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MOBILISER L A PE RSONNE DANS L 'ENSEIGNEMENT DES LET TRES P AR L'IMA GE ETL'IMAGINAIREL'image en cou rs de français : une invitation au voyag e1Francis FONTAIN E IntroductionSi l'on veut que le contact avec l'image soit une invitation au voyage, il convient de prendre un certain nombre deprécautions : ne pas d’a buser d’ exercices formels mais les intégrer dans une démarche d’ensemble dont la création sera lebut ; accorder une large place aux études comparatives en partant du type d’ images que l’e nfant connaît ; inscrire touteétude de l’image dans un ensemble d’ activités dont la finalité sera clairement perçue. Les propositions qui suivent,expérimentées en classe, visent trois objectifs : faire retrouver à l’enfant ses énergies et ses formes d’intelligenceatrophiées ; utiliser se s én ergies à de s f ins créatr ices ; lui d onner le s mo yens li nguistiques a fin de po uvoir s ’exprimer.Pour présenter ces activités, j'ai privilégié trois axes : Comment utiliser l’image pour favoriser la créativité des élèves ?Comment recourir à l’image pour aider à la co mpréhension de certaines notions littéraires ? Comment donner, dans le coursde français, à l’image son statut de langage (la ngage visuel) par rapport a u langage é crit (langage v erbal) ? Image et cré ativité« La g raphie fait l’ image »2 Tel pourrait ê tre le titre d’une première série d e je ux à caractère disciplinaire visant à la stimulation de l’imagination et3au développement de l’ ...

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Langue Français

Extrait

MOBILISER LA PERSONNE DANS L'ENSEIGNEMENT DES LETTRES PAR L'IMAGE ET
L'IMAGINAIRE
L'image en cours de français : une invitation au voyage
Francis FONTAINE
1
Introduction
Si l'on veut que le contact avec l'image soit
une invitation au voyage
, il convient de prendre un certain nombre de
précautions : ne pas d’abuser d’exercices formels mais les intégrer dans une démarche d’ensemble dont la création sera le
but ; accorder une large place aux études comparatives en partant du type d’images que l’enfant connaît ; inscrire toute
étude de l’image dans un ensemble d’activités dont la finalité sera clairement perçue. Les propositions qui suivent,
expérimentées en classe, visent trois objectifs : faire retrouver à l’enfant ses énergies et ses formes d’intelligence
atrophiées ; utiliser ses énergies à des fins créatrices ; lui donner les moyens linguistiques afin de pouvoir s’exprimer.
Pour présenter ces activités, j'ai privilégié trois axes : Comment utiliser l’image pour favoriser la créativité des élèves ?
Comment recourir à l’image pour aider à la compréhension de certaines notions littéraires ? Comment donner, dans le cours
de français, à l’image son statut de langage (langage visuel) par rapport au langage écrit (langage verbal) ?
Image et créativité
« La graphie fait l’image »
Tel pourrait être le titre d’une première série de jeux à caractère disciplinaire visant à la stimulation de l’imagination
2
et
au développement de l’imaginaire
3
.
Jeu sur une lettre
Dans
Albums
(1839), Victor Hugo élabore un abécédaire où il établit des liens visuels entre les différentes lettres de
l’alphabet et les images qu’elles suscitent : le A lui suggère, par exemple, des rapports avec le vocabulaire de l’architecture
et des relations humaines. Après avoir demandé aux élèves de repérer les liens entre les lettres et les différents vocabulaires,
on peut proposer à chacun de composer un abécédaire à partir d’un vocabulaire en rapport avec chaque lettre de l’alphabet.
Dans cet exercice, où il est préférable de s’appuyer sur les lettres en capitales d’imprimerie ou sur les majuscules de
l’écriture manuelle script, certaines lettres n’évoquent rien aux enfants.
Jeu sur un mot
Dans
Le Grand Recueil
(1961), Francis Ponge établit un lien entre la graphie d’un mot (VERRE) et la forme de l’objet
(le verre). Une fois le procédé étudié, on invite les élèves à écrire à la manière de Ponge : Prends un mot et observe-le ;
Décompose-le ; Compare le mot avec la chose qu’il désigne ; Fais une description la plus exacte possible de cette chose tout
en ne quittant pas le mot des yeux ; Relève toutes les images qui sont suggérées par la typographie des lettres qui forment le
mot. Dans cet exercice, la difficulté tient au choix du mot et à la police de caractère choisie. Là encore, il vaut mieux
privilégier les lettres en capitales d’imprimerie ou les majuscules de l’écriture manuelle script.
