L histoire : une biologie de l événement - article ; n°3 ; vol.26, pg 854-872
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 854-872
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

José Gentil Silva
L'histoire : une biologie de l'événement
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 3-4, 1971. pp. 854-872.
Citer ce document / Cite this document :
Silva José Gentil. L'histoire : une biologie de l'événement. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 3-4,
1971. pp. 854-872.
doi : 10.3406/ahess.1971.422450
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_3_422450L'Histoire:
Une biologie de l'événement politique
Lexique, temps, histoire : étude méthodologique
D y a déjà une quinzaine d'années, nous avions préparé l'édition de documents
pour l'histoire des affaires, des lettres marchandes expédiées de Lisbonne à la fin
du xvie siècle et au début du xvne. Affaires, affaires en particulier d'épices et de poivre,
affaires assez connues (et plus modestement, aussi des affaires de laines, de sel, de
céréales), le ravitaillement de Lisbonne, ville de cent mille âmes, l'époque de
Philippe П, plus les parfums de l'Océan, quelques traits d'exotisme, beaucoup de
subtilité marrane.
Ces lettres des marchands de Lisbonne n'ajoutaient pas de connaissances import
antes à l'histoire quantitative; elles colorent, quelquefois avec force, les conjonct
ures, les situations des marchés, les rivalités entre nations marchandes. La réper
cussion de ces rivalités sur les conjonctures et sur les stratégies commerciales et
financières semblait monter en épingle les systèmes de paiements et les manipulat
ions des marchés. Mais qui de ces hommes d'affaires en était conscient?
Cela va de soi, les gens de Lisbonne ne disposaient pas tous d'une information
identique, ils n'avaient pas une même version de ces situations, et évidemment les
moyens à leur portée déterminaient leurs préoccupations, leurs choix, leurs luttes
et leurs triomphes ou leurs craintes.
En classant leurs lettres marchandes, des ordres de priorité nous apparaissaient,
qui semblaient à première vue engager ces hommes d'affaires dans leurs comporte
ments et aussi dans leurs décisions, dans un certain style même de écrits. Une
première constatation allait de soi : toutes les affaires n'étaient pas bonnes pour
tous les marchands, et telle conjoncture, fatale pour les uns, a pu être dramatique
pour tous, mais finalement favorable pour certains.
L'interprétation rigoureuse de centaines et de milliers de lettres conduisait à
diviser ce monde privilégié du commerce international, amenait toujours à faire
appel à d'autres informations, répondait en réalité à d'autres questions que les
nôtres, questions qui intéressaient les conjonctures, les marchés, les affaires. LETTRES MARCHANDES DE BISENZONE S J.-G. DA SILVA
Essentiellement, ces lettres témoignaient sur des sujets qu'elles ne documentaient
guère : sur les profits, sur leurs origines et leur structure technique, sur les condi
tions de protection et d'actualisation du capital, sur la solidité et la transmission
des patrimoines, sur le besoin de sécurité, en somme sur les mentalités et sur tes
contraintes qui tenaient les hommes.
H eût fallu une enquête interdisciplinaire pour tirer de ces documents modestes
toute leur substance d'information. Cependant, pour l'histoire même, dans ses buts
et dans ses méthodes, les enseignements des lettres marchandes de Lisbonne avaient
une immense importance. Par exemple, l'index général des mots-clé employés, et
des sujets traités, formait une grille, et leur fréquence dans chaque collection de
textes offrait « la matière à des calculs et à des recherches nouvelles, à la fois sur le
rang, sur la situation, les préoccupations et la mentalité des signataires » \
Dans cette perspective, et compte tenu des conditions actuelles de la recherche
scientifique, ce sont des problèmes d'édition (sinon de stockage), d'exploitation
efficace des documents historiques, de méthodologie ouverte à la recherche inter
disciplinaire, qui nous ont guidé, qui nous ont conduit à faire l'analyse d'un texte
homogène et précis, traitant de questions que nous connaissons bien 2.
L'étude méthodologique d'un témoignage sur « Bisenzone »s, cette Utopie
efficace et durable, conçue, organisée, dirigée et exploitée par le monde financier,
cette étude a été pour nous l'occasion de mettre l'analyse du lexique au service
d'une redécouverte du temps vertical, et d'une recherche des systèmes circulaires,
des affirmations d'un ordre particulier, refuge et appui des activités économiques
et autres dans notre monde.
Dans une autre étude étroitement liée à celle-ci, nous avons fait une incursion
dans le cadre général des foires des changes, tel qu'on peut le brosser à travers les
réalités politiques, sociales, économiques, financières*. Ici nous nous limitons à
évoquer ces assemblées où se réunissent, tous les trois mois, environ trente hommes
d'affaires; banquiers, marchands-banquiers.
Ces réunions avaient lieu à « Bisenzone » qui avait été, pour un certain temps,
Besançon, ensuite Chambéry ou telle autre ville de Savoie, et, depuis, Plaisance,
Novi, pour ne jamais se trouver définitivement entre ses murs : préférant tantôt
Santa Margherita Ligure, tantôt Sestri Levante, tantôt La Spezia, au gré des Génois
majoritaires.
Les 30 feraldi, habilités à participer aux assemblées des foires, venaient, chacun
avec un ou deux compagnons, leurs livres, et une quantité plus ou moins grande
de pièces en or, celles qu'ils présentaient au Chancelier après les avoir fait peser,
pour compléter leurs paiements, parfois pour influencer les cours. Comme d'autres
marchands venaient encore participer à ces règlements sans intervenir dans l'assemb
lée, c'était en général plus d'une centaine d'hommes qui s'installaient pour huit jours
dans la ville qui abritait « Bisenzone ».
« Bisenzone... ovunque voglion essi; talchè assai meglio Utopie cioè Fiere senza
luogo, s'avrieno da chiamare... perché non vi vanno popoli a comprar mercanzie;
ma solamente cinquanta о sessanta cambiatori con un quaderno di fogli, a ricapitare i
1. Cf. J.-G. da Silva, Marchandises et finances. Lettres de Lisbonne, Ш (Paris, S.E.V.P.E.N.,
1959), p. 443.
2. Ouvrage à paraître prochainement sous le titre de : Lexique, temps, histoire (Gallimard).
3. Au sujet de Bisemone, voir J.-G. da Silva, Banque et crédit en Italie au XVII* siècle. I. Les
Foires de change et la dépréciation monétaire. П. Sources et cours des changes (1575-1722). Paris,
Klincksieck, 1970, 2 vol.
4. J.-G. da Silva, Banque et crédit en Italie au XVW siècle, op. cit. AUTRES LOGIQUES
Cambîî fatti quasi in tutta Europa, e ritomargli, con quegl'interessi, che quivi conven.
gono, non da altro regolati, che dal far in modo, che la taccola possa durare » К
Le mécanisme était assez simple en réalité : deux opérations, le change et le retour,
de l'arbitrage. Lorsque cette simplicité extrême était contrariée par n'importe
quelle raison, on avait recours aux arbitrages en d'autres monnaies, pour d'autres
places; toujours sur le même principe. Arbitrages, paiement de marchandises,
opérations de crédit, à l'échéance plus ou moins rapprochée, rendaient possibles
des emplois de fonds à plus long terme que chacune de ces opérations. Les fonds
fructifiaient et étaient protégés par la régularité et la rigueur du mécanisme.
« Bisenzone » où selon Quevedo 8 se réunissaient les hommes d'affaires pour
mettre prix à la monnaie, « Bisenzone » était une réunion, une assemblée ad hoc où
l'innovation était impensable. En conséquence, dans les textes au sujet de « Bisen
zone » qui ne sont pas des répliques d'un picaro éclairé imaginé par le caustique
Quevedo, le lexique est en principe homogène, surtout sur une période assez courte,
et sous la plume d'un seul participant, en particulier s'il s'agit de celle, attentive et
prudente, du Chancelier, qui enregistre les opérations tel qu'on doit en avoir connais
sance dans V avenir, lorsque les événements futurs les mettront en ordre. C'est dans
ces conditions qu'il nous était possible d'analyser (en r

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