La criminalisation de la contestation politique : un échec du libéralisme - article ; n°2 ; vol.2, pg 199-213
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Description

Déviance et société - Année 1978 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 199-213
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

L. Extermann
La criminalisation de la contestation politique : un échec du
libéralisme
In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 - N°2. pp. 199-213.
Citer ce document / Cite this document :
Extermann L. La criminalisation de la contestation politique : un échec du libéralisme. In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 -
N°2. pp. 199-213.
doi : 10.3406/ds.1978.980
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1978_num_2_2_980Déviance et Société. Genève, 1978, vol. 2, No 2, p. 199-213
LA CRIMINALISATION DE LA CONTESTATION POLITIQUE :
UN ECHEC DU LIBERALISME
L. EXTERMANN *
"Qui veut noyer son chien
I 'accuse d 'avoir la rage "
Le sujet de la criminalisation de la contestation politique est vaste,
passionnant et d'une brûlante actualité : trois qualités qui en rendent
l'étude fort périlleuse.
Nous nous résignerons donc à trois limites :
— à ne considérer que le régime libéral et pluraliste, d'abord, puisque
dans les autres régimes le problème de la criminalisation de la
contestation politique ne se pose pas (voir infra);
— à n'envisager que le cas de la Suisse, ensuite, que nous connaissons,
et qui n'est pas assimilable aux autres démocraties occidentales;
— à adopter le point de vue du militant politique, enfin (nous
préférons ce terme à celui, équivalent à nos yeux, de "contestat
aire").
Ajoutons d'emblée que nous n'observons pas sans déplaisir ni
inquiétude cette tendance générale à la criminalisation de la contesta
tion politique, dont nous pressentons qu'elle pourrait être le prélude à
d'autres entraves aux libertés publiques. Nous confessons enfin attacher
le plus grand prix à notre présente liberté d'action politique.
Origine et sens actuel du terme contestation
Etymologiquement, contester vient du verbe latin testari, renforcé
du préfixe cum- (ou con-), et signifie : témoigner avec force. Histor
iquement, le terme a une origine judiciaire : contester, c'était à Rome
"plaider en produisant des témoins". D'où la double démarche
qu'implique le mot : dénier quelque chose, le refuser tout en s'offrant à
prouver qu'on a raison. On se place ainsi à l'intérieur d'un cadre
préétabli, sous l'autorité d'un tribunal, dont on accepte d'avance la
décision. Il s'agit donc, à l'origine, d'une méthode d'arbitrage destinée à
intégrer les conflits d'ordre privé.
Il n'est pas abusif, pensons-nous, de procéder par analogie pour la
contestation politique d'aujourd'hui : il s'agit toujours de refuser quel-
* Institut suisse de la vie, section de Genève.
199 que chose, tout en s'offrant à prouver qu'on a raison de proposer autre
chose; mais ce sont les institutions politique qui seront alors chargées
d'arbitrer le conflit; et il reviendra au peuple, par les procédures
démocratiques de l'élection et/ou du vote au suffrage universel, de
trancher en dernier ressort.
Prise dans son sens le plus large, la contestation politique est
synonyme, pour le militant, d'action politique. Mais le terme de contes
tation a pris depuis peu un sens péjoratif : il évoque l'attitude de
dénigrement systématique des institutions, d'opposition forcenée aux
Autorités, de refus de "jouer le jeu démocratique". Et cette ambiguïté
entre le sens large, noble, et le sens étroit, partisan, de ce terme favorise
évidemment l'entreprise de criminalisation de la contestation politique.
Le pouvoir se sait soutenu par la majorité des citoyens; dès lors, le risque
est grand, si le pouvoir n'a pas rencontré de forte opposition à son
action, qu'il combatte bientôt la contestation politique elle-même,
c'est-à-dire qu'il limite l'exercice de l'action politique elle-même...
A mi-chemin entre ces deux définitions, nous entendons la contes
tation politique, pour notre part, comme l'expression d'un désaccord
avec les valeurs politiques dominantes (v. infra).
Une précision capitale s'impose ici : c'est de rappeler que la
contestation politique ne peut s'exercer véritablement que dans les
pays dits libéraux (c'est-à-dire, pour simplifier, dans la plupart des
démocraties occidentales), lesquelles reconnaissent à leurs citoyens, au
moins formellement, le droit à l'opinion différente, et pratiquent le
pluralisme politique. Il est clair que les états autoritaires ne sont que
peu concernés, puisqu'ils ont, par définition, muselé les libertés publi
ques de leurs sujets. Quant aux états totalitaires , qui prétendent régir
jusqu'aux pensées de leurs ressortissants et leur refusent en conséquence
le droit de penser autrement, le problème de la criminalisation de la
contestation politique ne se pose pas dans les mêmes termes pour eux,
puisque la contestation politique y est déjà, en soi, un crime; cette
dernière doit donc s'y exprimer d'une autre manière, que ce soit
activement ou passivement. C'est pourquoi nous n'étudierons ici que le
cas des états libéraux.
Le libéralisme politique
Le rappel de quelques notions fondamentales, et prétendument
évidentes, nous semble nécessaire pour clarifier le débat. Nous emprunt
erons ici les classifications adoptées par M. Jean Baechler l .
200 L'essence du politique est de garantir la concorde intérieure et la
sécurité extérieure. Tous les systèmes politiques qui assurent simultané
ment ces deux fins sont virtuellement possibles.
Comment peut-on, théoriquement, établir la concorde intérieure
(puisque c'est d'elle qu'il s'agit ici) ? Par trois moyens, caractérisant
chacun trois systèmes politiques,
— l'oppression, correspondant à l'autoritarisme,
— l'unanimité, au totalitarisme,
— le contrôle des conflits, correspondant au pluralisme.
Ce sera donc le règlement des conflits internes en régime pluraliste
qui retiendra notre attention.
"Le libéralisme se distingue par la reconnaissance explicite des divergences
d'opinions, d'intérêts et de projets. Le problème se pose donc dans les termes
suivants : comment bâtir un ordre stable et efficace sur des conflits ? " 2 .
Au XIXème siècle, les libéraux ont cru, dans leur optimisme, qu'il
suffirait de libérer les passions, les intérêts et les opinions et de les
laisser entrer en concurrence pour que s'instaure automatiquement
l'équilibre au point de coïncidence des intérêts particuliers et de l'inté
rêt général. Un tel optimisme fut cruellement démenti par le caractère
irréductible des conflits de la fin du XIXème et du XXème siècle, en
particulier par la première guerre mondiale et ses conséquences indi
rectes (révolution russe, fascisme, nazisme, etc.).
Le libéralisme a donc dû se faire plus réaliste; il peut désormais se
résumer dans ce théorème :
"La confrontation des projets arbitraires mène à un point d'équilibre instable,
qui s'avère la solution la meilleure ou la moins mauvaise possible" 3.
On sait que ce libéralisme-là repose sur un paradoxe, qui en fait
tout à la fois la faiblesse et la force : c'est qu'il est obligé, de par sa
définition même, de tolérer les projets anti-libéraux, ou, en d'autres
termes, de reconnaître la liberté aux ennemis de la liberté.
Mais n'y a-t-il pas de limite à cette vocation suicidaire du libéra
lisme ? Sans doute, car "nul n'est contraint de favoriser sa propre
mort" et M. Baechler de conclure assez cyniquement 4 :
"Les projets antilibéraux seront éliminés, à partir du moment où ils devien
dront dangereux pour le système libéral. Il est difficile de préciser ce moment.
Si l'on tarde trop, on risque la subversion ou la guerre civile. Si l'on intervient
trop tôt, on anéantit des projets qui servent d'exutoires à des besoins réels et
qui chercheront à s'exprimer par des voies moins contrôlables. C'est tout le
problème du contrôle social en régime libéral 5, pour lequel il n'y a pas de
recette simple : c'est affaire d'appréciation et de sang-froid 5 de la part des
dirigeants".
201 Ce diagnostic sans complaisance, qu'il nous a semblé utile de cit

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