L autre autre d un siècle philosophe : lecture et morale - article ; n°1 ; vol.54, pg 271-287
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2002 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 271-287
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Azzedine Guellouz
L'autre autre d'un siècle philosophe : lecture et morale
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2002, N°54. pp. 271-287.
Citer ce document / Cite this document :
Guellouz Azzedine. L'autre autre d'un siècle philosophe : lecture et morale. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 2002, N°54. pp. 271-287.
doi : 10.3406/caief.2002.1463
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2002_num_54_1_1463L'AUTRE AUTRE D'UN SIECLE
PHILOSOPHE : LECTURE ET MORALE
Communication de M. Azzedine GUELLOUZ
(Haut conseil de la francophonie)
au LIIIe Congrès de l'Association, le 4 juillet 2001
Je dois à la chaleureuse amitié d'Edric Caldicott, mais à
elle seule, l'avantage de participer — au coude à coude
avec tant d'éminents spécialistes — à ce chantier consacré
à la représentation de l'étranger par la littérature française
et au statut, dans cette représentation, de l'image de l'Eu
ropéen. Vaste programme — et délicat — à la veille de la
disparition des derniers francs, allégorique d'une France
qui s'apprête à parachever son engagement européen en
même temps qu'elle est requise de donner à une autre
communauté, la francophonie, des raisons de croire en
son devenir. Ne sommes-nous pas, en effet, à la veille du
sommet francophone de Beyrouth, placé sous le signe du
dialogue avec les autres cultures présentes dans l'espace
francophone ?
Sans doute notre animateur aura-t-il pensé que l'indis
crète profusion du curriculum vitœ de son ami le qualifiait
pour témoigner de la complexité du débat auquel il nous
a conviés, sans trop se poser de questions sur l'aptitude
de son invité à y tenir sa partie. Or, au soir d'une double
carrière dans la politique et dans l'Université, je suis
conscient que cette plurivalence a été vécue dans l'effe
rvescence du questionnement plutôt que dans la sérénité
des synthèses. 272 AZZEDINE GUELLOUZ
C'est donc sans illusions de certitude — pas même de
pertinence — que le dix-huitiémiste retraité parlera de ses
désarrois devant la représentation « philosophe » (je ne
dis pas philosophique) de l'autre (Européen et non-Euro
péen) par la littérature française, puis que le retraité de la
politique se contentera d'esquisser, plutôt que des
réponses, quelques interrogations concernant les potential
ités humanistes et universalistes aussi bien de l'Europe
que de la francophonie.
Mes interrogations de dix-huitiémiste concernant le
fonctionnement du regard français sur les caractères des
nations pourraient être organisées autour de la lecture de
deux œuvres dont l'élaboration, la publication et l'accueil
ont constitué des moments marquants du siècle. La pre
mière se situe à l'aube des Lumières ; son analyse nous
permettra de suivre le cheminement des idées d'un écr
ivain politique, l'abbé de Saint-Pierre, compagnon des
ministères de la fin du règne de Louis XIV et de la Régenc
e. La seconde couvre le dernier tiers du siècle où s'inscrit
l'itinéraire d'un autre écrivain politique, l'abbé Raynal,
compagnon des ministères des deux derniers Bourbons.
Certes, il s'agit de compagnons obscurs. Mais cette obscur
ité est une des raisons d'être de l'exercice. D'abord parce
que, d'un point de vue littéraire, les minores constituent
des caisses de résonance plus simples et plus amples.
Ensuite parce qu'en matière d'histoire politique existe
souvent tout un travail d'arrière-boutique qui mérite
d'être mis au jour. La grisaille sied aux eminences.
SOCIÉTÉ DES NATIONS OU AXE ? LES TRIBULATIONS DE
LA NOTION D'UNIVERSALITÉ CHEZ L'ABBÉ DE SAINT- PIERRE
Charles Irénée Castel, abbé de Saint-Pierre (1658-1743),
est célèbre plutôt que véritablement connu. Il est de bon
ton en effet de placer ce nom dans les dîners diplomat
iques, pour rappeler que son Projet de Paix perpétuelle est
précurseur de la défunte SDN, donc de l'actuelle ONU. Il
va cependant de soi que ce serait d'un mauvais diplomate LECTURE ET MORALE 273
en ces mondaines instances que de chercher à gratter au
delà de ce vernis.
