1673) ; voir aussi H. Pader, La
Peinture parlante, Toulouse, 1653. C'est W. Szambien {Symétrie, goût, caractère, Paris, 1986, p. 176, note
9) qui affirme l'appartenance du terme architecture parlante à cette époque, en réfutant N. Levine qui, de
son côté, le place dans le contexte de V lisible de l'époque romantique (N. Levine, « The
Romantic Idea of Architectural Legibility : Henri Labrouste and the Neo-Grec » dans The Architecture of
the Ecole des Beaux-Arts, éd. A. Drexler, New York, London, 1977).
3. « J'ai été voir M. Le Doux, architecte, qui me montra plusieurs dessins de bâtiments qu'il a résolu,
sur la demande de Son Altesse Impériale le grand-duc de Russie, d'envoyer à ce prince qui aime générale
ment tous les arts... M. Le Doux m'a enfin remis les dessins d'architecture si longtemps désirés par son
Altesse Impériale Monseigneur le grand-duc de toutes les Russies. Ils sont au nombre de 273 que je ferai
partir sans délai pour Pétersbourg » (Journal de Wille, 27 décembre 1787 ; le 8 février 1789 ; le 28 mars
1789). Cité par L. Dussieux, Les Artistes français à l'étranger, Paris, 1856, p. 418 et suiv.
ROMANTISME n°92 (1996-2) 44 Nicolas Molok
1er en 1801, Ledoux réécrivit la dédicace et dédia son livre au nouvel empereur,
Alexandre Ier. C'est avec cette dédicace que le traité de Ledoux L'Architecture consi
dérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation fut édité en 1804 :
Les Scythes attaqués par Alexandre de Macédoine jusqu'au milieu des déserts et des
rochers qu'ils habitaient dirent à ce conquérant : « Tu n'es donc pas un dieu, puisque tu
fais du mal aux hommes ! » - Tous les peuples de la terre diront à l'Alexandre du Nord :
Vous êtes un homme ! puisque vous voulez bien accueillir un système social qui contri
buera au bonheur du genre humain 4.
La comparaison d'Alexandre 1er avec Alexandre le Grand était très répandue à
l'époque en Russie. Il suffit de dire qu'en 1784 Catherine II fit construire aux envi
rons de Pétersbourg un palais pour son petit-fils, le grand-duc Alexandre, et que
l'emplacement de ce palais re-ut le nom de Pella, c'est-à-dire de la ville où Alexandre
le Grand était né. L'architecte, Ivan Starov, avait fait ses études à Paris, dans l'atelier
de Charles de Wailly. Pourtant Ledoux donnait à la comparaison des deux Alexandres
un sens spécial, architectural : lui-même se comparait à Dinocrate, l'architecte de
cour d'Alexandre le Grand, connu par son projet de la ville d'Alexandrie qui devait
être construite sur la main d'une figure colossale taillée dans le mont Athos. Ledoux
inventa son Alexandrie à lui : ce fut la ville idéale de Chaux, dont les projets furent
publiés dans le traité de 1804. Dans le Prospectus de ce traité (1802) Ledoux dit que
la ville de Chaux devait être bâtie « sur le volume antique de la nature » 5, donc, en
Russie, le seul pays européen de l'époque satisfaisant à ces conditions.
C'est lors du rendez- vous de Ledoux avec le grand-duc Paul que l'architecte ment
ionna pour la première fois son traité sont L'Architecture considérée sous le rapport
de l 'art, des mœurs et de la législation. Or, la réédition de ce traité au milieu du XIXe
siècle, en pleine gloire du « Gothic Revival », fut à son tour l'événement principal de
la réception romantique de l'architecture selon Ledoux.
Cette réédition fut assurée par Daniel Ramée (1806-1887), dont l'intérêt envers
l'œuvre de Ledoux s'explique en partie par des circonstances familiales : son père,
J.-J. Ramée, architecte aussi, était adjoint de Ledoux et membre de la même société
proche des maçons que celui-ci 6. En 1846 Daniel Ramée fit paraître à Londres le soi-
disant « deuxième volume » du traité, et en 1847 à Paris, sous le titre Architecture de
C.-N. Ledoux, parurent deux grands volumes, contenant 75 des 125 illustrations de
l'édition originale du traité (1804), ainsi que 2

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