1
Formateur associé, Lettres, IUFM de Basse-Normandie
2
Imagination : cette faculté créatrice (capacité à stocker ou créer des images) est "organisation du vrai" dit Baudelaire
3
Imaginaire : ce sont les territoires sur lesquels s’exerce l’imagination (imaginaire poétique, plastique, corporel). Il est
"conscience du réel" dit Sartre.
Jeu sur un texte
On peut clore cette série d'activités dans lesquelles "la graphie fait l'image" par un texte d'Arthur Rimbaud, "Voyelles",
Une saison en enfer
, 1873.
Vers 1 : "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles". Ce premier vers est caractéristique de la poésie symboliste
qui cherche à suggérer des significations. Pour cela, les poètes utilisent des images et des procédés d'écriture qui mettent en
jeu les cinq sens.
Vers 2 : "Je dirai quelque jour vos naissances latentes". Sur ce poème aux interprétations complexes et controversées,
Rimbaud ne donne guère d'indications. Dans
Une saison en enfer
, d'où est tiré ce sonnet, il indique simplement : "j'inventai
la couleur des voyelles… je réservai la traduction". La traduction qu’en fait R. Faurisson, (dans la revue Bizarre n° 21-22,
1962) est séduisante. Pour lui, la forme des voyelles suggère les formes du corps de la femme : Vois elles
Ce texte vise à développer l’imaginaire des élèves. Il est un monument incontournable du territoire poétique. On peut
prolonger sa lecture par un travail d’écriture (le mot-image) destiné à exercer l’imagination : Observe les mots suivants
(astronef, rhinocéros, canard, montre) pourquoi on les appelle-t-on mots-images ? Imagine des mots-images pour écrire :
fusée, robot, arbre, poisson…
« L’image fait la graphie »
Nous pouvons aussi mettre en place une série d'activités interdisciplinaires fondée sur la lettre, le mot, le texte dans
lesquelles, cette fois, c’est l’image qui remplace la graphie.
Jeu sur une lettre
On peut pour cela débuter par un jeu sur la lettre en sollicitant l'aide du professeur de biologie. On présente aux enfants
L’Alphabet en feuilles
de Georges Lemoine : Comment G. Lemoine a-t-il procédé pour écrire son alphabet ? D’après les
couleurs des feuilles, quelles sont les deux saisons de l’année auxquelles il est fait référence ? Que symbolisent-elles ?
Avec le professeur de biologie, choisis un support végétal (ou minéral) pour créer, par exemple un alphabet des odeurs.
Jeu sur un mot
On peut ensuite passer de la lettre au mot en faisant appel cette fois au professeur d'Arts plastiques pour travailler sur le
mot dessiné. Partiellement ou en totalité les mots peuvent être transformés en dessins. Ces dessins (emboîtement,
chevauchement, gradation des lettres, forme des graphèmes) donnent au mot une dimension iconique puisqu’ils le font
ressembler aux éléments du réel qu’il évoque.
On privilégie ici l’iconicité des graphèmes : Observe les mots
Paris
et
Anglais
. En quoi leur forme correspond-elle à
leur sens ? Le graphème A de
Paris
est remplacé par la Tour Eiffel, dans
Anglais
le i est remplacé par un parapluie
surmonté d’un chapeau melon. Quels points communs relèves-tu entre le texte et le dessin ? Imagine à ton tour une manière
d’écrire : Pise, pomme, froid, feu, racine, bambou… en introduisant dans tout ou partie du mot des éléments extraits du
quotidien. Si tu ne sais pas dessiner l’objet, tu peux procéder à un collage. Pour aider les élèves, on peut donner comme
texte d'appui, un poème rébus de M.- H. Lacroix, "Le poète et la
" in
Jouer avec les poètes
, 1999. L'auteur remplace
par une tache les parties des mots contenant cette sonorité.
Jeu sur un texte
Nous achèverons cette série d'activités interdisciplinaires dans lesquelles "l'image fait la graphie" en nous appuyant sur
un texte de Victor Hugo extrait des
Misérables
, 1862. Le professeur d'histoire -géographie a ici un rôle à jouer.
