La dollarisation cubaine : éléments de réflexion pour une dé-dollarisation - article ; n°171 ; vol.43, pg 535-553
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La dollarisation cubaine : éléments de réflexion pour une dé-dollarisation - article ; n°171 ; vol.43, pg 535-553

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 171 - Pages 535-553
Paulo Nakatani and Rémy Herrera — The dollar-Cuba : Elements of reflection for a dollar-disengagement.
This article first proposes to the reader a historical perspective explaining how today's conversion of Cuba into a dollar economy differs from that of the pre- revolutionary period. Secondly, it analyses the causes and mechanisms of the current dollar-conversion, accompanied by an assessment of its economic and social consequences. Thirdly, it examines the terms of the related debate as engaged both within and outside Cuba, as well as the rare but stimulating scenarios of dollar disengagement for Cuba.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rémy Herrera
Paulo Nakatani
La dollarisation cubaine : éléments de réflexion pour une dé-
dollarisation
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de
Rémy Herrera). pp. 535-553.
Abstract
Paulo Nakatani and Rémy Herrera — The dollar-Cuba : Elements of reflection for a dollar-disengagement.
This article first proposes to the reader a historical perspective explaining how today's conversion of Cuba into a dollar economy
differs from that of the pre- revolutionary period. Secondly, it analyses the causes and mechanisms of the current dollar-
conversion, accompanied by an assessment of its economic and social consequences. Thirdly, it examines the terms of the
related debate as engaged both within and outside Cuba, as well as the rare but stimulating scenarios of dollar disengagement
for Cuba.
Citer ce document / Cite this document :
Herrera Rémy, Nakatani Paulo. La dollarisation cubaine : éléments de réflexion pour une dé-dollarisation. In: Tiers-Monde.
2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de Rémy Herrera). pp. 535-553.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_171_1622LA DOLLARISATION CUBAINE
ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
POUR UNE DÉ-DOLLARISATION
par Rémy Herrera* et Paulo Nakatani**
Cet article propose au lecteur : 1 /une mise en perspective historique
expliquant en quoi, aujourd'hui, la dollarisation de l'économie cubaine se
distingue de celle de la période pré-révolutionnaire ; 2 / une analyse des
causes et des mécanismes de la actuelle, accompagnée d'une
évaluation de ses effets économiques et sociaux ; 3 /une présentation des
termes du débat, engagé à Cuba et à l'étranger, autour de la dollarisat
ion, et des scénarios, plus rares mais très stimulants, de dé-dollarisation
pour Cuba.
La récente dollarisation, partielle mais croissante, de l'économie
cubaine est un phénomène complexe et tout à fait original. Elle s'est
manifestée par la circulation simultanée sur le territoire national de
trois monnaies : le peso cubain (la monnaie nationale, demeurée
inconvertible depuis 1959), le dollar états-unien (qui s'est imposé de
fait sur les autres devises) et le peso convertible (équivalent interne du
dollar). Cette multiplicité de monnaies, associée à un double système
de change (un taux officiel de 1 peso pour 1 dollar et un taux semi-
officiel d'environ 26 pesos par dollar), traduit un compartimentage de
l'économie en différents circuits monétaires, relativement étanches,
dans lesquels les niveaux et structures de prix de biens et services simi
laires peuvent être différenciés.
La dollarisation cubaine est la conséquence directe de la très grave
crise traversée par l'économie à partir de 1990 et de la disparition du
** ♦ Chargé Professeur de à recherche l'Université au cnrs fédérale (umr de 8595 Espirito MATISSE, Santo Université (Brésil), professeur de Paris I invité Panthéon-Sorbonne). à l'Université de
Paris XIII.
Revue Tiers Monde, t. XL1I1, n° 171, juillet -septembre 2002 Rémy Herrera et Paulo Nakatani 536
bloc soviétique - le point bas du pib ayant été atteint en 1993-1994,
avec une chute de 34 % en volume par rapport à son niveau de 1989
(comparable à la crise de 1929). Malgré les difficultés économiques
très marquées de la décennie 1990, qui ont rendu inévitable la légalisa
tion de la monnaie états-unienne dans l'île et obligé les autorités à
intégrer la dollarisation comme l'une des composantes de leur poli
tique économique, le processus a jusqu'à présent été relativement bien
maîtrisé. Grâce à lui, les pouvoirs publics ont en effet atteint pour
partie leur objectif d'augmenter les entrées de devises, et ainsi
d'assurer la récupération de l'économie nationale. Ce redressement a
permis de rétablir la valeur d'un peso fortement déprécié durant la
dépression, et même - le cas est suffisamment rare pour être souligné -
de stabiliser la monnaie nationale contre le dollar (au taux de 21
pour 1) entre 1996 et fin 20011, en dépit du renforcement du blocus.
