L'importance des retours à la région natale (Octant n° 94)

Michel Rouxel

Description

Les résultats du recensement montrent que 28 % des nouveaux arrivants en Bretagne, âgés de plus de 18 ans, sont nés en Bretagne. Si l'on y ajoute les conjoints et ceux dont un parent est né en Bretagne, on peut parler d'un « retour aux sources familiales » pour un arrivant sur deux. Ces « retours » s'effectuent souvent soit vers 30 ans, soit vers 60 ans. Mais, dans le même temps, la Bretagne attire de plus en plus de jeunes actifs sans origine bretonne ; c'est à la fois une marque d'attractivité d'une région jouissant d'une bonne image, et le fruit d'une nouvelle dynamique économique.

Sujets

• INSEE
• Migration
• Population
• AGE
• Société
• Sociologie, société et politique

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Extrait

Migrations
L’importance des retours
à la région natale
Les résultats du recensement montrent que 28 %
des nouveaux arrivants en Bretagne, âgés de plus de 18 ans,
sont nés en Bretagne. Si l’on y ajoute les conjoints et
ceux dont un parent est né en Bretagne, on peut parler
d’un “retour aux sources familiales” pour un arrivant
sur deux. Ces “retours” s’effectuent souvent soit vers 30 ans,
soit vers 60 ans. Mais, dans le même temps, la Bretagne
attire de plus en plus de jeunes actifs sans origine bretonne ;
c’est à la fois une marque d’attractivité d’une région
jouissant d’une bonne image, et le fruit d’une nouvelle
dynamique économique.
n dixième de la population adulte De 28 % à 53 % de retours région, contre 82 % pour les sédentairesUrésidant en Bretagne en 1999 - soit (ceux qui habitaient déjà la région enselon la définition
220 500 personnes - n’y habitait pas en 1990).
1990. Il est souvent avancé que l’impor-
tance de cette population immigrante est En première approche, l’importance des Toutefois, on peut prendre en compte la
due aux mouvements de retour de per- retours doit être relativisée : la plupart région de naissance de la personne de
1
sonnes ayant quitté la région au cours des nouveaux arrivants en Bretagne ne référence du ménage ou de son
des années antérieures. Cette intuition sont pas nés dans la région. Seulement
1 : Les nouveaux arrivants sont des personnes de 18
mérite d’être confrontée aux chiffres is- 62 000, soit 28 % d’entre eux, sont nés ans et plus ayant changé de région de résidence entre
sus du recensement de la population. dans l’un des quatre départements de la 1990 et 1999 et habitant la Bretagne en 1999.
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conjoint, car la migration concerne sou- des retours à la région d’origine atteint creux plus profond correspond
vent l’ensemble d’un ménage ou bien 61 % dans les Côtes-d’Armor, 59 % principalement à des personnes d’ori-
constitue un rapprochement familial : dans le Finistère, 52 % dans le Morbi- gine bretonne (sens large), et au batail-
près de 36 000 personnes, soit 16 % des han et seulement 45 % en llle-et-Vi- lon traditionnel des émigrants en quête
arrivants en Bretagne, ne sont pas nées laine. Une logique de sélection spatiale d’avenir (B). Un tel cortège de partants
en Bretagne, mais vivent dans un mé- peut expliquer ces différences : les dé- s’observe simultanément dans toutes les
nage dont la personne de référence ou partements les plus attractifs « recru- régions de province.
son conjoint est né en Bretagne, et leur tent » plus fréquemment en dehors de
migration peut être associée à un com- tout lien familial, notamment l’Ille- Le deuxième est un sommet qui apparaît
portement de retour à la région de nais- et-Vilaine, département plus riche en vers l’âge de 35 ans, il représente le pre-
sance. Cela conduit à une proportion de emplois. mier train des retours en Bretagne (C).
44 % d’arrivants en Bretagne qui en L’âge observé signifie que ces person-
sont originaires au sens large. nes ont migré entre 26 et 34 ans, à l’âge
où, le plus souvent, la situation profes-Arrivées et départs
Le retour au pays peut s’entendre égale- sionnelle s’affermit et le désir de fonderau fil des âges
ment comme un retour aux sources des une famille se réalise. Enfin, un dernier
racines familiales. Un certain nombre sommet échoit vers 60-65 ans, essen-
de migrants reviennent non pas dans tiellement pour ceux qui, à la fin de leurLa répartition des migrants selon leur
leur région natale mais dans celle de âge, en distinguant les migrants d’ori- vie active, retrouvent leur terre natale,