Dans "Waterloo" (II, 4), l’auteur écrit : "Ceux qui veulent se figurer nettement la bataille de Waterloo n'ont qu'à coucher
sur le sol par la pensée un A majuscule. Le jambage gauche de l'A est la route de Nivelles. Le jambage droit est la route de
Genappe. La corde de l'A est le chemin creux d'Ohain à Braine-l'Alleud". C’est là un détour pour initier ou entraîner les
élèves au discours descriptif d’autant que Hugo utilise ce procédé à deux autres reprises dans l’œuvre. On remet aux élèves
le plan de Paris et on leur demande de décrire le quartier proposé en couchant une lettre sur la carte. En fin d’activité, on
leur soumet la description de l’écrivain.
Quant à la fin du texte, elle est l'occasion pour le professeur d'histoire-géographie de faire le point sur les personnages
cités (Wellington, Jérôme Bonaparte, Napoléon) et de préciser leur rôle dans cette célèbre bataille.
Cet ensemble d'activités (disciplinaires et interdisciplinaires) montre qu'écriture et image entretiennent des relations
privilégiées. Cette parenté a au moins deux explications :
Des raisons historiques. J'ai intitulé ma communication "invitation au voyage" en reprenant le titre d'un poème dans
lequel Baudelaire fait référence surtout aux peintres hollandais (Ruysdaël, Van Eyck, Vermeer) avant d'avoir lui-même
servi de référence à Matisse pour son tableau "Luxe, calme et volupté", 1904. Cette conversation qu'entretiennent image et
écriture se retrouve chez bon nombre d'artistes. Diderot, Huysmans, Proust, Gide, Claudel, Aragon, Breton, Malraux ont
noué des relations privilégiées avec la peinture comme René Char avec Georges de la Tour.
Des raisons structurelles. Ici même, Martine Joly soulignait que l'image ne peut se passer du texte. Elle faisait remarquer
que lorsqu'une image est dépourvue de texte, il est malgré tout écrit "sans paroles". Roland Barthes insiste sur la fonction de
relais
et d'
ancrage
qu'entretient le texte avec l'image qui l'accompagne.
Image et détour
C’est cette connivence d’ailleurs qui permet parfois d’avoir recours à l’image comme détour pour appréhender certaines
notions littéraires.
La comparaison
Le but de la comparaison est de créer une analogie qui rende l’évocation du comparé plus précise, plus expressive.
Jacques Prévert a construit son collage
L’Avion
, 1957, sur une comparaison entre l’avion et l’oiseau. On peut demander aux
élèves : Quelle est cette comparaison ? Indique le comparé, le point comparant, les points communs.
La métaphore
Le but de la métaphore est, sous une forme plus condensée et plus brillante que la comparaison, de créer une analogie.
L’image peut être aussi métaphorique : elle suggère alors le rapprochement de deux objets distincts. On propose aux enfants
la photographie de F. Marsal
Les larmes et les lèvres de l’amour
en l’accompagnant du questionnaire suivant : Explique la
métaphore , quelles réalités sont rapprochées par le photographe ? Quelles ressemblances ont permis ces rapprochements ?
Sens propre/sens figuré
On présente aux élèves des images dans lesquelles les auteurs se sont amusés à représenter des expressions : les carottes
sont cuites, c’est fort le café, la moutarde me monte au nez, va te faire cuire un œuf… Après avoir relié chaque image à son
texte, les enfants doivent associer chaque expression à sa signification : se dit lorsque tout est fini ; se dit de quelque chose
d’inadmissible ; se dit lorsqu’on sent la colère monter en soi ; se dit lorsque l’on veut se débarrasser de quelqu’un.
On les invite alors à imaginer un court texte jouant sur le sens propre et figuré d’une expression. Voici deux productions
réalisées en classe de quatrième : toujours près de ses pompes, pour satisfaire les clients qui réclament du carburant, le
garagiste est vraiment à côté de ses pompes, en fin de journée. Voulant prendre une gamelle pour mijoter un plat, le
cuisinier s’est blessé en glissant sur une peau de banane : il a eu droit ainsi à une double gamelle. On peut prolonger cette
activité en demandant aux élèves de mettre en scène la situation par le dessin ou la photographie (les appareils numériques
s’avèrent très appropriés).