Pourtant un diplomate qui lirait en professionnel les
trois volumes de son Projet — parus successivement les
deux premiers en 1713 et un dernier en 1717 — ne devrait
pas manquer d'y relever une dissonance de taille (1).
Dans les textes parus en 1713, il est envisagé que les sou
verains de Turquie et de Barbarie auraient des observat
eurs auprès des instances prévues ; dans ceux de 1717, de
tels observateurs sont absents. Et pour cause : l'auteur
donne pour objet à la nouvelle Organisation l'expulsion
des musulmans de leurs possessions, d'Europe d'abord,
d'Afrique et d'Asie par la suite (2) !
Cette découverte conduit à une autre. Les passages
concernés par ces contradictions font référence à d'autres
versions du Projet qui éclairent d'un jour nouveau le che
minement de la pensée de l'abbé de Saint-Pierre.
Il y a eu cinq versions du Projet de Paix perpétuelle :
1711 (3), 1712 (4), 1713, 1717 et 1729 (5). Or les versions
antérieures à 1713 envisagent une organisation internatio
nale où tous les États européens, et précisément la Turquie
et les puissances barbaresques, étaient dûment mentionn
és, ainsi d'ailleurs que la quote-part de leurs contribu
tions ; en 1713, les puissances musulmanes ne sont plus
(1) Abbé de Saint-Pierre, Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe
(Utrecht, Antoine Schouten, 1713). Abbé de Saint-Pierre, Projet de traité pour
rendre la paix perpétuelle entre les souverains chrétiens... (Utrecht, Antoine
Schouten, 1717). Nonobstant la différence de titre, ce volume est présenté
par l'auteur comme la suite des deux volumes précédents.
(2) Tome I, p. 325 et tome III, pp. 431-438.
(3) II en existe deux copies à la BNF de Paris, qui ne diffèrent que par le
titre : Mémoire pour rendre la paix perpétuelle en Europe, s.l.n.d., un volume
(sous la cote Rés. *E 319) et Projet-de paix perpétuelle, deux volumes les cotes Rés. *E 354 et 355).
(4) Mémoires (sic) pour rendre la paix perpétuelle en Europe (un vol. in-12,
Cologne, chez Jacques le Pacifique, 1712). Le nom de l'éditeur laisse planer
un doute quant à la réalité d'une publication hors du territoire français.
(5) Abrégé du projet de paix perpétuelle approprié à l'état présent des affaires
générales de l'Europe (Rotterdam, Beman, 1729), réédité en 1738. 274 AZZEDINE GUELLOUZ
prévues que comme membres associés, pour devenir dans
l'édition de 1717 la cible de Nations... unies pour les
détruire. Enfin on les voit qui réapparaissent en 1729 avec,
en quelque sorte, un statut d'États associés.
Cette modeste mise à jour bibliographique éclaire les
choses d'une lumière nouvelle. Pour faire bref : l'idée
d'une organisation universelle d'arbitrage a germé dans
un esprit suffisamment proche de « l'opposition » pour
briguer les suffrages du fameux Petit Concile, collège de
conseillers du Dauphin mort en 1712. En 1713, l'espoir de
voir ses idées discutées aux préliminaires de paix
d'Utrecht lui inspire l'amendement « réaliste », qui ramè
ne la participation d'États musulmans à une association.
Quant à l'amendement radical de 1717, celui qui réduit le
Concert des Nations à une Ligue chrétienne antimusul
mane, il est la conséquence d'événements décisifs pour le
devenir européen de la France. Le Régent est le fils de
Madame, la princesse palatine, dont l'abbé de Saint-Pierre
était le chapelain. Il fut même question un temps que le
« bienfaisant abbé » devînt auprès du nouveau maître de
la France le Mentor qu'avait espéré être Fénelon auprès
d'un autre maître. La perspective d'une participation
effective à la décision politique dicte au penseur politique
une stratégie plus politicienne : c'est la rupture avec la
politique européenne de Louis XIV qui est l'urgence.
Depuis les saccages

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