leurs parents. L’étude sur l’histoire fami- celle de leurs parents ou celle de leurgine bretonne, au sens large précédem-
liale, enquête associée au recensement ment défini, et les autres migrants, per- conjoint (D).
de 1999, a permis d’évaluer leur met d’analyser le comportement migra-
nombre à près de 20 000 personnes toire, du moins sa partie visible à l’occa-
pour la Bretagne. En les comptant et en sion d’un recensement. Sur les courbes Forte propension
admettant donc cette définition large du indiquant le nombre de partants et le au retour en Bretagne
retour, la part des « retours au pays » nombre d’arrivants, différents creux et
parmi les arrivées entre deux recense- pics apparaissent et signalent les pério-
ments atteint 53 %. C’est cette défini- des particulières du cycle de vie. Les comportements de retour caractéri-
tion du retour qui est privilégiée dans le sent particulièrement le mouvement mi-
reste de l’article. Le premier pic ou creux pointe vers 27 gratoire breton. Parmi les 22 régions
ans, ce qui suppose une mobilité ef- métropolitaines, la Bretagne affiche une
fectuée entre 19 et 26 ans, consécutive des plus fortes proportions de retours.
aux études supérieures ou à la re- Rapportés au nombre d’arrivants, cesLa sélection des territoires
echerche d’un premier emploi. Dans le retours classent la Bretagne au 3 rang,
sens des arrivées, il concerne surtout les juste après le Nord-Pas-de-Calais et la
Des différences assez marquées appa- personnes qui ne sont pas d’origine bre- Lorraine, mais ces deux régions sont très
raissent entre les départements : la part tonne (A). Dans le sens des départs, un peu attractives en terme de solde
Nombre d'arrivants ou de partants de Bretagne entre 1990 et 1999
5 000
A C
4 000
3 000 D
2 000
1 000
0
− 1 000
− 2 000
− 3 000
− 4 000
− 5 000 Arrivées en Bretagne - migrants d’origine bretonne (au sens large)
Arrivées en Bretagne - autres migrants− 6 000
Départs de Bretagne - migrants d’− 7 000
Départs de Bretagne - autres migrants
− 8 000
B
− 9 000
20 30 40 50 60 70 80 90
Âge en 1999, la migration ayant eu lieu entre 1990 et 1999
Source : Insee - recensement de la population et enquête Étude de l'histoire familiale - 1999
Octant n° 94 - Juin 2003 21Migrations
migratoire. Plus significatif est le Plusieurs causes à cette particularité tion jusque dans les années 1960.
nombre de retours rapporté à la popula- bretonne interviennent et se renforcent Elle constituait alors la première
tion résidente : cet indicateur place la mutuellement : source de main-d’œuvre de la capi-
erBretagne au 1 rang national. Plus pré- Cause historique : l’importance des tale. Au cours des années 1954-
cisément, c’est la vague de retours après retours est la contrepartie de l’impor- 1962, plus de 13 000 natifs de Bre-
60 ans qui distingue nettement la Bre- tance des départs dans le passé. La tagne quittaient chaque année leur
tagne des autres régions. Bretagne a été une région d’émigra- région, soit deux fois plus que la
moyenne des régions de province.
Cause géographique : la forme pénin-
sulaire de la région lui confère une
large façade maritime (2 700 km de
Nombre d’arrivants ou de partants de Bretagne entre 1990 et 1999 côtes) transformant la région en pays
(âge adulte) de la mer, ce qui est devenu un avan-
tage appréciable dans une société
Arrivants Partants Solde friande de loisirs.
Nés en Bretagne 18 à 60 ans 88 300 110 400 - 22 100
Parmi les autres causes, on peut citer la
ou apparentés à 60 ans et plus 28 400 7 100 21 300
forte identité de la région qui contribue
un natif de la région Total 116 700 117 500 - 800 à l’attachement des natifs.
Autres 18 à 60 ans 88 100 49 100 39 000
60 ans et plus 15 700 6 300 9 400 Où est la source
Total 103 800 55 400 48 400 du solde migratoire ?
Total 220 500 172 900 47 600
Entre arrivées et départs, les mouve-Source : Insee - recensement de la population et enquête Étude de l’histoire familiale - 1999.
ments migratoires aboutissent à un solde
positif de 47 600 adultes. Malgré l’im-
portance des retours, il faut garder à l’es-
prit que les départs de Bretons - au sens
large - demeurent légèrement supérieurs
au nombre des retours, aboutissant à un
quasi-équilibre de ces échanges. L’excé-
Nombre de partants et d'arrivants en Bretagne (moyennes annuelles)
dent migratoire de la région résulte en
fait d’autres facteurs, dont le p