Image et langage
Toutefois, lire un texte et lire une image sont deux activités distinctes. Ceci nous amène au troisième et dernier point de
l'exposé : comment donner à l'image son statut de langage par rapport au langage écrit ? Le langage verbal et le langage
visuel proposent des modes de perception contrastés auxquels une attention spécifique doit être accordée pour éviter les
rapprochements intempestifs. On peut attirer l'attention des élèves sur au moins deux différences.
Première différence
Le langage verbal est successif (mots et phrases se déroulent dans le temps), le langage visuel est simultané. Dans le
langage verbal l’image est suggérée alors que dans le langage visuel l’image est montrée. La poésie est, selon moi, le genre
le plus fécond pour initier les élèves aux similitudes et aux différences entre les deux langages. La poésie se rapproche
souvent de l’image visuelle en proposant au lecteur les images verbales réalisées au moyen de figures.
Au rang des productions extrêmes qui marient « image montrée » et « image suggérée » figurent, bien sûr, les arts de
l’emblème, mais aussi les idéogrammes de Ségalen, les peintures verbales de Dotremont, les cartouches-poèmes de
Cocteau, les calligrammes d’Apollinaire, les scriptoformes de Michel Beau…
Après cette première différence entre langage écrit et langage visuel qui, selon Lessing, (depuis
Le Laokoon
) tient au fait
que l’un appartient aux " arts du temps" et l’autre aux "arts de l’espace", on peut aussi attirer l’attention des élèves sur une
seconde différence entre écrit et image. Cette fois, elle concerne la perception puisque "regarder une image" met en jeu des
mécanismes particuliers.
Deuxième différence
L’observation d’une image est soumise à la capacité de notre cerveau et de nos yeux à travailler ensemble pour essayer
de donner un sens à ce que nous voyons : un chien proche de nous paraît plus gros qu’un camion situé à un kilomètre. Nous
sommes constamment confrontés à de telles illusions d’optique. L’âge, le sexe, les affects influent sur la perception. Une
même image peut avoir des lectures différentes. Des artistes jouent sur cette hésitation de l’œil.
Salvador Dali était fasciné à l’idée de voir deux images différentes en un seul tableau. Au centre du
Marché d’esclaves
avec apparition du buste invisible de Voltaire
, 1940, on voit soit deux petits personnages habillés de noir dans le marché,
soit un buste du philosophe français, Voltaire. Mais les voit-on l’une et l’autre ? C’est très difficile : les deux images sont
présentes, mais le regard se porte soit sur l’une soit sur l’autre. Dali a donné à ces images ambiguës une appellation
fantaisiste : la méthode "paranoïaque-critique". Déjà, William Hogarth, dans une gravure de 1754, image en trompe-l’œil,
introduit des anomalies liées à des erreurs de perspectives. Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) exploite, quant à lui, l’image
à double entrée dans un tableau qui représente des aliments mais qui, une fois inversé, laisse apparaître un visage, allégorie
du métier de cuisinier.
D’une part, ces images insolites sont des supports pour développer des paramètres entrant dans l’acte lexique
(discrimination, empan, anticipation, mémoire) : la discrimination visuelle trouve appui sur les peintures de Dali et
Arcimboldo, l’empan sur la gravure de Hoggarth.
D’autre part, ces images sont "de formidables déclencheurs de fiction littéraire qui les utilisent et les mettent en scène" :
La Vénus d’Ille
(Prosper Mérimée),
Le portrait de Dorian Gray
(Oscar Wilde) sont des exemples célèbres de textes dont
l’intrigue a pour point de départ des images (statue, peinture).
Conclusion
Au cours de cette "invitation au voyage", à partir des images, je n'ai pris pour support que des images fixes.
Naturellement, dans une telle pratique (qui a pour but de développer les qualités naturelles de l'enfant, de lui permettre
d'atteindre son équilibre dans un épanouissement harmonieux parce que global) il ne faut pas négliger le recours aux images
fixes en séquences et aux images mobiles. Il est bien évident qu'aucun enfant ne réussira toutes les activités, mais nul enfant
n'en réussira aucune. Il s'agit d'avoir en face de l'œuvre une attitude dynamique et créatrice et non de spectateur admiratif et
passif. Le texte étudié est beaucoup mieux apprécié par les élèves au fur et à mesure qu'ils se heurtent au problème de la
création : "on ne peut dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux" dit Pierre Reverdy. Puisse l'image les conduire
vers cet épanouissement !
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