Les pouvoirs publics cubains, contraints d'accepter la dollarisation,
l'ont finalement placée au cœur même de leur stratégie de récupérat
ion. Mais les effets de cette réforme monétaire n'ont à l'évidence pas
tous été positifs. Les menaces qu'elle fait peser sur la société cubaine
sont telles que les autorités rappellent d'ailleurs de façon récurrente
leur volonté d'en décider la suppression dès que les conditions les y
autoriseront. La question cruciale est dès lors de s'entendre sur ce que
recouvrent ces conditions.
Le présent article propose au lecteur : une mise en perspective his
torique expliquant en quoi la dollarisation de la période pré
révolutionnaire se distingue de celle d'aujourd'hui (lre partie) ; une
analyse des mécanismes de la actuelle, accompagnée
d'une évaluation de ses effets économiques et sociaux (2e partie) ; une
présentation des termes du débat, engagé à Cuba et à l'étranger,
autour de la dollarisation, et des scénarios, plus rares mais très stimul
ants, de dé-dollarisation pour Cuba (3e partie).
LA DOLLARISATION AVANT LA RÉVOLUTION
Le temps de la domination états-unienne
La dollarisation cubaine actuelle n'est pas de même nature que
celle qui a caractérisé son histoire passée et ne peut être interprétée
comme un retour à la situation qui prévalait avant 1959. Car, si le dol-
1. Début novembre 2001, à cause de la contraction de l'activité - touristique notamment - après les
attentats du 11 septembre, le dollar a glissé de 2i à 28 pesos, pour revenir à 26 pesos. dollarisation cubaine 537 La
lar circula à Cuba sans discontinuité entre 1898 et 1959, il tint le rôle
de monnaie nationale de facto dans une économie totalement soumise,
après 1914, aux États-Unis - plus précisément à leur capital financier
(Morgan, puis Rockefeller)1. La première dollarisation accompagna
l'occupation militaire de l'île par les États-Unis (1898-1902), qui favo
risa la pénétration des capitaux états-uniens et leur assura une position
hégémonique dans tous les secteurs clés (et surtout dans le secteur
sucrier). En 1902, la république cubaine naquit sans que sa constitu
tion n'ait prévu de monnaie nationale2. Un « traité de réciprocité »
donna un cours légal au dollar, qui remplit, dans une large mesure, les
fonctions de monnaie nationale sur le territoire cubain. C'est en 1914,
entre deux interventions armées des États-Unis (1906-1909 et 1917)
que fut créée une nouvelle monnaie, le peso. Cette création ne visait
pas tant à autonomiser le système monétaire cubain des États-Unis (il
restait dual) qu'à évincer les monnaies concurrentes encore en circula
tion, pour faire reposer l'économie tout entière sur le dollar. La loi de
liquidation du système bancaire (1920) marqua la faillite des banques
locales et acheva la prise de contrôle des finances cubaines par les
États-Unis.
Les conséquences de la soumission (monétaire et financière notam
ment) de Cuba se firent sentir lors de la crise de 1929. La dépression
toucha son économie plus durement que le reste de l'Amérique latine.
L'île était très vulnérable aux variations des recettes d'exportations,
composées à 80 % de sucre et dirigées à 75 % vers les États-Unis. Ces
derniers interdirent à Cuba de recourir aux mesures de défense utili
sées par les autres gouvernements latino-américains. Elle dut concéder
des baisses de tarifs douaniers et conserver un taux de change de 1
pour 1 entre peso et dollar, ce qui provoqua une forte déflation, con
tracta la masse monétaire et lamina l'économie du pays. Le pib chuta
de 36 % de 1929 à 1932. L'impact social fut dramatique. Une solution
était pourtant envisageable, passant, par exemple, par la conversion en
pesos des dollars en circulation, la dévaluation et l'instauration du
contrôle des changes, appuyées par une politique expansionniste et
protégeant les productions nationales (substitution aux

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents